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îil9ËI$*H* ;Ë-t -Èp ZZH r-r [- E itrr Z <8 = ôF E '!_wÉ ÊF ^ (\ ss- <(\ Rts ss Sh %o Sù od O' ss Ë* is- c)s FS ua b \l (\ (\ \ o (\ .l ït F U {ffi Collection fondée par Georges Liébert et dirigée par Joël Roman Titre priginal : Die Sonne und der Tod. Dialogische Untersuchungen. ©, Suhrkamp Verlag Frankfurt am Main 2001 pour l'édition originale. © Pauvert, département de la Librairie Arthème Fayard, 2003. CHAPITRE PREMIER Pour une philosophie de la sur-réaction Dans l'oreille, les terreurs de notre propre époque Hans-Jürgen Heinrichs: Peter Sloterdijk, le titre de votre livre, Essai d'intoxication volontaire, paru en Allemagne en 19961, a pour moi quelque e,bose d'inquiétant. Il me rappelle la froideur d'un laboratoire dans lequel on peut pratiquer des mutilations volontaires, peut-être même des mises à mort volontaires. On dirait que cet essai est une question de vie ou de mort. Dans les Écrits de Laure, /'écrivain qui partageait la vie de Georges Bataille, on trouve un récit dans lequel elle raconte que petite fille, elle se plaçait souvent devant le miroir de sa mère. 1. En Français : Essai d'intoxication volontaire : conversation avec Carlos Oli veira, traduit de l'allemand par Olivier Mannoni, Calmann Lévy, 1999, rééd. Poche Pluriel 2001. 7 Ni le soleil ni la mort Lequel était composé de trois parties que l'on pouvàit tourner les unes vers les autres. À l'aide de cette installation, elle décomposait son corps avant de le recomposer. Elle concevait cette expérience existentielle de la f ragmentation et de la recomposition comme la condition de sa pensée et de son écri ture. Lorsqu'on se ré fère, par exemple, aux travaux d'Unica Zürn, de Hans Bellmer ou aux écrits de Lacan, on retrouve cet élément de la décomposition de soi-même, du corps mutilé et f ragmenté. Votre manière de pratiquer la philosophie prend-elle sa source dans une dimension analogue de l'expé rience personnelle du déchirement et de l'intégrité ? Peter Sloterdijk : Cela ne fait aucun doute ; car sans le moteur existentiel, la philosophie serait une affaire creuse. Dans le même temps, j'estime qu'en la plaçant dans un contexte aussi élevé, vous mettez l'expression « essai d'in toxication volontaire » un peu au-dessus de la cible que je me suis proposé d'atteindre avec cette formulation. Je ne suis pas un amateur de l'expressionnisme allemand, dans lequel l'attitude de la pratique philosophique à la vie et à la mort était courante. Cette gestuelle avait peut-être un sens en 1918, au moment où l'on sortait des tranchées et où l'on devinait qu'on ne rentrerait plus jamais vraiment chez soi, comme l'ْ fait dire Hermann Broch à l'un de ses personnages dans Les Somnambules. Lorsque je parle « d'essai d'intoxica tion volontaire », je ne pense pas à des expériences de vivi section sur mon propre corps, ni au romantisme de la psychose que l'on trouve dans la psychanalyse française. En employant cette expression, je ne me rattache ni à Camus, qui avait affirmé que le seul problème réel dans la philoso phie était le suicide, ni à Novalis, l'auteur de cette remarque instructive selon laquelle mettre fin à ses jours est la seule action « véritablement philosophique ». Je me réfère plutôt 8 Pour une philosophie de la sur-réaction à un phénomène survenu dans l'histoire de la médecine des temps modernes, le mouvement homéopathique, qui remonte à Samuel Hahnemann. En 1796 - cela fait presque exactement deux siècles -, cet esprit étonnant a formulé pour la première fois le principe du remède efficient. Il a en outre été l'un des premiers soignants à aborder l'impatience moderne des patients en avançant des propositions médicales adéquates. Il est convaincu que le médecin doit s'intoxiquer lui-même avec tout ce qu'il compte administrer ultérieure ment aux malades. C'est de cette réflexion que découle le concept d' « intoxication volontaire » : quand on veut devenir médecin, il faut vouloir être un cobaye. Le motif plus profond de ce tournant vers l'expérimenta tion sur son propre corps se trouve dans l'idée romantique d'un.lien actif entre l'image et l'Être. Hahnemann considérait que les effets de la dose chez l'individu sain et chez le malade se reflètent en miroir. Cette idée se fonde sur une sémiotique ambitieuse de la médication : la grande pensée optimiste de la médecine romantique, dont l'homéopathie relève de manière essentielle, tient justement dans l'idée que l'on doit supposer l'existence d'une relation de réplique entre ce qui est la mala die, comme globalité d'un phénomène, et les effets que sus cite un produit pur sur le corps sain. L'homéopathie pense au niveau d'une