1 Journal des études de la cabale, Jec : http://jec2.chez.com/ Amphi Charles Mo
1 Journal des études de la cabale, Jec : http://jec2.chez.com/ Amphi Charles Mopsik : http://www.charles-mopsik.com/ Paru dans "La formation des canons scripturaires, édité par Michel Tardieu, le Cerf, Paris, 1993, p. 75 – 105. Réédité aux éditions de l'Eclat dans "Chemins de la cabale" Charles Mopsik, 2004 LE CORPUS ZOHARIQUE, SES TITRES ET SES AMPLIFICATIONS PAR CHARLES MOPSIK 1. La constitution du noyau primitif Le Livre de la Splendeur ou Sefer ha-Zohar n'est pas un livre de cabale comme les autres. C'est le seul ouvrage de la littérature rabbinique post-talmudique qui a été considéré par un large public, au moins à partir du XVIe siècle, comme un livre révélé, doté d'une aura numineuse presque comparable à celle qui entoure les Ecritures sacrées. Plus qu'un ouvrage particulier, il constitue un véritable corpus, pour deux raisons convergentes : en premier lieu, son noyau primitif est déjà constitué de plusieurs strates distinctes ; en second lieu, une série de textes rédigés à sa suite et par divers auteurs, sont venus s'additionner au noyau initial, le tout constituant ce que les savants dénomment couramment la littérature zoharique ou le corpus zoharique et que les cabalistes appellent ordinairement les Sifré ha-Zohar (livres du Zohar). Le Zohar a été attribué, dès la parution de ses premières parties constitutives, à un Tanna (répétiteur) palestinien du IIe siècle, Rabbi Siméon ben Yohaï. C'est dans les cercles des cabalistes castillans de la fin du XIIIe siècle que cette attribution a été reconnue, et depuis une longue tradition encore vivace continue à lui porter crédit. Pour expliquer la béance chronologique qu'implique cette datation, à savoir la disparition du Zohar depuis le IIe siècle jusqu'à sa réapparition au XIIIe siècle, les cabalistes ont avancé des récits légendaires mais révélateurs de l'aura quasi-miraculeuse qui entoure le Zohar et de son parfum messianique. Certains récits relatent que les cahiers originaux du livre avaient été jadis enfouis dans les sables du désert ou dans une grotte, pour les préserver de l'usure du temps, car l'époque favorable à leur révélation n'était pas encore venue, puis ces cahiers furent retrouvés par des nomades et finalement reconnus pour ce qu'ils étaient et identifiés par des hébraïsants compétents (1). Cependant, même si les éditions imprimées des volumes du Zohar donnent dans leur entête R. Siméon ben Yohaï pour l'auteur de ces écrits, la tradition transmise par les cabalistes et souvent réaffirmée par eux, précise que ce Tanna n'est 2 pas le rédacteur direct des textes en question mais le chef d'une Ecole à l'intérieur de laquelle les conceptions ésotériques se sont peu à peu cristallisées et que ce sont seulement les disciples du maître prestigieux et les disciples de leurs disciples qui ont couché par écrit cet enseignement, écrits qui ont abouti, après diverses péripéties, à la forme connue du Zohar (2). Ces précisions sont importantes pour deux raisons ; d'abord elles signalent que les cabalistes ont été soucieux de rendre compte de l'apparition historique des écrits zohariques ainsi que de la nature particulière du contenu, à la fois homogène et composite, constitué le plus souvent de discussions entre différents maîtres anciens aux opinions parfois divergentes, mais surtout ces traditions prennent un relief particulier au regard d'une très récente et très nouvelle approche critique relative à la composition du Zohar, dont nous reparlerons bientôt. Car ces considérations anciennes sur l'origine du Zohar, promues par des cabalistes qui sont devenus, pour la plupart d'entre eux, ses commentateurs occasionnels ou systématiques, et qui ont été reconnues et approuvées, à la longue, par la majorité des autorités rabbiniques et par les membres de leur communauté, ainsi que, dans un contexte social et culturel différent, par les cabalistes chrétiens de la Renaissance, ont été rejetées par la critique historique moderne. Celle-ci, à ses débuts, s'était efforcée de montrer le caractère tardif, médiéval, du Zohar, dans le but avoué de contrecarrer l'influence de la cabale et de la mystique juive piétiste qui en est l'héritière (le Hassidisme d'Europe centrale et orientale), en dévalorisant sa prétention à l'ancienneté et à l'autorité. Une lutte souvent âpre et acharnée s'est ouverte qui a vu naître, dès le XVIIIe siècle, un nouveau genre littéraire : Des écrits pour ou contre l'ancienneté du Zohar (3). Aujourd'hui encore, il n'est pas si rare de surprendre, dans les écrits des uns et des autres, des pointes polémiques à ce sujet. Une critique élaborée, plus intéressée par la vérité historique que par les conflits religieux, s'est frayée un chemin, depuis le savant allemand Adolphe Jellinek (4), et ses conclusions ont