SÉANCE 7 : LA MÉTHODE DISTRIBUTIONNELLE Note : si votre navigateur n'affiche pa

SÉANCE 7 : LA MÉTHODE DISTRIBUTIONNELLE Note : si votre navigateur n'affiche pas correctement cette page, à cause des caractères phonétiques, il faut télécharger la police d'écriture Doulos SIL Literacy en cliquant ICI. Pour qu'elle s'installe d'elle-même, téléchargez-la dans le dossier suivant : C:\WINDOWS\Fonts La première question que l'on se pose lorsqu'on étudie une langue est tout simplement la suivante : qu'est-ce qu'on étudie ? En effet, la parole se présente comme un flot inanalysable à première vue, et si le travail scientifique consiste à trouver des régularités dans l'objet en question, cela signifie qu'on peut réduire des phénomènes divers à des structures explicatives. Mais pour cela, il faut trouver des unités. D'où la question : comment faire ? Le distributionnalisme, méthode initiée par le linguiste américain Léonard Bloomfield dans les années 20 (et à l'origine sans rapport avec le structuralisme, bien que les deux courants se rejoignent en partie par la suite), donne la méthode suivante pour répondre à la question : - il faut segmenter l'objet pour trouver des unités sur lesquelles on peut travailler; - il faut ensuite établir les lois régissant l'unité trouvée; - enfin, il faut regrouper en une même classe les unités qui obéissent aux mêmes lois. L'opération fondamentale qui permet d'appliquer cette méthode est la substitution. Il s'agit, pour délimiter une unité, de chercher si elle peut être remplacée par d'autres. Soit l'expression suivante : [ ]. On peut faire permuter le segment [ ] avec [ ], obtenant ainsi l'expression [ ]. On a donc isolé l'unité [ ]. Il s'agit maintenant d'établir les règles qui la gouvernent, c'est-à-dire de trouver les contextes dans lesquels elle peut apparaître (on abadonne par commodité l'alphabet phonétique, quoiqu'on devrait faire toute l'analyse sur des sons : il ne faut pas croire que les blancs de l'orthographe normale isolent des unités, ou plutôt, il faut le prouver, d'autant que ce n'est des fois pas le cas). On va ainsi constater que "gentil" apparaît dans "le gentil garçon mange une pomme", "ce garçon est gentil", etc. Enfin, on cherche, à nouveau par substitution, l'ensemble des éléments qui obéissent aux mêmes règles. On va trouver "méchant", "petit", "grand", etc. On a ainsi défini non seulement des unités mais aussi une classe d'unités au comportement (syntaxique) semblable. On a donc segmenté l'objet et on l'a réduit, puisqu'au lieu de traiter quatre unités distinctement ("gentil", "méchant", "petit", "grand"), on les traite en bloc, dans la mesure où elles appartiennent à la même classe d'équivalence, c'est-à-dire qu'elles entrent dans les mêmes contextes. De plus, pour en revenir à la citation de Culioli (voir séance 1), on a fait une hypothèse sur le fonctionnement de la faculté de langage, et donc de l'esprit : en effet, si on ne réduisait pas les divers éléments à des classes, on devrait penser que chaque élément porte avec lui les règles de son fonctionnement, ce qui créerait un travail intellectuel immense. Au contraire, si chaque élément appartient à une classe, alors il suffit de se demander (inconsciemment) comment cette classe fonctionne pour savoir comment l'élément fonctionne. Ainsi, si on a mille éléments et qu'ils appartiennent à la même classe, au lieu d'avoir mille fois la même règle, on ne l'a qu'une seule fois. Sans cette simplification, le langage serait inutilisable! Dans ce travail, on a mis en jeu dex types de relations très importantes, et qui ont été définies par Saussure : - les relations syntagmatiques sont celles qu'un élément entretient avec d'autres éléments d'un même énoncé. Par exemple, dans "le gentil garçon", "gentil" entre dans une relation syntagmatique avec "le" et "garçon; - les relations paradigmatiques sont celles qu'un élément entretient avec les éléments qui peuvent lui être substitués dans un même contexte. Par exemple, dans le même énoncé, "gentil" est en relation syntagmatique avec "petit", "grand", "méchant", etc. (Note : les relations paradigmatiques forment un paradigme. Cependant, les relations syntagmatiques ne forment pas toutes un syntagme, dans la mesure où un syntagme est une relation syntagmatique particulière : voir l'analyse en constituants.) On peut donc définir une classe d'équivalence comme un paradigme ayant les mêmes possibilités syntagmatiques. Cette analyse permet par ailleurs de distinguer plusieurs éléments sous l'apparence d'un seul, et donc de ranger une forme donnée dans plusieurs classes d'équivalence. Ainsi, dans un premier temps, le test de la substitution va identifier une unité "bien", puisqu'on peut la permuter avec "énormément"' dans "il a bien mangé", avec "mauvais" dans "ce film est bien" et avec "sens" dans "le bien commun". On peut donc