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raPPorT rapport à la ministre du Travail et au secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé du Numérique mars 2018 Intelligence artificielle et travail Mars 2018 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET TRAVAIL Rapporteurs Salima Benhamou et Lionel Janin Avec la contribution de Agnès Bocognano, Julia Charrié et Guillaume Thibault FRANCE STRATÉGIE 3 MARS 2018 www.strategie.gouv.fr AVANT-PROPOS Dans la suite des travaux de #FranceIA au printemps 2017, auxquels France Stratégie avait contribué, le député Cédric Villani s’est vu confier la mission d’analyser les enjeux de l’intelligence artificielle au niveau économique, social, environnemental et éthique. Muriel Pénicaud, ministre du Travail, et Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du Numérique, ont demandé à France Stratégie d’étudier plus particulièrement les impacts de l’intelligence artificielle sur le travail. C’est l’objet de ce rapport. La question clé est de savoir si l’intelligence artificielle représente une rupture technologique telle que le travail s’en trouvera transformé de manière brutale, avec des répercussions importantes sur l’emploi, ou si elle s’inscrit dans la continuité des transformations numériques à l’œuvre depuis plusieurs décennies. Pour tenter d’y répondre et illustrer de façon concrète les enjeux posés par ces mutations annoncées, notre rapport a choisi d’examiner trois secteurs, ceux des transports, de la banque et de la santé, pour esquisser des scénarios de transformation du travail. De cet examen ressortent des spécificités sectorielles et des phénomènes parfois inattendus ou contre-intuitifs. Un chatbot qui répond automatiquement à minuit peut malgré tout nécessiter un humain capable de prendre le relai en cas de besoin. Et si la machine vient en effet à soulager les hommes des activités les plus routinières, ces derniers risquent de ne traiter que des tâches complexes, d’où une intensification du travail et un risque de surcharge cognitive. La multiplicité des facteurs qui conduisent une organisation, quelle qu’elle soit, à décider de recourir, ou non, à des systèmes utilisant l’intelligence artificielle – coût, rentabilité, impacts sur les équipes, conséquences pour les clients – et le poids du contexte – démographique, réglementaire, social – expliquent pourquoi les tentatives de projection des impacts sur les métiers et les emplois resteront durablement incertaines. Pour le transport, l’impact sur l’emploi du véhicule autonome est particulièrement difficile à anticiper : la technologie n’a pas encore atteint un niveau de sûreté tel qu’il Intelligence artificielle et travail FRANCE STRATÉGIE 4 MARS 2018 www.strategie.gouv.fr soit possible de prévoir avec précision un calendrier pour sa généralisation, qui supposera que les réglementations aient évolué et que les assurances se soient adaptées. Les conséquences sur l’emploi de son adoption dans certains secteurs particuliers, comme les transports routiers de longue distance, pourraient cependant, le moment venu, être significatives. Pour les banques, hors scénario de développement rapide de nouveaux acteurs très innovants, qui ne s’est pas matérialisé jusqu’ici, l’intégration de l’intelligence artificielle devrait avoir un impact significatif sur la pratique professionnelle des conseillers commerciaux, et accentuer la tendance à la réduction de leur nombre en agences, mais sans rupture majeure. Pour la santé, les applications les plus spectaculaires – robots chirurgicaux, interprétation des radios et électrocardiogrammes – ne sont pas les seules qui auront un impact sur la définition des métiers et l’emploi. Celles du diagnostic et de la prescription assistés par ordinateur ou de suivi des patients à distance pourraient aussi changer profondément la donne, en particulier dans la répartition des tâches entre professions de santé (médecins, et pratiques avancées des infirmiers). Le rapport propose des pistes d’action qui mobilisent les moyens d’anticipation des acteurs, de formation et de sécurisation des parcours professionnels. Les adopter devrait renforcer la probabilité que les transformations du travail liées à l’usage de l’intelligence artificielle se fassent de façon maîtrisée. Gilles de Margerie Commissaire général de France Stratégie FRANCE STRATÉGIE 5 MARS 2018 www.strategie.gouv.fr SOMMAIRE SYNTHÈSE ................................................................................................................. 7 DÉFINITION ET CHAMP D’INVESTIGATION .......................................................... 11 1. Problématique ................................................................................................. 11 2. Quelle définition ? ............................................................................................ 15 3. Trois secteurs d’activité passés au crible ........................................................ 19 IMPACTS DANS LE SECTEUR DES TRANSPORTS ............................................. 25 1. Les applications de l’intelligence artificielle dans le transport .......................... 25 2. Un contexte plutôt favorable à la diffusion ....................................................... 28 3. Les impacts sur les métiers du transport ......................................................... 34 4. Les scénarios selon les activités ..................................................................... 39 IMPACTS DANS LE SECTEUR BANCAIRE ............................................................ 41 1. Les usages de l’intelligence artificielle ............................................................. 42 2. Les déterminants de la diffusion ...................................................................... 43 3. Les impacts sur les métiers de la banque de détail ......................................... 46 4. Scénarios de diffusion ..................................................................................... 