Colloque international organisé par l’EA 4428 DYNADIV avec la collaboration du
Colloque international organisé par l’EA 4428 DYNADIV avec la collaboration du C-FFraP1 Les « francophones » devant les normes, 40 ans après Les Français devant la norme - L’(in)sécurité linguistique aujourd’hui : perspectives in(ter)disciplinaires mercredi 13 – vendredi 15 juin 2018 Université François Rabelais de Tours 3 rue des Tanneurs Argumentaire Notion issue de la sociolinguistique, l’insécurité linguistique (désormais IL) connait une situation paradoxale. Elle est reconnue comme importante dans les différents processus d’appropriation et dans les situations de contacts de langues, mais les travaux concernant ce phénomène sont assez rares depuis l’apparition de la notion. L’ambition de ce colloque est de réfléchir à cette tension en tentant d’en comprendre les causes, éventuellement d’y remédier, afin que ce phénomène, qui constitue souvent un frein à l’appropriation des langues, soit mieux connu, compris, analysé et/ou éventuellement exploité. Il s’agit, pour ce faire, de renouveler la réflexion sur cette notion à travers un questionnement in(ter)disciplinaire susceptible d’enrichir la prise en compte de plus d’aspects variés de l’IL. Insécurité linguistique : brève histoire et évolution d’une notion Première conceptualisation de l’insécurité linguistique en situations de francophonies et un des premiers ouvrages de sociolinguistique en France2, Les Français devant la norme. Contribution à une étude de la norme du français parlé de Gueunier, Genouvrier et Khomsi (1978) avait pour projet de réfléchir aux « réalisations » et « attitudes de divers Français de milieu urbain par rapport à l'usage oral de leur langue maternelle et à la norme linguistique dans ses diverses manifestations » (1978 : 7). L’équipe des enquêteurs tourangeaux y a exploité les ressources de la sociolinguistique variationnelle (Labov, 1976) pour conclure que dans les contextes d’usage de langues minorées (Lille, Limoges, Saint- Denis de la Réunion), le sentiment d’insécurité linguistique est souvent plus approfondi que dans les régions où la forme valorisée est plus présente (Tours). A partir de ce travail fondateur qui a situé la conceptualisation de l’IL dans un cadre diglossique, d’autres développements ont émergé pendant les années 1980-2010. Ils en ont approfondi divers aspects, dans le droit-fil de Labov, en ce qu’ils ont tous privilégié, selon différentes modalités, une approche prioritairement empirique visant à révéler les comportements et les pratiques des locuteurs. Bourdieu (1987) a analysé l’IL – sans la nommer - sous l’angle des rapports de classe, et Francard (1993) l’a appréhendée à partir de la sujétion linguistique. Canut (1996), quant à elle, a fondé l’IL sur les activités / productions « épilinguistiques » du locuteur. Calvet (1999) a surtout souligné l’investissement du chercheur dans l’interprétation de l’IL. Bretegnier (1999, 2002) en a effectué une théorisation sous l’angle des interactions ; elle parvient ainsi à rendre lisibles différents changements de l’IL, dans les 1 DYNADIV : DYNAmiques et enjeux de la DIVersité linguistique et culturelle - http://dynadiv.univ-tours.fr/ CEFFRAP : Centre d'Etude du Français et des Francophonies Plurielles - http://c-ffrap.univ-tours.fr/ 2 Cet ouvrage intervient après deux ouvrages marquants dans l’histoire de la sociolinguistique en France et en français : 1) Marcellesi, J.-B., Gardin, B., 1974, Introduction à la sociolinguistique : la linguistique sociale, Paris, Larousse et 2) L.-J. Calvet, 1974, Linguistique et colonialisme. Petit traité de glottophagie, Paris, Payot. usages des personnes notamment. D’autres travaux, comme ceux de Boudart (2013), Roussi (2009), etc., peuvent aussi être cités, dans lesquels l’IL est majoritairement considérée comme un sentiment et un malaise, mais auquel on ne peut accéder qu’en cherchant à en déceler les traces et signes, de préférence objectivables. Le colloque de Tours en 2000 (voir les actes dans Castellotti et Robillard, éds., 2002-2003), qui s’inscrivait déjà dans une revivification et un approfondissement de cette réflexion entamée avec Gueunier, Genouvrier et Khomsi (1978), a élargi le questionnement à la problématique des contacts de langues et de la variation linguistique en France, en insistant sur l’idée que le français, comme toutes les langues, repose sur une dynamique qui articule instabilité, imprévisibilité. C’est plus récemment, dans l’idée de problématiser autrement cette notion, que la journée d’études Tours Qualitatifs 2017 a été orientée vers les rapports insécurité – sécurité linguistique (désormais I/SL), sens et francophonies, ce qui a permis de mettre en évidence le fait que ce phénomène n’est pas fondé uniquement sur des mécanismes langagiers réguliers et prédictibles, ni même perceptibles ; mais qu’il porte également sur des dimensions inexprimées, comme par exemple le silence de la non prise de parole qui est un des signes fréquents (et paradoxaux) de l’I/SL . Cette nouvelle orientation suggère la nécessité d’une problématisation de l’I/SL dans des termes qui, tout en se fondant certes aussi sur des signes, en légitiment des interprétations moins