penser qu'on a une unité "bien" qui entre dans les contextes "il a - mangé", "ce film est -" et "le - commun". Cependant, si on essaie de construire une classe d'équivalence, c'est-à-dire si on cherche les éléments avec le même comportement, on va constater qu'on n'en trouve aucun, ou plutôt qu'on trouve des éléments différents pour chaque contexte. Dans "il a bien mangé", on va trouver "énormément", "beaucoup", "rapidement", etc., dans "ce film est bien", on va trouver "mauvais", "nul", "intéressant", etc., et enfin dans "le bien commun", on va trouver "sens", "souhait", "pot", etc. Or ces diverses unités ne sont pas permutables entre elles, c'est-à-dire que "beaucoup", par exemple, ne va permuter ni avec "mauvais", ni avec "sens". C'est donc qu'on a affaire à trois classes d'équivalences différentes, qui se distinguent par trois types de contexte. Autrement dit, on a trois paradigmes. Ainsi, malgré l'unité formelle et historique de "bien", il faut voir en cet élément trois unités distinctes. Une classe d'équivalence est donc constituée par les relations syntagmatiques qu'elle permet, et pas par les éléments qui y entrent à première vue. En d'autres termes, une classe d'équivalence est un ensemble de règle (d'apparition dans un ou plusieurs contextes) plutôt qu'un ensemble d'éléments. Ces derniers obéissent aux règles de la classe.  Classes d'équivalence et parties du discours La grammaire traditionnelle distingue neuf ensembles d'unités dans les langues, dites "parties du discours" : Nom, Adjectif, Article, Verbe, Adverbe, Conjonction, Préposition, Pronom, Interjection. Ces catégories sont définies surtout sémantiquement, et sont assez peu fiables. Ainsi, on dit que le Nom dénote une entité, que le Verbe dénote une action, et pourtant "nage" est un nom, et dénote une action, par exemple. Il est cependant courant de nommer les classes d'équivalence d'après les parties du discours. Ainsi la classe définie par la relation syntagmatique |Dét (Adj) - (Adj)| recevra l'étiquette Nom (pour comprendre la notation utilisée, voir la séance 9). Cependant, cela peut-être trompeur. La catégorie des Adverbes, par exemple, est très peu homogène et ses divers éléments sont loin d'apparaître tous dans les mêmes contextes. Ainsi, on aura "Marie m'a posé un lapin; je ne lui en veux cependant pas" mais pas "Marie m'a posé un lapin; je ne lui en veux méchamment pas". En effet, "cependant" est ce qu'on appelle un "connecteur" (il relie deux phrases) tandis que "méchamment" est un "circonstant" (il précise la manière). On aurait encore moins : "je ne lui en veux très pas".  Niveaux d'analyse Les unités que l'on distingue dépendent du niveau auquel on se place, bien que nous ne l'ayons pas précisé dans ce qui précède. Chaque élément se définit par une relation de constituance : il est constitué par les unités du niveau inférieur et il constitue les unités du niveau supérieur (cf. Benveniste, "Les niveaux de l'analyse linguistique"), de la manière suivante : Quand on étudie une unité d'un niveau donné, on l'étudie dans le contexte du niveau immédiatement supérieur. Ainsi, quand on étudiait les phonèmes (voir séance 4), on travaillait dans le cadre des morphèmes (quoique pour simplifier nous nous soyons attachés aux mots). De même, notre analyse de "petit" se plaçait dans le cadre du syntagme, en l'occurrence le syntagme nominal. Il est à noter que la représentation ci-dessus est simplifiée, dans la mesure où tous les niveaux ne sont pas indiqués : la syllabe, par exemple, ou par ailleurs le fait qu'un syntagme comme "la souris" n'entre pas forcément dans une phrase, mais peut servir à former un autre syntagme, comme dans "la queue de la souris". Cette problématique n'a pas à nous occuper pour le moment, elle a trait à l'analyse en constituants. Quand on construit des classes d'équivalence, ce qui nous intéresse, c'est le mot. Le morphème est une unité trop petite et au fonctionnement trop restreint pour pouvoir entrer dans une classe d'équivalence au sens propre, tandis que le syntagme a un fonctionnement particulier qui demande d'avoir déjà pratiqué une première analyse (voir séance 9) et qui nécessite de surcroît une étude syntaxique plus fine. Au final, on a deux méthodes complémentaires : d'un côté, on segmente un énoncé pour y trouver des unité(s) et déterminer leurs classe(s) d'équivalence. De l'autres, ces unités sont déjà données et il s'agit de vérifier qu'il n'y en a bien qu'une seule, ou qu'elle entre bien dans telle ou telle classe d'équivalence. La première méthode est très utile pour étudier une langue inconnue, et la seconde permet de s'assurer que l'analyse (souvent léguée par la uploads/Management/ la-methode-distributionnelle.pdf

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  • Publié le Oct 26, 2021
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