LE TARGET COSTING UN ETAT DE L’ART François MEYSSONNIER Maître de Conférences E
LE TARGET COSTING UN ETAT DE L’ART François MEYSSONNIER Maître de Conférences ESM/IAE de Metz 3 place Edouard Branly 57 070 Metz Tél. : 03 87 56 37 86 Fax : 03 87 56 37 79 E-mail : meyssonnier@esm.univ-metz.fr Résumé Abstract Une revue de la littérature est consacrée au target costing. On examine d’abord la nature exacte du target costing en tant que pratique de gestion, puis les différentes dimensions et modalités de mise en œ uvre de cet outil de gestion, enfin ses perspectives de développement. A state of the art is made about target costing. We deal in a first part with the nature of target costing as management tool, then with its different aspects and implementation modes and in a last part with its development prospects. Mots clés . – coût cible – conception à coût objectif – concourance – analyse de la valeur – kaizen costing Keywords. – target costing - design to cost – concurrent ingineeringg – value analysis – kaizen costing. 2 Introduction Le target costing (ou coût cible) est une pratique maintenant courante dans beaucoup d’entreprises mais dont la visibilité est curieusement faible. Les articles de recherche qui lui sont consacrés sont relativement peu nombreux. La présentation du target costing n’occupe, en France, qu’une place très réduite dans la plupart des manuels et ouvrages de référence. Exemple révélateur, la récente « Encyclopédie de Comptabilité, Contrôle de Gestion et Audit » (COLASSE, 2000) ne comporte aucun article spécifique à son sujet et ne l’évoque que de façon très marginale aux détours de commentaires sur les coûts. Son importance semble également controversée dans la vie des affaires. Ainsi Nissan, qui joua un rôle considérable dans l’émergence de cette technique, est l’objet de critiques pour sa démarche passée de target costing trop marquée par une « vision d’ingénieur » dans la conception des nouveaux produits. La recherche systématique, voire excessive, du juste prix aurait tiré les produits vers une banalité préjudiciable à leur succès commercial. Ceci serait un des facteurs qui l’aurait amené à la quasi-faillite avant sa prise de contrôle par Renault. Alors que faut-il penser de cette démarche ? Il est probablement temps aujourd’hui, avec le recul que nous avons, de faire le point sur le target costing aussi bien sous son angle de pratique sociale que dans ses fondements en tant qu’outil de gestion afin d’évaluer son avenir prévisible. Pour cela, nous allons faire une revue de la littérature qui lui est consacrée. Nous examinerons d’abord comment le target costing s’est généralisé (1.1.), les diverses conceptions qui s’opposent à son sujet (1.2.) puis sa nature et son contenu (1.3.). Nous étudierons ensuite les analyses relatives à cette méthode de gestion portant plus particulièrement sur les acteurs de sa mise en œ uvre (2.1.), sa logique fondatrice (2.2.), ses rapports avec les référentiels traditionnels du contrôle de gestion (2.3.), ses objets d’application et sa temporalité (2.4.). Nous nous interrogerons enfin sur sa contingence (3.1.) et ses limites (3.2.). 1. Description d’une pratique 1.1. La lente diffusion du target costing Le coût cible, dénommé « genka kikaku », littéralement coût planifié ou projeté, a été inventé en 1965 chez Toyota (TANAKA T., 1993) et se développa au début des années 70 au Japon. Sa généralisation fut progressive et assez inégale, variant fortement selon les branches. Une enquête fut menée à ce sujet en 1991-1992 au Japon. Citée par KATO Y, BOER G. et CHOW C. (1993), elle montrait qu’en une vingtaine d’années le target costing était devenu la norme au Japon dans quasiment toutes les entreprises automobiles. Près de 80% des entreprises des secteurs des biens d’équipement, de la construction électrique et de l’électronique l’utilisaient également. Par contre la proportion n’était que de 30% dans la chimie et la pharmacie et encore plus faible dans l’agro- alimentaire, le textile et le papier. Et dans certains secteurs le target costing n’était pas du tout pratiqué. Il s’agit de la principale source statistique de cette taille et relativement approfondie sur les pratiques industrielles dont il soit fait mention dans la littérature. Mais il faut bien reconnaître que le target costing se prête très mal à une évaluation statistique d’ensemble et que les papiers qui lui sont consacrés sont le plus souvent basés sur un nombre limité d’études de cas approfondies. On sait ainsi relativement bien ce que telle ou telle entreprise fait en matière de target costing mais on 3 connaît peu les pratiques moyennes réelles. Les articles et publications consacrées au target costing se développèrent lentement dans les années 80 au Japon