LES ORGANISATIONS MALADES DU NUMÉRIQUE Valérie Carayol, Aurélie Laborde Presses
LES ORGANISATIONS MALADES DU NUMÉRIQUE Valérie Carayol, Aurélie Laborde Presses universitaires de Bordeaux | « Communication & Organisation » 2019/2 n° 56 | pages 11 à 17 ISSN 1168-5549 DOI 10.4000/communicationorganisation.8207 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-communication-et-organisation-2019-2-page-11.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses universitaires de Bordeaux. © Presses universitaires de Bordeaux. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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URL : http://journals.openedition.org/communicationorganisation/8207 © Presses universitaires de Bordeaux © Presses universitaires de Bordeaux | Téléchargé le 15/06/2022 sur www.cairn.info via Université de Lille - Sciences Po Lille (IP: 194.254.129.28) © Presses universitaires de Bordeaux | Téléchargé le 15/06/2022 sur www.cairn.info via Université de Lille - Sciences Po Lille (IP: 194.254.129.28) Les organisations malades du numérique Digital technology and illness at work Valérie Carayol, Aurélie Laborde Éditorial 11 L’évolution des pratiques de communication suscitées par le développement des réseaux numériques a fait émerger différents phénomènes dans les organisations qui ont fait l’objet de l’intérêt de la sphère académique depuis la fin des années 80. Les chercheurs ont ainsi étudié successivement les transformations de l’organisation du travail (Eyraud et alii 1988 ; Alsène 1990 ; Benghozi et alii 1999), les transformations du management et des modes de coordination de l’action collective (Bobillier- Chaumon 2003 ; Bonneville 2005 ; Gramaccia et alii 2004 ; Metzger 2010 ; Proulx 2005) et enfin, plus récemment, les transformations des pratiques professionnelles et des métiers (Bourret 2010 ; Comtet 2011 ; Laborde 2012 ; Venin 2013 ; Lepine et alii 2014 ; Carayol et alii 2017). Sur tous ces points, les recherches sont restées souvent ambivalentes et nuancées dans leurs résultats. On peut avancer aujourd’hui l’idée qu’aucun déterminisme technologique, ni aucun déterminisme organisationnel n’a réellement pu être démontré. Qu’il s’agisse d’objets techniques, d’interfaces, d’applications numériques, ou de dispositifs techniques, les effets de leur usage semblent presque toujours dépendre des conditions de leur intégration dans les espaces organisationnels. Les objectifs visés, les modes de management et politiques d’accompagnement, les structures et cadres d’usage, tout comme les caractéristiques des usagers, semblent influencer dans une large mesure les effets de leur introduction dans les espaces de travail. © Presses universitaires de Bordeaux | Téléchargé le 15/06/2022 sur www.cairn.info via Université de Lille - Sciences Po Lille (IP: 194.254.129.28) © Presses universitaires de Bordeaux | Téléchargé le 15/06/2022 sur www.cairn.info via Université de Lille - Sciences Po Lille (IP: 194.254.129.28) Communication & Organisation 56 12 Les résultats des recherches, même s’ils ont été nuancés, ont régulièrement mis en avant le profit tiré, à la fois par les organisations et par leurs salariés, de l’usage des technologies de communication numérique au travail. Il existe néanmoins un ensemble de travaux, plus critiques, sur les effets délétères, problématiques, les comportements indésirables liés à l’introduction de ces technologies dans les milieux de travail, qui peuvent soulever des problèmes politiques, éthiques ou même idéologiques. Si un certain nombre de travaux en sociologie clinique (De Gaulejac 2006), en psychologie du travail (Dejours 2000) ou en sociologie (Aubert 2010 ; Jaureguiberry 2006) ont déjà pointé certains de ces problèmes, le champ des travaux relevant de ce qui est parfois conceptualisé comme le « côté obscur » des pratiques organisationnelles (et communicationnelles) reste encore peu visible dans le domaine des sciences de l’information et de la communication. Des chercheurs interrogent toutefois depuis plusieurs années, d’un point de vue critique, les risques potentiels liés aux pratiques de communication numérique dans un contexte de travail. En témoigne notamment le colloque organisé à Bordeaux en mars 2019 par le réseau de la SFSIC et le laboratoire MICA, sur le « Côté Obscur de la communication organisationnelle ». Si toutes les organisations sont par nature soumises au changement (Carayol 2004) et si tout dispositif technologique est « pharmacologique » et contient en germe le meilleur comme le pire (Stiegler 1994), il n’en reste pas moins qu’une observation fine des