JOURNAL INTERNATIONAL DE TECHNOLOGIE, DE L’INNOVATION, DE LA PHYSIQUE, DE L’ENE

JOURNAL INTERNATIONAL DE TECHNOLOGIE, DE L’INNOVATION, DE LA PHYSIQUE, DE L’ENERGIE ET DE L’ENVIRONNEMENT Le management en situation de complexité et d’incertitude : apport de la Recherche et Développement L. E. Brunet, E. Longcôté ISSN : 2428-8500 DOI : 10.18145/jitipee.v4i1.169 Journal International de Technologie, de l’Innovation, de la Physique, de l’Energie et de l'Environnement ISSN : 2428-8500 vol. 4, n°1, 4, 2018 DOI : http://dx.doi.org/10.18145/jitipee.v4i1.169 Le management en situation de complexité et d’incertitude Apport de la Recherche et Développement Luc Emile Brunet(1)(2), Eric Longcôté(3) (1) R&D Mediation, 71 av. de Lattre de Tassigny, Bourges, France (2) Chercheur associé à l’Université de Clermont Auvergne (3) APEKSA luc.brunet@insead.edu Résumé – La seconde révolution industrielle a vu se développer des méthodes de management adaptées aux contextes successivement traversés, d’abord la nécessité de produire en masse, puis d’améliorer la qualité et la satisfaction des clients, puis d’améliorer la performance opérationnelle en réponse à la globalisation des marchés. Initialement inspirées d’une pensée mécaniste rationnelle, ces approches se sont progressivement étoffées en y intégrant d’autres dimensions, la psychologie, la sociologie, l’analyse systémique. Dans les années 1990, les entreprises s’étaient profondément remises en cause, avaient mis en place des modes de fonctionnement raffinés, mais deux nouveaux paramètres ont bouleversé leur environnement : la complexité et l’incertitude. Les entreprises de la troisième révolution industrielle ont d’emblée intégré ces paramètres, et mis en place de nouveaux modes de management. Pour autant, ceux-ci peuvent ne pas répondre à des activités où l’erreur peut être mortelle, où le bug n’est pas acceptable. Entre souci de performance et de bien-être au travail, entre principe de précaution et principe d’expérimentation, la troisième révolution industrielle cherche encore ses approches, alors qu’une quatrième révolution est peut-être déjà là et annonce de nouveaux bouleversements. Dans cette perspective marquée par une complexité et une incertitude croissante, la Recherche et Développement présente un intérêt particulier puisque sa vocation, précisément, consiste à affronter le complexe et l’incertain. Dans cet article, nous dégagerons les grands fondamentaux du processus R&D, et analyserons en quoi ils peuvent servir de benchmark au management contemporain, en lui apportant des sources d’inspiration. Mots clés : Management, complexité, incertitude, R&D, culture, processus, gouvernance DOI : 10.18145/jitipee.v4i1.169 JITIPEE vol.4:n°1: 4 (2018) 4-2 1. Rétrospective sur le management Sans prétendre à l’exhaustivité, nous passerons en revue les grands courants ayant structuré le management moderne depuis le début du XXème siècle, et en dégagerons les figures emblématiques. 1.1 L’époque classique Au début du XXème siècle, aux USA, Frederick Taylor fut le premier à théoriser des principes d’organisation, dans un périmètre réduit aux ateliers de production [1]. En complément à la hiérarchie verticale classique, il créa la division horizontale du travail qui, en fractionnant et en spécialisant les tâches, permettait de réaliser chacune de manière techniquement optimale. C’est le travail à la chaîne, que Charlie Chaplin portera à l’écran vingt cinq ans plus tard dans les Temps modernes. A la même époque, en France, Henri Fayol s’intéressa à l’entreprise dans son ensemble et formalisa de premiers principes de management, désigné sous le terme d’administration [2]. En Allemagne, Max Weber définit de son côté un modèle d’organisation dit bureaucratique [3]. Tous trois incarnent le modèle « command and control » hérité de l’organisation monarchique, où l’aristocratie militaire et le clergé dirigent pendant que le peuple fournit la main d’œuvre et obéit. 1.2 Les Relations Humaines Une autre ère s’ouvre dans les années 1920, celle des Relations Humaines. La première figure marquante en fut Mary Parker Follett qui, s’appuyant sur sa longue expérience de l’action sociale à Boston, élargit d’un coup le champ du management [4]. Pour la première fois, elle y inclut le facteur humain, et fit émerger des notions radicalement à contre-courant : la richesse de la diversité, l’intérêt du conflit constructif, la vertu de la négociation « gagnant-gagnant », les limites de la motivation par le salaire et la foi en d’autres leviers, participation, responsabilisation, autonomie. Un peu plus tard, Elton Mayo conduisit les célèbres expériences de Hawthorne, et démontra que la motivation dépendait davantage de facteurs subjectifs qu’objectifs : la considération, la reconnaissance, l’appartenance à un groupe. Dans leur sillage, Abraham Maslow développa ces thèses dans ce qui est devenu sa célèbre pyramide. Dans les années 1960, Douglas Mac Gregor théorisa deux grands courants [5], distinguant la motivation classique dite « extrinsèque » qui relève de la carotte et du bâton, et la motivation dite « intrinsèque » que la nature-même du travail doit apporter. Grâce à eux, l’entreprise changea de dimension : les besoins psychiques commencèrent à être pris en considération, la motivation démarra son ascension sur l’échelle du management. 