1 GROUPES STRATEGIQUES, POSITIONNEMENT DE LA FIRME ET PERFORMANCE : UNE REVUE D
1 GROUPES STRATEGIQUES, POSITIONNEMENT DE LA FIRME ET PERFORMANCE : UNE REVUE DE LA LITTERATURE Raphaël Dornier Irege – Université de Savoie 408 Rue de la République – 73000 Chambéry raphael.dornier@univ-savoie.fr 06-83-03-13-63 Un thème central de la littérature sur les groupes stratégiques est que l’appartenance à un groupe à des conséquences sur la performance (Cool & Schendel, 1987 ; Hodgkinson, 1997a). L’hypothèse fondamentale des groupes stratégiques, et leur principal intérêt, est en effet que la performance peut être attribuée aux groupes stratégiques et non pas seulement au caractère idiosyncrasique de la firme individuelle. L’objectif de cette communication est dès lors de caractériser et synthétiser les études ayant porté sur le lien entre les groupes stratégiques, appréhendés sous l’angle économique ou cognitif, et la performance. Nous verrons que ces études ont abouti à des résultats souvent contradictoires. Nous nous focaliserons plus particulièrement sur le lien existant entre le positionnement de la firme, le groupe stratégique et la performance, un lien qui jusqu’à présent a été peu étudié par la littérature. En d’autres termes, existe-t-il pour la firme un positionnement optimal par rapport aux groupes stratégiques composant son industrie ? Les quelques études empiriques ayant porté sur ce lien, privilégiant une approche cognitive, sont parvenues à montrer que les firmes modérément différenciées par rapport à leur groupe stratégique d’appartenance sont les plus performantes. Mots clés : groupes stratégiques, performance, positionnement concurrentiel, légitimité, différenciation 1 GROUPES STRATEGIQUES, POSITIONNEMENT DE LA FIRME ET PERFORMANCE Un thème central de la littérature sur les groupes stratégiques est que l’appartenance à un groupe à des conséquences sur la performance (Cool & Schendel, 1987 ; Hodgkinson, 1997a). L’hypothèse fondamentale des groupes stratégiques, et leur principal intérêt, est en effet que la performance peut être attribuée aux groupes stratégiques et non pas seulement au caractère idiosyncrasique de la firme individuelle. Il n’existe pas de définition formelle du concept de groupe stratégique unanimement acceptée (Thomas & Venkatraman, 1988 : 538). Hunt (1972), qui a été le premier à formuler ce concept, constate des différences significatives dans les stratégies suivies par les firmes de l’industrie américaine de l’électroménager, alors même que nombre d’entre elles poursuivent des stratégies similaires. Les regroupements d’entreprises permettent dès lors selon cet auteur de faciliter le repérage des différents types de stratégies génériques suivis. Hunt définit dès lors un groupe stratégique comme un groupe d’entreprises, à l’intérieur d’un secteur, qui sont très similaires au niveau de la structure des coûts, du degré de diversification des produits, de l’organisation formelle, des systèmes de contrôle, du système de récompense et de sanction et des perceptions et préférences des individus. Par la suite, de nombreuses autres définitions des groupes stratégiques ont été proposées. Selon Porter (1979 : 215) : « Une industrie […] peut-être considérée comme composée de groupes de firmes, chaque groupe étant composé de firmes poursuivant des stratégies similaires au niveau des variables décisionnelles clés ». La définition de Porter (1980 : 129) est certainement la plus communément utilisée : « Un groupe stratégique est un groupe de firmes dans une industrie suivant une stratégie identique ou similaire au niveau des dimensions stratégiques pertinentes. Une industrie peut avoir un seul groupe stratégique si toutes les firmes suivent essentiellement la même stratégie. A un autre extrême, chaque firme pourrait constituer un groupe stratégique différent. Cependant, il existe généralement un faible nombre de groupes stratégiques résumant les différences stratégiques essentielles entre les firmes dans une industrie ». 2 Ainsi, de manière générale, le concept de groupe stratégique est défini en terme de groupe d’entreprise poursuivant des stratégies similaires avec des ressources identiques (Yami & Benavent, 2000 : 3). L’objectif de cette communication est dès lors de dresser une revue de la littérature sur les liens entre les groupes stratégiques et la performance, en montrant que les différents travaux menés ont abouti parfois à des résultats contradictoires. Nous tenterons également de repérer dans ce domaine des voies de recherches intéressantes, en nous focalisant notamment sur la théorie de l’équilibre stratégique proposée par Deephouse (1999). Cette revue de la littérature doit dès lors nous permettre de proposer une étude empirique susceptible de tester et d’approfondir les propositions de Deephouse. Deux courant de recherche ont étudié de manière largement indépendante le concept de groupe stratégique, le premier courant étant issu plus particulièrement de l’économie industrielle et le second de l’approche cognitive de la stratégie. Nous verrons dans une première partie que ces deux approches pourraient être réconciliées afin d’aboutir à des résultats plus concluants quant au lien entre le groupe stratégique et la performance. Dans une deuxième partie, nous nous intéresserons à la performance des groupes stratégiques, en nous focalisant sur les facteurs explicatifs des écarts de performance entre les groupes et au sein des groupes. Dans une troisième partie, nous analyserons les recherches ayant porté sur les différents positionnements de la firme par rapport au groupe stratégique. Enfin, dans une quatrième partie, nous exposerons la théorie de l’équilibre stratégique, qui appliquée aux groupes stratégiques permet d’expliquer le lien existant entre le positionnement de la firme par rapport au groupe stratégique et sa performance. 