50 IMPACTS DANS LE SECTEUR DE LA SANTÉ ....................................................... 53 1. Applications de l’intelligence artificielle et impacts sur le travail ...................... 54 2. Les déterminants ............................................................................................. 59 3. Les scénarios de diffusion ............................................................................... 61 QUELS ENSEIGNEMENTS DES TROIS SECTEURS ? .......................................... 65 1. L’IA s’inscrit dans le phénomène plus large de la transition numérique .......... 65 2. La transformation des tâches : substitution ou complémentarité ? .................. 66 3. La transformation des qualifications : expert ou généraliste ? ......................... 67 4. La transformation des organisations ................................................................ 68 Intelligence artificielle et travail FRANCE STRATÉGIE 6 MARS 2018 www.strategie.gouv.fr ENJEUX ET RECOMMANDATIONS ........................................................................ 71 1. Lancer un chantier prospectif pour anticiper les effets de l’intelligence artificielle et accompagner les acteurs ............................................................ 71 2. Assurer la formation des travailleurs aux enjeux de l’intelligence artificielle .... 74 ANNEXES LETTRE DE MISSION .............................................................................................. 81 PERSONNES AUDITIONNÉES ................................................................................ 83 FRANCE STRATÉGIE 7 MARS 2018 www.strategie.gouv.fr SYNTHÈSE L’intelligence artificielle – entendue comme l’ensemble des technologies visant à réaliser par l’informatique des tâches cognitives traditionnellement effectuées par l’humain – est aujourd’hui au cœur des débats sur les transformations sociales. En première ligne, les mutations annoncées dans le domaine du travail suscitent deux attitudes contrastées. Les uns affichent leur optimisme devant une technologie porteuse de gains de productivité, donc source de richesse, et qui promet d’en finir avec les tâches les plus fastidieuses. Les autres prophétisent avec pessimisme la disparition inéluctable de pans entiers d’activité et des emplois correspondants. Ainsi posé, le débat public se polarise dans une opposition stérile puisqu’elle échoue à mettre en lumière les facteurs de transformation comme les leviers d’action. Pour éclairer ces débats, Muriel Pénicaud, ministre du Travail, et Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du numérique, ont confié à France Stratégie une mission sur les impacts de l’intelligence artificielle (IA) sur le travail1. Cette mission est complémentaire de celle confiée par le Premier ministre au député Cédric Villani, qui, avec un périmètre plus large, aborde les questions de la recherche, des politiques industrielles ou de l’éthique. L’objectif est le même : faire de la pédagogie pour éviter les fantasmes mais prendre la mesure des transformations qui s’annoncent tout en identifiant les politiques publiques adaptées2. L’IA a fait des progrès spectaculaires depuis quelques années. Des technologies relevant il y a peu de la recherche, tels l’apprentissage machine ou le deep learning, sont sorties des laboratoires pour réaliser des tâches qui semblaient auparavant inaccessibles aux machines, comme reconnaître une image, traduire de façon satisfaisante un texte simple ou gagner au jeu de Go. Ces technologies sont déjà 1 Voir la lettre de mission en annexe. 2 Les rapporteurs tiennent à remercier l’ensemble des personnes auditionnées dans le cadre de cette mission (voir la liste en annexe), tout particulièrement Pierre Blanc, Manuel Gea, David Giblas, David Gruson, Enguerrand Habran, Claude Leicher, Antoine Malone, Alain Sauvant et la mission Villani. Intelligence artificielle et travail FRANCE STRATÉGIE 8 MARS 2018 www.strategie.gouv.fr présentes dans nos smartphones et constituent l’ossature de nombre de logiciels d’appariement déjà déployés, par exemple pour la publicité en ligne ou le profilage. En dehors de quelques champs particuliers, la technologie est encore peu présente dans le quotidien de la plupart des métiers. Les promesses n’en sont pas moins nombreuses, notamment pour la banque de détail, les transports ou la santé, trois secteurs qui sont examinés ici de façon approfondie. Certes, l’intelligence artificielle promet d’exécuter des tâches compliquées mais répétitives ou à forte régularité, ce qui affectera logiquement les métiers incluant ces tâches. Mais cette transformation n’est pas radicalement différente de la numérisation de l’économie, phénomène déjà ancien auquel se sont adaptés – avec plus ou moins de bonheur – la banque, les transports ou la santé, en modifiant le contenu des emplois, en formant les travailleurs, en développant de nouvelles activités. La montée en compétence des salariés en réponse à la robotisation est ancienne, notamment dans l’industrie, et peut être une garantie d’emploi si elle assure la croissance de l’activité de l’entreprise et du secteur. En témoigne la robotisation avancée de l’industrie automobile allemande : cette dernière, une des plus fortement robotisées au monde, emploie en 2016 plus de 800 000 salariés, 100 000 de plus qu’il y a vingt ans, contre 440 000 en France1. Certes, le risque existe d’une perte d’autonomie du salarié, soumis à un contrôle automatisé de plus en plus insidieux, avec les risques psychosociaux associés. On sait les débats soulevés par les conditions de travail dans certains entrepôts, où le contrôle automatisé des employés passe par un dispositif à synthèse vocale. De tels dispositifs peuvent conduire à des tâches plus fragmentées, exécutées avec l’accompagnement d’outils logiciels. Aucun de ces défis n’est uploads/Management/ fs-rapport-intelligence-artificielle-28-mars-2018-0.pdf

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  • Publié le Sep 10, 2022
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