1 III Encontro Internacional do Interacionismo sociodiscursivo, Belo Horizonte,

1 III Encontro Internacional do Interacionismo sociodiscursivo, Belo Horizonte, 19/11/2008 Aux frontières de l’interactionnisme socio-discursif : enjeux linguistiques, didactiques et psychologiques Jean-Paul Bronckart Université de Genève Comme les êtres humains, les théories scientifiques vivent et se développent dans l’interaction, et le propos de cette conférence sera d’identifier quelques zones d’intersection et d’échange que l’ISD, tout en restant fidèle à ses principes épistémologiques, devrait explorer pour poursuivre le développement de son projet. Zones d’échange qui concernent la linguistique (ou les sciences du langage), la didactique des langues, et ce que nous avons qualifié par défaut de « psychologie », mais qui a trait en réalité à cette “science intégrée de l’humain” dont l’élaboration a constitué un des objectifs fondamentaux de l’interactionnisme social, depuis l’émergence de ce courant dans le premier tiers du XXe. 1. L’approche des phénomènes langagiers dans le cadre de l’ISD (dimension des sciences du langage ou de la linguistique) Approche de l’ISD s’inscrit dans le « tournant praxéologique » qui caractérise les sciences du langage depuis une trentaine d’années : saisir ce langage d’abord comme une activité articulée à un cadre social, et comme une activité qui se réalise en textes, textes qui relèvent d’un genre et qui sont construits avec les ressources d’une langue naturelle donnée. Le travail théorique de l’ISD a donc porté sur trois thèmes majeurs: - Une conceptualisation des rapports entre l’ordre des activités sociales humaines et l’ordre des phénomènes proprement langagiers ou linguistique. - Une conceptualisation de l’organisation des textes, qui a donné lieu au modèle de l’architecture textuelle. - Une méthodologie d’analyse des textes. Je me centrerai sur les deux premiers thèmes, en rappelant brièvement les schémas de départ (publiés dans Activités langagières, textes et discours) et en indiquant certaines des modifications qui y on été introduites, en prenant en compte des propositions issues d’autres courants, et notamment suite aux discussions avec F. Rastier (2001). 1.1. Les rapports entre ordres des activités sociales et du linguistique Notre conceptualisation en ce domaine a été réorganisée, suite aux échanges avec Rastier que je viens d’évoquer, et elle se présente actuellement selon le schéma qui suit. 2 Situation (paramètres physiques et socio-subjectifs) Cours d’action (déroulement temporel) Le registre praxéologique est celui des activités finalisées humaines : comporte dans son principe même deux formes d’« intervention dans le monde » étroitement associées ou interdépendantes, l’une à caractère non verbal (l’« activité pratique »), l’autre à caractère verbal (l’« activité langagière »). Dans l’ordre des activité pratiques, nous retenons les notions de « champ pratique » et de « pratique » telles qu’elles sont proposées et définies par Rastier (2001) : les champs pratiques comme sous-ensembles organisés d’activités déterminées, telles que celles-ci ont été élaborées dans la sociohistoire d’un groupe ; les pratiques comme occurrences situées d’une activité relevant de l’un de ces champs. La notion d’activité langagière désigne le fait que les humains parlent (ou écrivent) dans des circonstances déterminées. Elle présente un caractère relativement “formel” en ce sens que le processus concerné est saisi en faisant abstraction du système sémiotique (en l’occurrence de la langue naturelle) mobilisé ; mais cette activité peut néanmoins être décrite et conceptualisée en s’en tenant à des paramètres relevant du strict registre praxéologique : tel humain ou tel groupe d’humain “produi(sen)t du langage“ dans telle ou telle situation, en fonction de tel ou tel objectif, et en obtenant tel ou tel résultat. Les activités langagières se réalisent en actions langagières situées, ayant leur source en une personne. Dans l’analyse de ces actions, nous distinguons maintenant : - Une dimension de situation (initiale), qui est celle des représentations disponibles en cette personne au démarrage de son agir. * Paramètres du contexte physique * Paramètres du contexte socio-subjectif Praxéologique Activité pratique Activité langagière Champ pratique Pratique singulière Linguistique Champ générique Genre Action langagière Texte empirique 3 - Une dimension de cours d’action, constituée par le déploiement temporalisé effectif de l’agir langagier, avec l’ensemble des bifurcations et réajustements qu’il comporte (quasi) nécessairement. Le registre linguistique peut être décrit comme suit : les champs génériques comme ensembles organisés de genres articulés à un ou plusieurs champs pratiques ; les genres comme sous-ensembles de formes textuelles normées relevant d’un de ces champs ; les textes comme occurrences situées et actualisées d’un de ces genres. 