1. GROUPES STRATEGIQUES ET PERFORMANCE : DE L’INTERET DE RECONCILIER LES APPROCHES ECONOMIQUES ET COGNITIVES La recherche sur les groupes stratégiques n’est pas encore parvenue à démontrer l’existence d’un véritable lien entre l’appartenance au groupe stratégiques et la performance. Alors que l’approche « objective » a obtenu des résultats contradictoires, l’approche cognitive quant à elle a insuffisamment exploré cette question. Or, les facteurs tant économiques que cognitifs étant susceptibles d’influer sur la performance, une perspective intégrant ces deux approches nous semble susceptible d’éclairer cette question. 3 1.1. GROUPES STRATEGIQUES « OBJECTIFS » ET PERFORMANCE Une vague de critiques très importante sur l’approche « objective » des groupes stratégiques tient à l’absence de résultats démontrant de véritables variations de performance entre les groupes (Mehra & Floyd, 1998 : 512 ; Yami & Benavent, 2000 : 2). Il était en effet supposé au niveau théorique que la performance était relativement homogène au sein des groupes, la plus grande hétérogénéité de performance existant entre les divers groupes stratégiques (Thomas & Pollock, 1999 : 131). Allant à l’encontre de cette proposition, il a été constaté que des entreprises appartenant à un même groupe stratégique pouvaient présenter des écarts de performance très importants (Fiegenbaum & Thomas, 1990 ; Thomas & Venkatraman, 1988). La performance de la firme ne serait ainsi pas expliquée par son appartenance au groupe stratégique (Barney & Hoskisson, 1990 : 187). En outre, la performance est généralement traitée dans les études sur les groupes stratégiques dans les termes étroits de la rentabilité, s’opposant ainsi à une vue plus large incluant des mesures financières et opérationnelles (Peteraf & Shanley, 1997). 1.2.GROUPES STRATEGIQUES COGNITIFS ET PERFORMANCE Très peu d’études ont tenté de relier, au niveau théorique ou empirique, les groupes stratégiques cognitifs avec la performance. Peteraf et Shanley (1997), cependant, en proposant une théorie de l’identité des groupes stratégiques cognitifs, ont suggéré que l’homogénéité des perceptions au sein d’un même groupe stratégique pouvait avoir des conséquences négatives et positives sur des variables intermédiaires de la performance comme la réactivité stratégique ou la coopération. Ils estiment que de tels effets contradictoires peuvent expliquer l’absence d’écarts de performance significatifs entre groupes stratégiques cognitifs. Reger et Huff (1993) pour leur part, étudiant de manière secondaire le lien entre les groupes stratégiques cognitifs et la performance, ont trouvé une homogénéité de la performance au sein des groupes et une hétérogénéité de la performance entre les groupes dans le cas du secteur bancaire américain. La performance était mesurée par le fait pour une banque d’être restée ou non indépendante 5 ans après la collecte des données perceptuelles permettant l’identification des groupes stratégiques. Reger et Huff (1993 : 114) soulignent néanmoins que la faible taille de leur échantillon ne leur permet pas véritablement de démontrer l’existence d’un lien causal entre l’appartenance au groupe stratégique et la performance. 1.3.GROUPES STRATEGIQUES ET PERFORMANCE : UN DOUBLE ECLAIRAGE 4 De nombreux auteurs, constatant le caractère potentiellement complémentaire des approches objectives et cognitives des groupes stratégiques, ont dès lors préconisé de les utiliser simultanément pour relier les groupes stratégiques avec d’autres variables stratégiques. Bogner et ses collègues (1994 : 301) estiment ainsi que les deux manières d’aborder les groupes stratégiques amènent à la même question pour les stratèges : quelles sont les implications de ces groupes sur leurs membres ? Il serait donc préférable, pour échapper à cette « impasse » théorique, de développer un troisième modèle intégrant simultanément ces deux paradigmes a priori « incompatibles » afin de produire un modèle plus complet et pertinent (Bogner & Thomas, 1993). Scott (1981 : 173), dans une perspective similaire, suggère que « les mesures de la perception sont nécessaires si l’on veut prédire les choix ou les comportements des membres de l’organisation, mais ils ne sont pas suffisants si on veut prédire le résultat de ces choix ». Cet auteur estime ainsi que ces deux visions de l’environnement apportent des contributions valides, mais sur des points différents, un modèle complet devant donc inclure ces uploads/Management/ aims2008-1516.pdf
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- Publié le Sep 02, 2022
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