immunologie spéculative. Et dans la mesure où l'on place de plus en plus les problèmes de l'immunité au centre de la thérapeutique et de la systémique du futur, nous nous retrouvons face à une tradition très actuelle - même. si le mode d'action des doses homéopathiques reste dans -la pénombre. Sous cet angle, la formulation du titre de mon livre se situe plutôt dans la tradition de la philosophie romantique de la nature - ou plus précisément de la métaphysique allemande de la maladie -, que dans la lignée du discours français sur 9 Ni le soleil ni la mort le corps fragmenté. Mais il remonte plus encore, naturelle ment, à Nietzsche, qui a parfois joué avec les métaphores homéopathiques, et fréquemment avec les métaphores immunologiques. Ce n'est pas un hasard si Nietzsche montre son Zarathoustra disant à la foule : « Je vous vaccine avec la folie » ; « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort », cette phrase douteuse, a elle aussi une signification totale ment liée à la théorie de l'immunité. Nietzsche considérait que toute sa vie était une vaccination pratiquée avec les poi sons de la décadence, et il a tenté d'organiser son existence comme une réaction immunitaire intégrale. Il ne pouvait pas se contenter de ce blindage inoffensif du dernier homme, qui permet à celui-ci de se protéger contre les infections de l'existence contemporaine et de l'histoire. Dès lors il se pré sentait dans ses écrits comme un esprit provocateur, travail lant avec des empoisonnements ciblés. Mon titre évoque surtout ces connotations. Cela n'exclut pas que les images, ou bien les associations d'idées qu'elles véhiculent, touchent d'autres harmoniques, et qu'elles aient aussi une justesse pour ces strates de signification-là. H.-J. H.: De Hahnemann à Nietzsche - voilà un vaste parc.ours. Entre les petites billes homéopathiques, qui doivent mener à la guérison, et les réflexions philosophiques, qui ne peuvent sans doute pas avoir d'ef fets thérapeutiques aussi directs, il y a en tout cas un prof ond clivage. Mais, dans ce que vous avez dit, un élément me paraît particulièrement important : ce statut d'infecté, cette partici pation quasi psy chosomatique aux tares de notre propre temps. Dans votre livre Essai d'intoxication volontaire, cette idée apparaît dans un passage clef - là où, dans une note à propos de la polé mique sur Botha Strauss, vous dé finissez votre idée de ce qu'est un auteur. Ce passage a certains traits d'une prof ession 10 Pour une philosophie de la sur-réaction de f oi. Dans votre plaidoyer, vous expliquez que l'auteur a le devoir de penser dangereusement. L'écrivain, dites-vous, n'est pas là pour passer des compromis avec l'anodin ; les auteurs qui comptent pensent d'une manière essentiellement dangereuse. Votre philosophie expérimentale suppose donc plus qu'une simple conception métaphorique de l'homéopa thie. On pourrait peut-être mieux la caractériser en rappelant votre relation avec les avant-gardes artistiques et philoso phiques du XX" siècle. P. S. : On peut voir les choses ainsi. Il faut aussi admettre que l'homéopathie, compte tenu de son lien avec les philoso phies réformistes de la vie, celles de la petite bourgeoisie, a une image difficilement compatible avec la pensée auda cieuse. Pourtant, lorsqu'on étudie la personne de Hahne mann, on voit aussi apparaître d'autres traits. C'était un virtuose de l'intoxication volontaire. Il a mis son corps à l'épreuve, l'a testé, chargé, mis en jeu d'une manière qui l'a transformé en grandes orgues pathologiques. Il a mené à bien la déçonstruction de la santé sous forme d'une expérience psychosomatique sur soi-même. Il y a là un caractère démo niaque de premier ordre, difficilement comparable aux traits tranquillement inquiétants avec lesquels certains auteurs de la modernité dépeignent leurs excès. Il ne faut pas, selon moi, sous-estimer le potentiel de risque qui s'attache à la méde cine homéopathique. C'est une approche très complexe et qui n'a rien d'anodin, mais qui se dissimule sous un masque bon-enfant. Par ailleurs, vous avez raison, mon propos n'est pas l'ho méopathie en tant que telle. L'expression « Essai d'intoxica tion volontaire » est une métaphore issue de la sphère de la philosophie de la médecine, mais elle ne s'épuise pas en elle. Elle a aussi un aspect fortuit : à cette époque, j'avais la termi- 1 1 Ni le soleil ni la mort nologie homéopathique à l'esprit parce que peu de temps auparavant, en septembre uploads/Litterature/ ni-le-soleil-ni-la-mort.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 19, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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