Collection Archives Derniers ouvrages parus Bussy-Rabutin : lettres inédites, d
Collection Archives Derniers ouvrages parus Bussy-Rabutin : lettres inédites, documents présentés par Daniel-Henri VINCENT Mai 1968 en Bourgogne, documents présentés par Jean VIGREUX Les aveux de la chair sans masque, documents présentés par Stéphane RATTI Éditions Universitaires de Dijon eud@u-bourgogne.fr http://eud.u-bourgogne.fr Tous droits réservés ISBN 978-2-36441-299-6 ISSN 2610-2293 L-1 B 8'2./~N3 wCOL- 1 un p VIRGINIA WOOLF CARNET INÉDIT (1907-1909) Édition présentée et traduite par Mireille Duchêne Éditions Universitaires de Dijon Collection Archives Dijon,2019 Ouvrage publié avec le soutien de /'École Supérieure du Prefessorat et de /'Éducation de l'j,~~fff1.1~leJ,;?ijon Q0·.·.'~.:.·, ..•. ~~~ ) '< '·_,',__.;, 1# can read such books with another aim, not to throw light on literature, not to become familiar with famous people, but to refresh and exercise our own creative powers1. Introduction Rouvrir un carnet Un moineau perché sur la grille d'en face gazouilla : Septimus, Septimus, quatre ou cinq fois de suite, puis il repartit, en étirant ses notes, pour chanter d'une voix animée, perçante, sur des pa- roles grecques, que le crime ça n'existe pas, et un autre moineau s'étant joint à lui, ils chantèrent tous deux d'une voix quis' étirait, perçante, sur des paroles grecques, un chant qui partait des arbres dans la prairie de la vie pour aller jusqu'à l'autre rive du fleuve, là où marchent les morts, affirmant que la mort, ça n'existe pas'. D'antiques paroles Comme le lapin de Lewis Carroll entraîne Alice au Pays des Merveilles, le moineau qui s'adresse en grec à 1. V.WOOLF,« How Should One Read a Book?», Essays,V, p. 576. 2. V.WOOLF, Œuvres romanesques I, Mrs Dalloway,].AUBERT dir., Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2012, p. 1088-1089. 6 Introduction ... Septimus Smith dans Mrs Dalloway invite à suivre mille pistes dans I' œuvre de Virginia Woolf. Parmi elles, l'une conduit à retrouver les échos de ce chant aux accents helléniques dans les écrits de la romancière et essayiste anglaise. Ils résonnent nombreux dans son Journal et dans ces notations rétrospectives que présente Moments ef Being.Ainsi, dans le chapitre« Le Vieux Bloomsbury », Virginia se rappelle le séjour qu'elle fit chez son amie Violet Dickinson en 1904, après le décès de son père Leslie Stephen : elle croit entendre les oiseaux chanter des chœurs grecs. Cependant, la trace du moineau et les paroles prononcées par lui dans la langue d'Œdipe et d' Ajax entraînent toujours plus loin, jusque dans la fiction: nous voici dans Traversées d'abord intitulé Melymbrosia 1 aux consonances grecques évocatrices d'arômes de miel et d'ambroisie, sur un navire portant le nom d'une fille de Zeus, la Charite Euphrosyne, la Joie. Le volatile entraîne le lecteur à la curiosité aiguisée dans La Chambre de Jacob où le héros a une prédilection pour les mots latins, dans Les Années où Sally ouvre par hasard l' Antigone de Sophocle traduite en vers par Edward Pargiter. Il n'est pas jusqu'aux nouvelles qui ne contiennent mentions, allusions et développements liés aux grands auteurs de l' Antiquité, à leur langue et à leur culture. Sans compter les Essais et les Lettres. . . Sans oublier un certain« Magic Greek »,non retrouvé à ce jour, un article qui aurait dû tenir en une colonne, envoyé anonymement le lundi 20 mars 1905 à la Royal Academy et aussitôt refusé. Le samedi de la même semaine, Virginia note dans son Jou;nal: « L'Academy me renvoie mon "Grec magique" qu'ils estiment très 1. Melymbrosia n'a jamais été publié du vivant de V.Woolf. Introduction ... 7 divertissant mais "par trop incompatible avec leur point de vue" pour être publié. » Le mystère des paroles de l'oiseau et le corpus étendu des références antiques laissent la place à une interrogation : pourquoi une écrivaine qui semble vouloir se détacher de l'emprise de son éducation victorienne et qui « a libéré toutes les formes cl' écriture1 » revient-elle sans cesse aux sources de la littérature occidentale, aux langues anciennes ? L'oiseau de Septimus renvoie des réponses trop impénétrables, déformées qu'elles sont par l'alchimie littéraire. Celles de la critique woolfienne restent souvent dans les limites de l' œuvre publiée. Commencé à la fin de l'année 1907 et refermé en mai 1909, un Carnet cl' études grecques et latines renouvelle les perspectives et réserve de belles surprises. Cet inédit est conservé au Keep (Bibliothèque de l'Université du Sussex) dans les Special Collections2. Replacé dans le contexte de sa création, ce document exceptionnel est le témoin du travail d'une jeune femme lettrée et d'une période de son existence que le Journal passe largement sous silence. Il restitue sous l'apparence sobre de la prise de notes le portrait intellectuel d'une apprentie écrivaine qui, comme la narratrice cl' Une Chambre à soi, n'a pas trouvé sa place dans les institutions universitaires. Il illustre une pratique des humanités classiques. Ce n'est point une passade. Elles jalonnent une existence à la recherche d'un « corpus de la connaissance humaine3 ». 