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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/323144508 L'expérience gastronomique : des dimensions linguistiques aux dimensions sensibles Chapter · January 2015 CITATIONS 0 READS 116 1 author: Some of the authors of this publication are also working on these related projects: Culinary practices, impact on behaviours and food representations View project Goût et identités culturelles. Les aliments et le vin View project Clémentine Hugol-Gential University of Burgundy 75 PUBLICATIONS 25 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Clémentine Hugol-Gential on 13 February 2018. The user has requested enhancement of the downloaded file. L’expérience gastronomique : Des dimensions linguistiques aux dimensions sensibles1 1. Introduction Devant la multiplication des offres gourmandes ou gastronomiques proposées dans de nombreux restaurants, les directeurs d’établissement doivent aujourd’hui mettre en place des stratégies de communication visant à se distinguer et à promouvoir leur patrimoine gastronomique et leur savoir-faire. L’expérience du repas dans un restaurant ne se résume pas seulement à la qualité organoleptique des mets proposés. Elle est en effet beaucoup plus complexe et repose sur un ensemble de paramètres : le décorum, le design de l’assiette, la carte des vins, les pratiques de service, les interactions avec le personnel de service, les mots employés pour décrire et valoriser les plats proposés, les histoires contées qui visent à faire découvrir le terroir et les producteurs. Dans le cadre de cette contribution nous souhaitons nous intéresser spécifiquement aux mots des mets. En effet, les mots précèdent l’expérience gastronomique et ont un rôle crucial dans la mise en condition du client et dans les choix qu’il va produire. Aujourd’hui les menus sont souvent à disposition sur internet et sont le premier contact du client avec l’établissement. A l’heure où nous pouvons faire apparaître la mention « fait maison » sur son menu afin de garantir à sa clientèle que les plats à la carte ne sont pas des produits industriels, la question de la valorisation de ses plats grâce aux mots employés pour 1 Chapitre rédigé par Clémentine Hugol-Gential, Laboratoire CIMEOS, équipe 3S, Université de Bourgogne les décrire et les définir est une question cruciale. La traversée de plusieurs crises alimentaires a renforcé le besoin de transparence et la valorisation du terroir semble de plus en plus présente (Parizot, 2014), le menu se trouve alors objet de valorisation du savoir-faire et objet visant à faire savoir. Dans le même temps, des recherches ont montré que la dimension poétique du menu dans des restaurants étoilés est une dimension également à ne pas négliger (Dupuy, 2009). Le menu est alors un objet complexe à construire alors même qu’il joue un rôle essentiel dans la construction de l’image du restaurant et de l’identité de son chef. Le menu donne à voir ce que l’on va manger et il permet de promouvoir la gastronomie d’un établissement et donc, par extension, un patrimoine culturel (Hugol-Gential, 2014). Ainsi, dans le cadre de cette contribution, nous nous interrogeons sur les enjeux de la conceptualisation d’un menu, sur la manière de présenter les plats aux clients et sur les impacts que les intitulés peuvent avoir sur la clientèle. Par ailleurs, nous souhaitons souligner que la découverte du menu est souvent conduite en interaction permettant ainsi aux participants au repas de décrire, d’imaginer et de définir conjointement les intitulés proposés. Dans cette perspective, il est alors crucial de considérer son usage situé et de s’engager alors dans une étude sémio-pragmatique de la mobilisation du menu. 2. L’expérience gastronomique et les mots 2.1 Le gastronome et les mots La question de la définition de la gastronomie se pose régulièrement et il est parfois difficile d’en définir parfaitement les contours : « Sur quoi, en fait, convient- il d’accommoder le regard : sur la cuisine, versant production, ou sur la gastronomie, versant consommation ? Ce découpage serait trop simple et dichotomique pour rendre compte de ce chiasme : la cuisine anticipe ou préfigure l’art de goûter, de savourer, elle prédispose à un certain mode de réception ; la gastronomie démêle, quant à elle, la savante organisation des ingrédients et des saveurs conçue par le cuisinier » (Boutaud, 2008 : 27-28). La gastronomie, objet en tension, repose sur une trinité sensible (Boutaud, 2007, 2010) relevant à la fois de l’esthésie (la recherche de sensations liées à des perceptions sensorielles), de l’esthétique (l’expression sensible de la communication) et de l’éthique (la construction des identités). Ainsi, nous souhaitons ici proposer une analyse prenant en compte aussi bien