mais étaient très peu connus en dehors du pays (pour une bibliographie assez riche sur les articles et ouvrages japonais relatifs au target costing, on peut se référer à ANSARI S. et BELL J., 1996). La popularisation dans le monde anglo-saxon des conceptions japonaises en matière de coûts date de 1989. A cette date sortirent l’étude comparative portant sur des entreprises japonaises et européennes de YOSHIKAWA T., INNES J. et MITCHELL F. (1989, b), les diverses contributions du remarquable ouvrage collectif sous la direction de MONDEN Y. et SAKURAI M. : « Japanese Management Accounting » (1989) et un article majeur de SAKURAI M. (1989). Dans les années immédiatement suivantes IMAI M. (1990), HIROMOTO T. (1991) et TANAKA T. (1993) approfondissaient la présentation et l’analyse du target costing dans la littérature. On doit souligner que dans un premier temps les contributions académiques étaient quasiment toutes basées sur des analyses d’expériences de terrain japonaises et relatées par des auteurs japonais, à l’exception notable de COOPER qui commença dés 1989 une série d’études de terrain (le projet Japon) qui devait lui permettre de réunir en six ans 25 études de cas sur les pratiques des entreprises japonaises en matière de contrôle de gestion. Les milieux américains du contrôle de gestion académiques et d’entreprises furent assez réticents vis à vis de cette nouvelle approche. Ils avaient une culture comptable marquée par la prégnance de la rentabilité financière, du court terme et de la création de valeur pour l’actionnaire. A l’inverse le target costing était centré sur les indicateurs physiques, les processus productifs, la durée de vie des produits et la création de valeur pour le client. Il n’est donc pas surprenant que cette méthode ait eu du mal à s’imposer (voir sur la succession des paradigmes de référence : BOUQUIN H., 2000). L’Europe était probablement plus ouverte et prête à recevoir les apports japonais en raison de la moindre domination du modèle financier classique et des brassages culturels entre ingénieurs et managers dans les milieux du contrôle de gestion (en France et en Allemagne par exemple comme le souligne LORINO P., 1994). Le CAM-I mit en place un groupe de travail européen sur la méthode des coûts cibles et chargea, en 1993, le professeur HORVATH (1993) de faire une recherche bibliographique systématique du domaine (en japonais, anglais, allemand et français). En France le target costing émergea vraiment dans la littérature entre 1993 et 1995, à partir des articles de DEGLAIRE J-N. et DUMAREST L. (1993), LORINO P. (1994) et HORVATH P. (1995). Le target costing était l’objet dans la deuxième moitié des années 90 de deux ouvrages synthétiques qui consacraient définitivement son admission parmi les outils de référence du contrôle de gestion : « Target costing : the next frontier in strategic cost management » rendait compte des expériences et des réflexions des membres du groupe de travail du CAM-I consacré à cette question (ANSARI S. et BELL J., 1996) et « Target costing and value engineering » (COOPER R. et SLAGMULDER R., 1997) permettait de faire le point à partir des sept études de cas japonaises portant plus particulièrement sur le target costing recueillies (pour les premières d’entre elles à la Harvard Business School) par COOPER. Mais, en dehors des facteurs liés aux traditions du contrôle de gestion en occident, déjà à l’époque certains remarquaient (DEGLAIRE J-N. et DUMAREST L., 1993) que d’autres raisons pouvaient expliquer que cette méthode ait du mal à s’imposer : elle agrégeait des outils déjà 4 connus (comme l’analyse de la valeur) ce qui cachait sa nouveauté, elle déconcertait par son apparente simplicité (qui ne mettait pas en valeur sa réelle efficacité) et elle était présentée de façons parfois divergentes par les Japonais eux-mêmes. 1.2. Deux conceptions du target costing La méthode présentée par SAKURAI M. (1989, 1990) consiste à calculer un coût plafond (à partir de la différence entre un prix cible et un profit cible). On mesure par ailleurs le coût estimé de l’entreprise si elle devait fabriquer le produit dans les conditions actuelles de production. Ce coût estimé est la plupart du temps très supérieur au coût plafond visé. L’écart entre les deux doit alors être comblé en deux temps : par une ingénierie de la valeur qui permet de se fixer un coût cible dès la phase de conception du produit et par une amélioration continue et programmée des coûts sur tout le cycle de vie du produit (kaizen costing). Dans cette approche la recherche des coûts uploads/Management/ 2-target-costing 1 .pdf
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- Publié le Jui 03, 2021
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