organisations contemporaines montre les nombreuses dérives liées à l’usage des outils numériques au travail : l’intensification et la densification du travail (Askenazy, 2006 ), la surcharge cognitive (Eppler 2004 ; Bonneville et Grosjean 2016), le renforcement du contrôle et la gestionnarisation des activités (Robert, 2014), la fragmentation du travail (Bidet 2017 ; Licoppe 2012). Plusieurs recherches montrent ainsi les liens existants entre usages des dispositifs numériques au travail et risques psychosociaux ou mal-être au travail (Carayol et al. 2017 ; Felio et Lerouge 2015 ; Laborde 2019 ; Venin 2015). Ce numéro de Communication & Organisation réunit des articles de chercheurs en sciences de l’information et de la communication, en sociologie et en psychologie sociale et du travail. Il vise à documenter, à partir de plusieurs terrains organisationnels (organismes publics, institutions, entreprises privées) et différents types de dispositifs numériques (gestion du temps, formation, communication à distance, digitalisation des services) certaines pratiques problématiques ou contreproductives d’un point de vue gestionnaire liées à l’usage des outils numériques au travail. Les auteurs montrent ainsi des clivages importants entre promesses technologiques initiales et effets réels des dispositifs sur l’organisation du travail et les individus. Les différents articles s’attachent, plus précisément, à décrire des situations de bureaucratisation des activités, d’individualisation du travail, de retaylorisation et de renforcement du contrôle de l’activité. Des phénomènes aux conséquences multiples © Presses universitaires de Bordeaux | Téléchargé le 15/06/2022 sur www.cairn.info via Université de Lille - Sciences Po Lille (IP: 194.254.129.28) © Presses universitaires de Bordeaux | Téléchargé le 15/06/2022 sur www.cairn.info via Université de Lille - Sciences Po Lille (IP: 194.254.129.28) Les organisations malades du numérique 13 sont analysés : la multi communication, l’hyperconnexion, l’appauvrissement des tâches, le sentiment de déqualification voir de perte de sens du travail. Sont également mises en exergue les difficultés relationnelles liées à la part croissante des échanges numérisés au travail, que ce soit entre collaborateurs ou avec les publics des organisations. L’article de Sophie Bretesché, professeur de sociologie, nous invite à observer les effets pervers de l’implantation de dispositifs numériques dans la trajectoire d’évolution d’un organisme d’habitat social. L’auteur nous montre ainsi, à partir d’entretiens et de focus groups, les écarts entre promesses technologiques initiales et effets réels sur l’organisation du travail et risques socioprofessionnels des salariés. Ainsi, l’agilité promise semble au final se traduire par une bureaucratisation des activités à travers le développement de normes et de procédures formelles. De même, la puissance de traitement des données plébiscitée par la direction occasionne un travail important d’extraction de ces données qui se fait au détriment du travail réel et de la qualité de la relation en présentiel, débouchant sur une perte de sens et un sentiment de dé-qualification pour les salariés. Pour l’auteur, « Loin de créer un professionnel « augmenté », c’est en définitive un système d’extraction de la donnée qui se déploie au risque d’appauvrir de façon irrémédiable les ressources humaines engagées dans l’acte de produire ». Mihaela Dramba, docteur en sciences de l’information et de la communication, propose les résultats d’une recherche sur la mise en œuvre d’un dispositif numérique de gestion du temps dans un conseil départemental. À partir d’une approche sémio- politique des temporalités organisationnelles et d’un corpus de textes et d’entretiens en situation d’immersion, l’auteur montre les effets délétères du dispositif à la fois sur l’organisation du travail et sur la confiance des individus. Ainsi les nouvelles normes de comptabilisation du temps (qui avaient pour objectifs louables l’articulation vie privée-vie professionnelle, l’autonomie des salariés dans la gestion de leur temps et la sécurité au travail) se traduisent par une retaylorisation du travail d’une part, à travers l’accentuation du contrôle et la rationalisation des pratiques, et une mise en visibilité du temps de travail, d’autre part, qui a des effets simultanés sur l’ambiance de travail, l’efficacité et la place laissé au travail informel. uploads/Management/ comor-056-0011.pdf
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- Publié le Nov 18, 2022
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