1.3 Le management systémique A l’issue de la seconde guerre mondiale, le corpus du management avait donc déjà considérablement évolué, mais la majorité des entreprises occidentales en étaient restées à une approche taylorienne du travail. Surtout, les points de vue s’étaient concentrés sur la dimension interne à l’entreprise, sans s’intéresser au monde extérieur. Une rupture majeure intervint alors : l’environnement commença à être pris en compte, l’entreprise à être perçue non plus comme une entité close mais comme un système ouvert. Peter Drucker fut la figure de proue de ce courant dit « systémique » [6]. Il mit en avant l’importance des stakeholders, notamment les clients, ainsi que de deux fonctions-clef de JITIPEE vol.4:n°1: 4 (2018) 4-3 l’entreprise, le marketing et l’innovation, et creusant le sillon tracé par Mary Parker Follett, inventa la notion de direction participative par objectifs (DPPO). Autre personnalité marquante de l’époque, William Deming est connu pour avoir fondé le management de la Qualité. Souvent réducteur, ce terme doit être considéré dans son acception large : la capacité à manager efficacement l’entreprise et à satisfaire ses clients, bien au-delà de la seule qualité des produits. Il fut le père de notions très diffusées depuis, la performance opérationnelle (qualifiée d’excellence opérationnelle aujourd’hui), le management par processus, l’amélioration continue (Plan-Do-Check-Act ou PDCA) et, sur tous ces sujets, défendit la primauté du management sur la technique. Tous deux firent ainsi émerger de nouvelles notions à l’échelle de la société tout entière : l’approche systémique, prémisse du développement durable et de la RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise), l’économie de la connaissance, que l’essor d’Internet ainsi que des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) allait révolutionner à partir des années 1990. Englobant les individus notamment sous l’angle du développement des compétences et de leur contribution aux processus, ils s’intéressèrent toutefois peu aux organisations et aux relations humaines. C’est ce que fit un quatrième courant dans les années 1960-1970 : la sociologie des organisations. 1.4 La sociologie des organisations Michel Crozier, en France, fut l’un des pionniers de ce mouvement. Avec lui, nous plongeons cette fois dans le fonctionnement humain ([7] et [8]) et l’entreprise change de visage, devient « le royaume des relations de pouvoir, de l’influence, du marchandage et du calcul » [8]. Face à cette réalité plus sombre, il considère que le rôle des managers est de ne pas s’y complaire ni de la subir, mais de la faire évoluer vers le haut. Il y fait émerger ce qui est devenu un incontournable du management contemporain : la conduite du changement. Aux USA, James March s’intéressa peu avant aux mêmes sujets [9]. Outre des conclusions similaires sur les jeux de pouvoir, la prise de décision et l’importance centrale de la négociation, il mit en avant l’intérêt de tirer les enseignements de ce que l’organisation produit (ses choix, ses succès, ses erreurs), qu’il qualifie d’« apprentissage organisationnel ». Ce dernier point montre l’émergence du retour d’expérience non plus seulement sous l’angle des seuls processus, comme William Deming le préconise afin d’alimenter l’amélioration continue, mais sous l’angle de l’organisation elle-même, perçue comme un organisme vivant. Plus tard, deux grands penseurs français enrichirent ce courant, Jean-Christian Fauvet, fondateur de la socio dynamique [10], et Edgar Morin. 1.5 Le management stratégique A ce stade, le périmètre du management s’était considérablement élargi mais une dimension cruciale n’avait pas encore été véritablement prise en compte : le marché, la stratégie. Les premières réflexions en ce sens remontent aux années 1960 avec Igor Ansoff, chantre de la planification stratégique, qui rencontra un énorme succès. Mais les évolutions de plus en plus rapides de l’environnement à partir des années 1970, à des échelles de plus en plus grandes, rendirent utopiques des démarches certes intellectuellement séduisantes mais par nature statiques, même en les actualisant périodiquement. La planification fut donc abandonnée au profit d’une vision souple, adaptative, interactive : le management stratégique. Henry Mintzberg en fut la première grande figure [11] : il définit une grille d’élaboration de la stratégie dite des 5P (Plan, Pattern, Ploy, Position, Perspective), intégrant l’approche SWOT, milita pour une élaboration participative de la stratégie, en enrichissant la vision dite « délibérée » venant d’en haut par des visions dites « émergentes » remontant des managers de terrain, réaffirma l’importance centrale du client, souligna la nature éminemment contingente du management. JITIPEE vol.4:n°1: 4 (2018) 4-4 Deuxième grande figure de ce courant, Michaël Porter définit une autre grille d’élaboration de la uploads/Management/ 169-texte-de-l-x27-article-577-1-10-20180326.pdf

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  • Publié le Apv 01, 2022
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