sans cesse été confirmées et validées par des recherches successives. C'est ainsi que la paternité de l'ouvrage a été accordée au cabaliste castillan R. Moïse ben Chem Tov de Léon, auteur par ailleurs d'une oeuvre imposante signée de son propre nom. Les travaux de G. Scholem ont marqué une date importante dans les investigations philologiques concernant le Zohar. Ce grand savant disparu depuis quelques années, a confirmé les résultats de ses prédécesseurs en prouvant l'attribution de la totalité du Zohar à Moïse de Léon (hormis les parties intitulées Ra'aya Mehemna et Tiqouné ha-Zohar, oeuvres selon lui, d'un disciple du même cabaliste). Il a pu aussi préciser les dates de sa rédaction, qui fut menée à bien entre 1275 et 1286 (5). Néanmoins, un collègue de Scholem, I. Tishby, tout en approuvant l'essentiel de ses conclusions, a proposé une date plus tardive et à son avis, on peut estimer plus sûrement que le Zohar a été écrit à partir de l'année 1293 (6). Les choses semblaient devoir en rester là, quand, lors d'un Colloque consacré au Zohar et à son époque, qui s'est tenu en 1988 à Jérusalem, une intervention, publiée maintenant, fit sensation. Un jeune chercheur, auteur déjà d'un lexique du Zohar reconnu par tous comme un instrument précieux, et de nombreux articles, professeur à l'Université Hébraïque, a tenté de reprendre la question de la rédaction du Zohar dans une perspective nouvelle 3 (7). En choisissant de se demander "comment" sa rédaction s'est déroulée plutôt que "par qui" elle a été produite, Yehouda Liebes a montré que, même si R. Moïse de Léon est l'auteur d'une partie importante du texte, d'autres rédacteurs sont intervenus dans sa mise au point finale, et surtout, il a soutenu l'idée que Moïse de Léon n'était tout au plus que la cheville ouvrière d'un groupe de cabalistes castillans, dont les approches singulières se reflètent dans le corps de l'ouvrage. Rédaction unifiée de textes provenant de discussions libres et ouvertes, les options personnelles des membres de ce cercle d'ésotéristes se retrouvent dans le détail des développements du Zohar. C'est ainsi que cette oeuvre serait le résultat et l'aboutissement des efforts conjugués d'une petite communauté constituée des principaux cabalistes espagnols, et de certains de leurs disciples, connus par ailleurs pour la proximité de leurs conceptions avec celles que l'on retrouve dans l'ensemble des écrits zohariques. Les noms avancés sont les suivants, outre bien sûr R. Moïse de Léon, l'on devrait compter dans ce cercle : Todros Halévy Aboulafia, Moïse de Burgos, Joseph Gikatila, Bahya ben Acher de Saragosse, Joseph de Hamadan (ou de Suse), David ben Yehouda he- Hassid, Joseph ben Chalom Ackénazi, Joseph Angélino. Pour reprendre les propres termes de Y. Liebes : "Le Zohar est le fruit de tout un groupe dont les membres étudièrent ensemble la doctrine cabaliste, sur la base d'une tradition fragmentaire et d'écrits anciens. Ce groupe commença ses activités avant même que le Zohar soit écrit. Ses débuts devraient être identifiés avec le cercle des "cabalistes gnostiques" de castille, au milieu du XIIIe siècle [...]. C'est de ces hommes qu'a germé le groupe du Sefer ha-Zohar, et plusieurs de ses membres transcrivirent leurs propos tandis qu'ils formulaient, dans leurs propres termes, le résultat des activités du groupe et le développaient, chacun suivant son inclination, car la liberté de création en matière de cabale est la méthode du Zohar et appartient à son idéologie et à celle de l'ensemble des membres du cercle" (p. 5-6). La part qui revient à R. Moïse de Léon reste grande, puisqu'il peut être considéré comme l'architecte de l'ouvrage, son maître d'oeuvre, bien que, toujours selon Y. Liebes, la rédaction de la plus grande partie du Midrach ha- Né'élam, strate du Zohar que Scholem considérait naguère comme la première que ce cabaliste ait rédigée, ne doive pas lui être attribuée ; de même, sa responsabilité dans la rédaction de traités zohariques comme les Idra, n'est que partielle, il en est seulement l'éditeur, ayant assuré le travail de finition. L'extrême nouveauté de l'approche critique de Yehouda Liebes rend hasardeux pour le moment tout jugement définitif à son sujet. Les réactions ne vont pas manquer, on le prévoit sans peine. Cette approche originale revêt néanmoins un intérêt spécial pour l'étude du Zohar en tant que corpus. Ce n'est pas seulement le Zohar comme oeuvre aboutie et imprimée, regroupement de strates et de textes multiples, qui a formé un corpus digne de ce nom après des années d'évolution et d'accrétion d'éléments disparates, mais il faut voir désormais le noyau initial et uploads/Litterature/ zohar-le-corpus-zoharique-c-mopsik.pdf
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- Publié le Apv 17, 2022
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