Le faible attrait des étudiants pour l’entrepreneuriat - éléments d’analyse pou

Le faible attrait des étudiants pour l’entrepreneuriat - éléments d’analyse pour l’action - Jean-Pierre BOISSIN CERAG 150 rue de la Chimie - BP 47 - 38040 Grenoble cedex 9 jean-pierre.boissin@upmf-grenoble.fr Barthélémy CHOLLET CERAG 150 rue de la Chimie - BP 47 - 38040 Grenoble cedex 9 Barthelemy.Chollet@univ-savoie.fr Sandrine EMIN LARGO, IUT d’Angers 4 bd Lavoisier - BP 42018 - 49016 Angers Cedex Tel : 02.41.73.52.52 (poste 4442) Fax : 02.41.73.53.30 (préciser le destinataire) sandrine.emin@univ-angers.fr Merci d’adresser la correspondance à Sandrine EMIN Résumé : L’objectif principal de ce papier consiste à s'interroger sur les croyances et attitudes qu’ont les étudiants vis-à-vis de la création d’entreprise, et sur la façon dont elles peuvent agir sur leur intention de se lancer dans ce type d’activité après leurs études. D’une manière générale, le but est, à la lumière de ces croyances, d’obtenir des pistes sur le type de contenu à donner aux formations dans le contexte de mise en œuvre des Maisons de l’Entrepreneuriat. Au plan théorique, cette recherche repose sur le modèle d’intention que constitue la théorie du comportement planifié. Dans ce cadre, l’intention de créer une entreprise est supposée dépendre de trois éléments : l’attrait perçu de la création d’entreprise ; le degré d’incitation à entreprendre perçu dans l’environnement social ; la confiance qu’a l’individu en sa capacité à mener à bien le processus entrepreneurial. Ce modèle est testé sur 809 étudiants grenoblois, à l’aide de régressions multiples. Les résultats confirment l’utilité de la théorie du comportement planifié à expliquer l’intention de créer une entreprise en contexte universitaire puisque 40% de la variance de l'intention est restituée. L’attrait perçu a, de très loin, le poids le plus important dans l’explication de l’intention de créer une entreprise. Ce résultat souligne qu’au-delà des contenus techniques, visant à délivrer à l’étudiant des compétences en matière d’entrepreneuriat, la formation doit aussi et surtout promouvoir la création d’entreprise comme choix de carrière désirable et attractif. Une deuxième série de régressions permet d’identifier quels sont les types d’attentes professionnelles qui expliquent le plus l’attrait pour la création des étudiants et quelles sont les tâches critiques pour réussir une création d’entreprise qu’ils se sentent le plus à même de mener à bien. Ces résultats peuvent aider à l’orientation du contenu des formations en entrepreneuriat. Celles-ci pourraient, en effet, chercher à peser de manière positive sur les croyances qui conduisent d’après nos résultats à un faible attrait de la création ou à une faible confiance des étudiants en leur capacité à créer. Mots-Clés : création d’entreprise, entrepreneuriat, croyances, intention, étudiants, formation. 2 La France figure parmi les pays au monde dans lesquels la création d’entreprise est le moins souvent envisagée comme choix professionnel. Ceci est notamment confirmé par l’enquête menée par le conseil des affaires de l’ONU et synthétisé dans l’étude GEM (Global Entrepreneurship Monitor) au sein de 29 pays. Cette enquête illustre clairement un état de fait : devenir créateur d’entreprise reste en France un parcours atypique. Dans ce contexte, les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur représentaient 12% de l’ensemble des créations recensées en 2002 (INSEE Première, 2003). Ils n’étaient que 8% en 1998 (Enquête SINE, 1998). Cette évolution encourageante peut certainement s’expliquer en partie par la promotion et la progression à un rythme soutenu de la formation à l’entrepreneuriat dans les établissements d’enseignement supérieur pendant la même périodei. Certaines études ont en effet montré l'importance de la sensibilisation à l'entrepreneuriat pour le développement d'une conscience entrepreneurialeii. Il semble donc important de continuer à œuvrer pour rendre encore plus performant le dispositif universitaire, en particulier avec la mise en œuvre de Maisons de l’Entrepreneuriat (plan Innovation 2002, Ministères de la Recherche et de l’Industrie). Les nombreuses expériences de formation à l’entrepreneuriat relatées et commentées dans la littératureiii nous renseignent sur les formes prises par les formations (pratiques pédagogiques utilisées) en fonction des niveaux d’intervention (sensibilisation, spécialisation ou accompagnement) ou des objectifs poursuivis (créations d’entreprises ou d’activités, formation de consultants, accompagnateurs spécialisés en entrepreneuriat, etc.). Mais, aucune étude, à notre connaissance, ne renseigne sur ce que doit contenir une formation en vue de favoriser la sensibilité entrepreneuriale. Si l’enseignement entrepreneurial, conformément au propos de Tounès (2003), est destiné à préparer et à développer les perceptions, les attitudes et les aptitudes entrepreneuriales, il reste encore à savoir comment s’y prendre. Ce papier part de l’idée que la réponse se trouve probablement dans les croyances professionnelles des étudiants. Il paraît nécessaire, en effet, pour concevoir les formations à l’entrepreneuriat, de comprendre au préalable les croyances que les étudiants ont vis-à-vis de la création d’entreprise. L’objectif de ce papier n’est donc pas d’évaluer les pratiques