mécaniques liées centralement à des signes. C’est ainsi que des démarches prenant en compte l’histoire sociale ou socio-biographique des intéressés et des chercheurs, et l’élargissement vers des d’autres disciplines susceptibles d’étayer des travaux de recherche (histoire, littérature, anthropologie…) semblent constituer une voie à parcourir. Pourquoi ce colloque ? A l’occasion du 40ème anniversaire de la parution de l’ouvrage de Gueunier, Genouvrier et Khomsi (1978), le présent colloque, organisé par l’EA 4428 DYNADIV à l’Université François-Rabelais de Tours, se donne pour objectif de revisiter la notion d’I/SL au prisme de diverses thématiques, notions, disciplines et/ou orientations à même de la renouveler et d’en valoriser les potentialités encore inexplorées. Trois orientations au moins pourraient permettre ce renouvellement : Terrains Alors que l’I/SL concerne, dans beaucoup de sociétés, une large proportion des nationaux et résidents (publics scolaires, migrants notamment…), et constitue un élément majeur dans les processus de socialisation, intégration, promotion sociale et professionnelle, ce phénomène donne lieu à fort peu de recherches. Or, la sociolinguistique se définissant souvent comme discipline critique et d’intervention sociale, il est assez paradoxal qu’un thème articulant aussi centralement des enjeux tant sociaux que linguistiques soit laissé en jachère. Que ce soit dans les situations urbaines en Afrique, dans les régions canadiennes, ou dans les régions créoles, mais aussi en Europe, ou en Asie, on remarque un travail d’appropriation du français qui révèle parfois des formes d’insécurité (même pour des personnes a priori compétentes en français) ou au contraire de sécurité linguistique. La France n’échappe pas à cette liste d’espaces où les identités s’articulent à un rapport particulier au français (notamment dans le cas des situations migratoires, ou des minorités linguistiques - comme celles vécues par les Manouches, les Ch’tis, les « jeunes », etc.). Toutes les situations où le français joue un rôle social et historique important, au contact d’autres langues, pourront venir éclairer la notion. Si le français a occupé une place importante dans les travaux sur l’I/SL, des travaux sur d’autres langues – y compris les langues des signes - pourraient avantageusement permettre de fécondes comparaisons, et faire ressortir les caractéristiques des sociétés / situations francophones. On pourrait aussi penser à l’I/SL dans différents types d’écrits (braille, sms et textos), etc., à titre comparatif. Dans cette perspective, l’étude de corpus diversifiés pourrait aussi apporter du sang neuf à l’étude de l’I/SL : corpus littéraires (le salon des Verdurin chez M. Proust dans A la recherche du temps perdu ou bien les « gros mots » d’A. Kourouma dans Allah n’est pas obligé), exemples puisés dans l’histoire des langues (le français « langue orpheline » selon B. Cerquiglini, 2007), dans les bandes dessinées (Aya de Yopougon, Le piano oriental, … ), des corpus filmiques ou des chansons, etc. On peut encore penser à contraster des terrains à tendance monolingue aux terrains plurilingues : l’I/SL s’y manifeste-t-elle de manière semblable ? De même, on a peu étudié le problème de l’I/SL dans les langues minorées et / ou minoritaires, partant de l’idée qu’il fallait une norme affirmée pour susciter l’IL, ce qui mériterait vérification. Enfin, on a paradoxalement peu étudié la SL, alors qu’on peut penser que ce phénomène ne peut qu’améliorer la connaissance de l’IL, notamment dans les processus d’enseignement-apprentissage des langues, domaine pourtant où l’IL est fréquemment vécue. Alors qu’elle est abordée pour la première fois en contexte américain (Labov, 1976), on peut aussi noter que c’est dans des situations francophones que l’IL a particulièrement été problématisée. En quoi la francophonie serait-elle une situation particulièrement pertinente pour réfléchir à l’IL ? Perspectives in(ter)disciplinaires L’histoire pourrait apporter des éléments d’appréciation des phénomènes d’I/SL. Cerquiglini (2007) argumente que le français est un « créole » (au sens péjoratif du terme) qui a réussi, et qui est encore honteux de ses origines douteuses, si bien qu’on pourrait dire que les francophones ont hérité de cette histoire vécue comme honteuse. Salon (1983) montre que la France, ravalée au rang de puissance moyenne après la dernière guerre, doutant de sa capacité de se réarmer militairement, puis économiquement, préfère entretenir le mythe de son aura culturelle par un réseau de « soft power » à la française qui a le mérite d’être moins coûteux, pour une efficacité à discuter. L’assise institutionnelle liée à l’idéologie linguistique a encore des répercussions en francophonies, et aussi en France, tant au niveau de l’imposition unique du français sur le territoire (de quelle insécurité relève, par exemple, le récent débat sur l’enseignement de l’arabe à l’école ?), de uploads/Litterature/colloque-insecurite-linguistique-et-francophonies-tours-2018version2.pdf
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- Publié le Mai 03, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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