1.2. Le modèle de l’architecture textuelle Le “modèle“ de l’architecture textuelle que nous avions proposé dans Activité langagière, textes et discours (1997) constituait une première approche de la structuration interne des textes, que nous avons toujours considérée comme relevant du chantier et qui est donc susceptible d’être amendée et/ou complétée. Sur la base des travaux empiriques et théoriques réalisés depuis dans le cadre du réseau de l’ISD, et aussi sur la base des échanges divers, ce modèle se présente aujourd’hui globalement comme suit. 1.2.1 L’infrastructure textuelle Modifications importantes. A ce niveau “profond“ de l’organisation textuelle, nous distinguerons une composante ayant trait au contenu thématique sémiotisé et à son organisation linéaire, et une composante ayant trait aux types de discours mis en œuvre ainsi qu’à leur succession/articulation. (a) Organisation thématique - Thématique et agonistique La thématique a trait aux univers sémantiques ou thèmes convoqués dans un texte. Son analyse consiste à relever les sèmes constituant ces derniers, et à mettre en évidence, d’un côté la Infrastructure Organisation thématique Thématique Agonistique Planification Organisation Discursive Types de discours Modes d’articulation Mécanismes de textualisation Connexion Cohésion nominale Mécanismes de prise en charge énonciative Foyer énonciatif Voix et points de vue Attributions modales 4 structure du champ paradigmatique dont ils procèdent ou qu’ils construisent, d’autre part les réseaux d’isotopie en lesquels ils se déploient dans la linéarité du texte. L’agonistique consiste en quelque sorte à redoubler le contenu thématique, en surchargeant les acteurs, les rôles et les actions de valeurs plus générales, et en conférant ainsi aux séquences d’agir évoquées une signification dépassant leurs propriétés “pratiques“ ou proprement factuelles. - Planification désigne la tactique de disposition linéaire des thèmes. (b) Organisation discursive Pour appréhender et décrire l’organisation profonde d’un texte, outre le plan de l’organisation thématique, il nous paraît indispensable d’identifier les différents types de discours qui y apparaissent (avec leurs variantes, la mixité dont ils pourraient témoigner, leurs éventuelles dérogations aux normes, etc.) ainsi que leurs modalités d’articulation, c’est-à-dire les différents procédés mis en œuvre pour indiquer et gérer le passage d’un type à un autre. L’analyse que nous avions proposée de ces types dans ATD (pp. 257-261) nous paraît conserver sa pertinence, mais deux modifications paraissent devoir être introduites en ce domaine eu égard à notre modèle initial. En premier lieu, la sous-composante de la « cohésion verbale », que nous faisions relever antérieurement du niveau de la textualisation, est désormais totalement intégrée à la définition et à la description des types de discours. En second lieu, il nous paraît aujourd’hui nécessaire de compléter notre approche des types discursifs par une analyse détaillée des déterminations que le système de coordonnées qui les caractérise exerce sur les modalités d’organisation syntaxique et macro-syntaxique. 1.2.3. Les mécanismes de textualisation et de prise en charge énonciative Moins de changements. Niveau des Mécanismes de textualisation, pour les raisons évoquées ci- dessus, nous ne retenons plus désormais que les deux mécanismes de connexion et de cohésion nominale. - Approche très globale qui est à compléter par des analyses plus fine issues de courants linguistiques (énonciation, analyse conversationnelle, etc.) 1.3. La problématique des rapports entre les textes et la langue Ce qui précède : description et analyse des “produits” textuels. Mais il est nécessaire d’approfondir l’analyse des processus sous-tendant leur production/réception. A partir des travaux récents sur l’œuvre de Saussure, conduits en particulier avec E. Bulea, nous soutiendrons que ces processus mobilisent nécessairement les ressources de langue, telles qu’elles sont organisées dans l’appareil psychique des personnes (langue interne) et telles qu’elles sont codifiées dans une communauté (langue externe). 1.3.1. Textes/discours et “degrés” de langue chez Saussure Si le terme de « discours » n’apparaît pas dans le CLG, on en trouve néanmoins de multiples occurrences dans les notes manuscrites de Saussure ainsi que dans les cahiers d’étudiants ayant 5 suivi ses cours ; et l’auteur a par ailleurs entrepris de longues études sur la chanson des Nibelungen ainsi que sur d’autres corpus de textes, études relevant manifestement de l’“analyse de discours” (cf. Turpin, 2003). Sa position était en fait que les discours/textes (que Saussure qualifiait parfois aussi « parole » constituent le milieu de vie premier des phénomènes langagiers : c’est dans le cadre de leur mise en œuvre synchronique, ainsi que dans le cours de leur transmission historique, que les valeurs signifiantes des signes se construisent, et qu’elles se transforment en permanence. « Toutes les modifications, soit phonétiques, soit grammaticales (analogiques) se font exclusivement dans le discursif. Il n’y a aucun moment où le sujet soumette à une révision le trésor mental de la langue qu’il a en lui, et crée à tête reposée des formes nouvelles […] qu’il se propose, (promet) de “placer” dans son prochain discours. Toute innovation arrive par improvisation, en parlant, et pénètre de là soit uploads/Management/ confe-rence-j-p-bronckart.pdf

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  • Publié le Jan 22, 2021
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