1. G. VENET, « Virginia Woolf, Écrire dans la modernité », émission de France-Culture « La Compagnie des auteurs », 26 janvier 2016. 2. Il est enregistré sous le titre« Greek and Latin Studies »,cote SxMs-18/2/ A/ A.21. 3. « IsThis Poetry? » (1919), Essays, III, p. 56. 8 Introduction ... Le Carnet d'études inédit d'une femme lettrée Le Carnet, connu mais inédit dans son intégralité, contient soixante-dix-huit pages a priori sans qualités rédigées par une femme que sa plume n'a pas encore rendue célèbre. Il n'appartient ni à l' œuvre fictionnelle, ni aux essais, ni aux textes autobiographiques. Il n'est pas un brouillon d'écrivain: il ne donne à voir ni la naissance d'un projet d'écriture, ni le jaillissement ou le bouillonnement d'une pensée, ni l'état d'un texte à venir. Jamais entrée dans une intention de publication, l'entreprise, ordinaire et modeste, était destinée à rester privée. « Études » ne signifie pas « exercices ». Le Carnet n'est pas le dépositaire d'exercices tels que Leonard Woolf en conserva de sa scolarité. Il ne comporte pas de sections réservées aux règles grammaticales ou au lexique comme dans le carnet d'italien que Virginia nourrit en 1916 de verbes irréguliers, de réflexions dans sa langue et de lignes en italien. Il ne s'agit pas d'un cahier d'apprentissage des langues anciennes. Pas plus que d'un carnet exclusivement constitué de notes de premières lectures. Virginia ne méconnaît pas Homère ou Virgile, lus dès l'enfance et relus par la suite par goût ou sous l'impulsion de son père, Leslie Stephen, et de son frère aîné, Thoby. Le Carnet est le détenteur de la trace matérielle d'une activité de l'esprit. Il appartient en cela à une « archéologie des techniques intellectuelles » (F. Waquet). Il rassemble les éléments d'une culture littéraire, des archétextes, c'est-à-dire des œuvres au statut exemplaire, des canons de la littérature antique. Sorte de panorama des genres, il se présente comme un recueil de la poésie, de la tragédie, de la comédie et de la philosophie. Les Introduction ... 9 Satires I, III, VI de Juvénal et la Géorgique IV de Virgile représentent le domaine latin, sans se succéder. L'Odyssée d'Homère détaillée en ses vingt-quatre chants, l' Ion d'Euripide et Le Banquet de Platon les séparent. Le cahier s'achève sur l' Ajax de Sophocle, les Grenouilles d' Aristophane et le Phèdre du même Platon, accordant ainsi la plus grande place aux auteurs grecs, ce qui a pu lui valoir l'appellation de « Greek Notebook1 ».Il est révélateur de procédures. Résumés, traductions et commentaires sont très imbriqués. Le discours, pour être personnel, n'en est pas moins entremêlé des discours d'autrui, sans délimitation aisément perceptible entre celui de Virginia et celui des éditeurs des textes antiques qu'elle a utilisés: A. W Verrall (Euripide), B. Jowett (Platon), R. C. Jebb (Sophocle), B. Bickley Rogers (Aristophane). La part de la citation est difficilement repérable chez une écrivaine connue pour ses libertés avec la ponctuation. La lectrice ne recourt pas volontiers à l'ars excerpendi. Elle ne semble pas désireuse de « bibeloter la littérature» (A.Albalat). Réservé à un usage personnel, ce notebook ne s'embarrasse guère d'exigences universitaires ou éditoriales.Virginia ne mentionne pas toujours le nom des éditeurs qu'elle suit. C'est le cas pour Juvénal,Virgile et Homère. Celle qui débute dans la critique professionnelle couche sur le papier ses réactions du moment. Elle s'affranchit du jugement des autorités pour échafauder une réflexion singulière. Dès ce xxe siècle commençant, Virginia est une jeune femme lettrée. Elle lit, relit et se relit beaucoup, 1. Par exemple, H. LEE, Virginia Woolf ou l'aventure intérieure, Paris, Autrement, Littératures, 2000 ; ou Th. KoULOURIS, Hellenism and Loss in the Work ofVirginia Woolf, Farnham,Ashgate, 2011. 10 Introduction ... comme elle écrit et réécrit sans cesse ses textes. L'idée qu'elle se fait de la lecture vaut pour l'écriture: elle est liée à l'image du retour incessant, du creusement, de la méditation, de l'espoir en un lendemain où l'esprit pourra déployer ce qu'il a commencé de faire naître. Dans le Carnet, il s'agit de consigner la teneur de passages jugés intéressants.Virginia n'en noircit pas les pages pour se perfectionner dans l'apprentissage des langues anciennes. Ce stade est pour elle dépassé. Mais uploads/Litterature/ vw-carnet-inedit.pdf
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- Publié le Nov 29, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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