existantes en matière de formation, mais d’identifier sur quelles croyances le contenu des formations doit chercher à agir afin de favoriser le développement d’une intention entrepreneuriale. Les orientations données à ce sujet reposent sur une enquête réalisée auprès de 809 étudiants dans le cadre de l’action de la Maison de l’Entrepreneuriat – Grenoble Universités. Au plan 3 théorique, le papier s’appuie sur le modèle d’intention proposé par la théorie du comportement planifié. L’intention de créer une entreprise chez un individu y est supposée dépendre de trois éléments : l’attrait perçu de la création d’entreprise ; le degré d’incitation à entreprendre perçu dans son environnement social ; la confiance qu’il a en sa capacité à mener à bien le processus de création d’une entreprise. Les résultats présentés proviennent à la fois d’analyses descriptives, factorielles et de régressions linéaires multiples. Le cadre théorique et la méthode sont d’abord précisés, suit ensuite la présentation des résultats et leur discussion. 1. LES MODELES D’INTENTION : UNE APPLICATION AU COMPORTEMENT ENTREPRENEURIAL La création d’entreprise est clairement un processus dans lequel l’intentionnalité est centrale (Bird, 1988 ; Katz et Gartner, 1988). Les modèles d’intention comme celui de la théorie du comportement panifié (Ajzen, 1987,1991) semblent donc offrir un cadre cohérent, simple et robuste pour atteindre une meilleure compréhension des processus de création d’entreprise (Krueger, 1993). Nous présentons, tout d’abord, le modèle de la théorie du comportement planifié (1.1), puis les variables explicatives de l’intention utilisées dans notre étude (1.2). 1.1 - LA THÉORIE DU COMPORTEMENT PLANIFIÉ La théorie du comportement planifié postule que l’intention est déterminée par les attitudes de l’individu et le contrôle qu’il pense avoir sur la situation. Les attitudes représentent l’attractivité du comportement, qui peut être rapprochée de la notion de désirabilité utilisée par Shapero (Shapero et Sokol, 1982) en entrepreneuriat. Elles intègrent, d’une part, une attitude personnelle de l’individu à l’égard du comportement concerné et, d’autre part, une attitude que l’on peut qualifier de sociale, issue de la pression à se comporter d’une certaine façon, telle qu’elle est perçue dans l’entourage proche. Le contrôle traduit, quant à lui, la perception qu’une personne a de la faisabilité personnelle du comportement en question. Il est à rapprocher des concepts de faisabilité de Shapero et d’efficacité personnelle (self-efficacy) de Bandura (1977), faisant référence aux croyances qu’a un individu sur sa capacité à réaliser une tâche donnée. Les attitudes et l’efficacité personnelle perçue sont expliquées en termes de croyances (cf. figure 1). Ces croyances 4 caractérisent les informations (vraies ou fausses) qu’une personne a sur le monde qui l’entoure. Elles résultent d’une combinaison de facteurs personnels et contextuels. Retenir comme cadre théorique les modèles d’intention revient alors à analyser plus en profondeur la formation des variables explicatives de l’intention. Figure 1 – La théorie du comportement planifié Plusieurs auteurs ont appliqué des modèles d’intention à l’acte de création d’entreprise (Krueger et Carsrud, 1993, Davidsson, 1995, Reitan, 1996, Kolvereid, 1996, Autio et al., 1997 ; Krueger et al., 2000 ; Emin, 2003, Tounès, 2003). Certaines de ces études concernent spécifiquement une population étudiante (Kolvereid, 1996 ; Autio et al., 1997; Krueger et al., 2000, Tounès, 2003). Ce sont les résultats de celles-ci qui nous intéressent particulièrement. La recherche de Kolvereid (1996), réalisée sur 128 étudiants norvégiens en école de commerce, montre que l’intention d’accéder au statut d’indépendant est significativement corrélée à l’attitude, à la norme sociale et au contrôle perçu. Au-delà, aucune variable démographique (sexe, expérience du statut d’indépendant et expériences familiales) n’a d’effet statistique significatif sur l’intention, alors qu’elles sont statistiquement corrélées à l’attitude, à la norme sociale et au contrôle perçu. Ainsi, comme défendu par Ajzen et Fishbein, ces variables n’ont qu’une influence indirecte sur les intentions à travers leur effet sur l’attitude, la norme subjective et le contrôle comportemental perçu. Intention Attitude Normes sociales Contrôle perçu Croyances comportementales et Evaluation des résultats Croyances normatives et Motivation à se conformer Croyances de contrôle et Conditions Facilitantes Comportement Source : adapt é de Ajzen (1987, 1991) 5 Krueger, Reilly et Carsrud (2000) testent quant à eux le modèle de Ajzen sur 97 anciens étudiants en école de commerce faisant face à un choix de carrière au moment de l’étude. Seules la faisabilité perçue (p<.005) et l’attitude envers l’action (p<.05) prédisent significativement l’intention, la faisabilité perçue ayant un effet plus important que les attitudes sur l’intention. L’étude souligne ainsi que la norme sociale n’a pas d’effet significatif sur l’intention. Ce résultat est contraire à celui uploads/Management/ le-faible-attrait-des-etudiants-pour-l-x27-entrepreneuriat-elements-d-x27-analyse-pour-l-x27-action.pdf

  • 23
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Jul 23, 2022
  • Catégorie Management
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.6169MB