Cet article traite des relations entre un certain nombre de configurations cour
Cet article traite des relations entre un certain nombre de configurations courantes de stratégie et de structure, et il tente d’en réaliser une synthèse. Après avoir noté les lacunes de la documen- tation traditionnelle sur le sujet, nous proposons un traitement plus complet des liens qui existent entre la stratégie et la structure. Nous tentons ensuite de démontrer l’utilité d’une approche méthodologique qui préconise de déter- miner et de relier entre elles des confi- gurations courantes de stratégie et de structure plutôt que de jumeler une multitude de variables appartenant à ces deux champs respectifs. L’existence de telles configurations et leur capacité prédictive sont démontrées. Dans un deuxième temps, nous dégageons, à partir des écrits sur le sujet, certaines dimensions clés de la stratégie et démontrons comment elles se combinent pour générer les confi- gurations stratégiques les plus courantes. Ces dernières sont finalement mises en relation avec des modèles structurels types afin de mettre en évidence leurs complémentarités de même que leurs conflits potentiels. Soulignons dès le départ que les configurations proposées dans cet article, de même que leurs relations entre elles, le sont à titre illus- tratif et qu’elles ne représentent pas un inventaire final et exhaustif. À cet égard, le titre de cet article est évocateur. Combien de fois n’avons-nous pas vu des auteurs de politique générale d’administration apparier les mots «stratégie» et «structure», tant dans des ouvrages empiriques que théoriques? Alfred Chandler (1962), dans son étude classique sur le sujet, a montré comment les changements dans la stratégie, notamment la diversification du mar- keting des produits, provoquent des modifications subséquentes dans la structure, dans ce cas particulier, la divisionnalisation. Un grand nombre de chercheurs ont par la suite entrepris leurs propres études empiriques con- firmant largement les conclusions de Chandler. La thèse voulant que la structure procède de la stratégie était si populaire qu’elle fut testée et confirmée en Grande-Bretagne (Channon, 1973), en France (Pooley-Dias, 1972) et en Allemagne (Thanheiser, 1972). Puis vint Richard Rumelt (1974) qui démontra comment la combinaison entre la stra- tégie et la structure influençait la performance de la firme. Ces études furent importantes, mais elles ne faisaient qu’effleurer la question. Elles réduisaient la stratégie à l’ampleur du marché : marché unique ou marché diversifié. La structure était largement envisagée selon qu’elle était conçue en divisions ou en services, ou encore selon la nature des systèmes de contrôle qu’elle mettait en place. Il y a manifestement beaucoup plus à dire sur les concepts de stratégie et de structure. Arrive Mintzberg (1973). Il identifie le mode planifié, le mode entrepreneurial et le mode adaptatif de formation de la stratégie qu’il relie aux contextes organi- sationnel et environnemental dans lesquels ils se produisent. Là, toutefois, l’accent est mis sur la façon dont sont prises les décisions stratégiques, plutôt que sur le contenu des stratégies elles- mêmes. Encore une fois, la structure est décrite en fonction de seulement deux ou trois dimensions simples comme sa taille, son âge et la distribution du pouvoir qu’elle favorise. Le travaux de Miles et Snow (1978) ainsi que ceux de Miller et Friesen (1977, 1978) représentent des tentatives d’envisager davantage la stratégie et la structure à partir d’un point de vue pluridimensionnel. Miles et Snow (1978) démontrent comment les entreprises, qu’ils qualifient de prospecteurs, de Gestion, volume 21, numéro 1, mars 1996 43 Article PRIX SMS-WILEY Configurations de stratégies et de structures : un pas vers la synthèse * Danny Miller 1 NOTE DE LA RÉDACTION : Cet article de Danny Miller a mérité le prix Best Paper Prize 1995 pour le meilleur article publié dans la pres- tigieuse revue américaine Strategic Management Journal au cours de la décennie 1980. C’est la première fois qu’une telle distinction échoit à un Québécois et à un Canadien. Cet honneur a valu à son auteur d’avoir été choisi «personnalité de la semaine» par le quotidien mont- réalais La Presse du 5 novembre 1995. Danny Miller a déjà publié quelques articles dans Gestion, dont «Le paradoxe d’Icare» (numéro spécial sur le leadership, vol. 16, no 3, sept. 1991, p. 33-41). * La version originale de cet article est parue dans Strategic Management Journal, vol. 7, no 3, p. 233-249, mai- juin 1986, sous le titre «Configurations of Strategy and Structure: Towards a Synthesis». Traduit et reproduit par Gestion avec l’aimable autorisation de Strategic Manage- ment Journal et de John Wiley & Sons Ltd. Cet article a été traduit par Jacqueline Cardinal, trad. a., et revu (princi- palement pour les termes techniques) par Yvon Dufour, professeur de stratégie d’entreprise à l’École des Hautes Études Commerciales de Montréal. défensifs, de réactifs ou d’analystes choisissent des stratégies spécifiques