les aspects sémiotiques et les aspects pragmatiques de l’expérience gastronomique en nous intéressant particulièrement au menu en tant qu’objet de transmission linguistique et culturel. Consignes générales 3 S’il n’est pas toujours simple de définir la gastronomie, il apparaît assez clairement que la naissance de la gastronomie s’est accompagnée d’un intérêt pour la manière de décrire les plats. Les mots et les mets semblent alors inextricablement liés. En effet, historiquement, le gastronome était celui qui aimait déguster mais surtout celui qui savait parler des mets consommés. Les critiques gastronomiques se sont développés sous l’influence de Grimod de la Reynière qui a publié son premier guide l’Almanach des gourmands en 1802, développant ainsi toute une rhétorique « gourmande » autour des mets et des boissons. La conversation sur le repas est un élément indispensable car la gastronomie renvoie également à l’utilisation du bon langage. En effet, au XVe siècle, le gourmet est celui qui teste le vin et qui a le vocabulaire adéquat pour décrire et rendre compte de la subtilité des breuvages (Quellier, 2007). Puis, au XIXe siècle le mot gourmet s’étend à celui qui aime « faire bonne chère ». Faire bonne chère ne renvoie pas seulement au fait d’ingérer des aliments de qualité avec des manières de table adaptées, il s’agit également d’employer le bon vocabulaire : « Le gastronome sera non celui qui sait le plus, mais celui qui parle le mieux » (Ory, 1998 : 13). Pourtant, cet intérêt pour les mots se confronte à de nombreuses contraintes. En effet, Boutaud souligne qu’il n’est pas aisé de décrire le goût et d’en rendre compte précisément : « le goût résiste au langage, condamné soit à la norme réifiée d’un discours technique ou physiologique, soit à la digression poétique de la métaphore, empêchés dans les deux cas de saisir au propre la complexité des effets ressentis » (Boutaud, 1997 : 53). Dans la même perspective, Erman renchérit : « classer les saveurs semble donc relever d’un lexique d’experts en analyse sensorielle – il en existe pour le beurre, l’huile, le chocolat, le tabac et, surtout, les vins et les spiritueux – ou alors d’une poétique faisant du jugement de goût un jugement esthétique » (Erman, 1997 : 105). En ce sens, la création d’un menu et le choix des intitulés se posent de fait comme des problèmes pratiques pour le restaurateur et le chef de cuisine qui doivent, par le biais du texte, rendre visible aux clients les plats qui peuvent être commandés. Le choix des mots est d’autant plus crucial du fait qu’ils doivent permettre de valoriser un patrimoine, un savoir-faire, souligner l’identité du chef mais également faire savoir. Les mots et les figures de style employés jouent un rôle important dans la représentation du plat, ils précèdent le choix et la dégustation et « donnent du goût à l’énoncé » (Parizot, 2014). Comme le souligne Dupuy, l’usage de procédés discursifs engendre des attentes fortes et donc tous les restaurateurs ne peuvent pas prendre la liberté d’employer une rhétorique trop complexe : « pour le consommateur, la rhétorique (cet écart avec une façon « normale », habituelle d’exprimer le réel) semble en effet ne se justifier qu’en cas de plus-value gastronomique ; sans quoi, elle sera perçue comme un simple artifice, voire une tromperie » (Dupuy, 2009 : 20). Ainsi, le menu est élaboré en utilisant de multiples ressources pour représenter les plats qui vont être consommés, Boutaud parle des textes des menus en tant qu’« embrayeurs du goût » (1998 : 275) qui sont déterminants dans l’évocation gustative et de fait, dans l’appréciation des plats qui vont être dégustés. Dupuy renchérit en indiquant « que le verbal contribue au goût, que la culture vient aider la nature, qu’il n’est pas de goût sans mot pour dire et faire le goût » (Dupuy, 2009 : 32). Par ailleurs, au-delà de susciter l’envie grâce à un ensemble de figures de style, le menu a aussi un rôle d’information qui permet aux clients de connaître et de comprendre le contenu de leur assiette : le faire savoir. 2.2 Les mots et le faire-savoir Savoir ce que l’on va manger est une question de poids et comme nous l’avons souligné précédemment, les récentes crises auxquelles ont été confrontés les consommateurs cristallisent le besoin de savoir ce que l’on va manger. Le « principe d’incorporation », développé par Rozin et Falon (1981) dont l’idée principale est « on est ce que l’on mange », semble primordial dans la compréhension de la construction identitaire de l’individu. En effet, la nourriture joue uploads/Management/ l-x27-experience-gastronomique-des-dimensions-linguistiques-aux-dimensions-sensibles.pdf
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- Publié le Mai 29, 2022
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