pour s’adapter à leur environnement. Ces auteurs indiquent ensuite comment ce phénomène peut influencer la techno- logie et la structure de l’organisation. Bien que les catégories de Miles et Snow (1978) soient fondées sur un cadre théorique posé a priori, qu’ils ont par la suite validé de façon empirique, les types ou «archétypes» de Miller et Friesen (1977, 1978) sont dérivés d’une taxi- nomie empirique des organisations. Eux aussi examinent des stratégies d’adapta- tion courantes ainsi que leurs corré- lations structurelles et contextuelles. Dans l’approche de Miller et Friesen (1978), l’attention est encore une fois portée sur le processus de l’élaboration de la stratégie plutôt que sur son contenu réel; ce qui est moins vrai dans l’étude de Miles et Snow (1978) qui traite effectivement du contenu de la stratégie, mais s’attache davantage à l’innovation et à l’ampleur d’une gamme de produits. On n’y donne toutefois que peu de détails sur le marketing, la pro- duction, la recherche-développement, l’intégration verticale et les stratégies de gestion d’actifs. Au cours des dernières années, le domaine de la stratégie d’entreprise et de la politique générale d’administration a connu d’importantes percées. Le travail conceptuel de Porter (1980) et les études empiriques des données du PIMS2 de Hambrick et al. (1983, 1983a) sont parmi les plus intéressants. Ces auteurs ont élaboré des typologies conceptuelles et des taxinomies empiriques extrê- mement éclairantes sur la stratégie, se concentrant sur des variables qui ont retenu l’attention d’économistes indus- triels – des variables dont on a démontré à plusieurs reprises qu’elles pouvaient influer sur la performance, c’est-à-dire celles qui peuvent facilement être à portée d’action des gestionnaires. Notons entre autres la différenciation (innovation, publicité, qualité des pro- duits); le leadership de coûts (capacité de production, coûts directs); la focalisation (ampleur de la gamme de produits, hétérogénéité de la clientèle); et l’utilisa- tion parcimonieuse des actifs (ratios des actifs immobilisés sur les revenus). Certaines forces du marché sont égale- ment considérées (rang dans les parts de marché, barrières à l’entrée, dépendance vis-à-vis des fournisseurs et des clients), comme le sont les indicateurs de perfor- mance (taux de rendement du capital investi, variabilité des résultats, crois- sance des parts de marché). L’impor- tance de certaines de ces variables a déjà été soulignée par Hofer et Schendel (1978) de même que par Henderson (1979). On remarque toutefois une impor- tante lacune dans les écrits actuels : le riche contenu des stratégies n’a jamais été relié à la structure de l’entreprise. C’est peut-être, par exemple, que les stratégies de différenciation par l’inno- vation seraient difficiles à mettre en oeuvre dans une structure bureaucra- tique ou de type mécanique (Burns et Stalker, 1961). Il apparaît en effet incongru que les structures bureau- cratiques puissent permettre l’émergence d’une différenciation par l’innovation. D’ailleurs, les organisations qui ont adopté une stratégie de leadership de coûts comptent sur une production extrêmement efficace, à faibles coûts, pour réduire leurs prix. Elles peuvent alors avoir besoin de structures bureau- cratiques, ou «mécaniques», qui privi- légient les contrôles sophistiqués des coûts, les marches à suivre standard et répétitives, les systèmes d’information sur les coûts, etc. Les structures orga- niques peuvent être trop flexibles et incapables de bien servir une stratégie de leadership de coûts. Ces considérations méritent un plus ample examen puisque la combinaison entre la stratégie et la structure peut influencer de façon vitale la performance des organisations. Le propos de cet article veut qu’il existe des liens entre la stratégie et la structure : à partir d’une stratégie donnée, il n’y a qu’un nombre restreint de structures adaptées et vice versa. Évidemment, le thème n’est pas nou- veau, mais il semble opportun d’en développer certains aspects. De façon spécifique, il serait utile de relier les conceptions relativement sophistiquées de récents théoriciens de la stratégie – particulièrement celles de Porter (1980), Hambrick (1983a, b) et Miles et Snow (1978) – à celles d’importants théoriciens de la structure – notamment Lawrence et Lorsch (1967), Burns et Stalker (1961), Woodward (1965), Thompson (1967), Galbraith (1973) et Mintzberg (1979). La pensée directrice qui inspire cette intégration est que tous ces auteurs, dont les ouvrages ont été si bien reçus, ont mis le doigt sur des segments extrêmement importants de la réalité organisationnelle. De plus, la plupart ont tenté de le faire en fonction de types idéaux ou courants, c’est-à-dire qu’ils ont isolé des configurations d’élé- ments que l’on rencontre régulièrement dans nos uploads/Management/ configurations-of-strategy-and-structure-towards-a-synthesis.pdf
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- Publié le Dec 21, 2022
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