Oeuvres d'Auguste Blanqui 1866 Instructions pour une prise d'armes Source : Aug

Oeuvres d'Auguste Blanqui 1866 Instructions pour une prise d'armes Source : Auguste Blanqui. Instructions pour une prise d'armes. L'Éternité par les astres, hypothèse astronomique et autres textes, Société encyclopédique française, Editions de la Tête de Feuilles. 1972 Transcrit par Andy Blunden. Ce programme est purement militaire et laisse entièrement de côté la question politique et sociale, dont ce n'est point ici la place : il va sans dire d'ailleurs, que la révolution doit se faire au profit du travail contre la tyrannie du capital, et reconstituer la société sur la base de la justice. Une insurrection parisienne, d'après les vieux errements, n'a plus aujourd'hui aucune chance de succès. En 1830, le seul élan populaire a pu suffire à jeter bas un pouvoir surpris et terrifié par une prise d'armes, événement inouï, qui était à mille lieux de ses prévisions. Cela était bon une fois. La leçon a profité au gouvernement, resté monarchique et contre-révolutionnaire, bien que sorti d'une Révolution. Il s'est mis à étudier la guerre des rues, et il y a repris bientôt la supériorité naturelle de l'art et de la discipline sur l'inexpérience et la confusion. Cependant, dira-t-on, le peuple en 1848, a vaincu par la méthode de 1830. Soit. Mais point d'illusions ! La victoire de février n'est qu'un raccroc. Si Louis-Philippe s'était sérieusement défendu, force serait restée aux uniformes. A preuve les journées de juin. C'est là qu'on a pu voir combien est funeste la tactique, ou plutôt l'absence de tactique de l'insurrection. Jamais elle n'avait eu la partie aussi belle : dix chances contre une. D'un côté, le Gouvernement en pleine anarchie, les troupes demoralisées : de l'autre, tous les travailleurs debout et presque certains du succès. Comment ont-ils succombé ? Par défaut d'organisation. Pour se rendre compte de leur défaite, il suffit d'analyser leur Page 1 sur 29 Instructions pour une prise d'armes par Auguste Blanqui stratégie. Le soulèvement éclate. Aussitôt, dans les quartiers du travail, les barricades s'élèvent ça et là, à l'aventure, sur une multitude de points. Cinq, dix, vingt, trente, cinquante hommes, réunis par hasard, la plupart sans armes, commencent à renverser des voitures, lèvent et entassent des pavés pour barrer la voie publique, tantôt au milieu des rues, plus souvent à leur intersection. Quantité de ces barrages seraient à peine un obstacle au passage de la cavalerie. Parfois, après une grossière ébauche de retranchement, les constructeurs s'éloignent pour aller à la recherche de fusils et de munitions. En juin, on a compté plus de six cents barricades, une trentaine au plus ont fait à elles seules tous les frais de la bataille. Les autres, dix-neuf sur vingt, n'ont pas brûlé une amorce. De là, ces glorieux bulletins qui racontaient avec fracas l'enlèvement de cinquante barricades, où il ne se trouvait pas une âme. Tandis qu'on dépave ainsi les rues, d'autres petites bandes vont désarmer les corps de garde ou saisir la poudre et les armes chez les arquebusiers. Tout cela se fait, sans concert ni direction, au gré de la fantaisie individuelle. Peu à peu, cependant, un certain nombre de barricades, plus hautes, plus fortes, mieux construites, attirent de préférence les défenseurs qui s'y concentrent. Ce n'est point le calcul, mais le hasard qui détermine l'emplacement de ces fortifications principales. Quelques-unes seulement, par une sorte d'inspiration militaire assez concevable, occupent les grands débouchés. Durant cette première période de l'insurrection, les troupes, de leur côté, se sont réunies. Les généraux reçoivent et étudient les rapports de police. Ils se gardent bien d'aventurer leurs détachements sans données certaines, au risque d'un échec qui démoraliserait le soldat. Dès qu'ils connaissent bien les positions des insurgés, ils massent les régiments sur divers points qui constitueront désormais la base des opérations. Les armées sont en présence. Voyons leurs manoeuvres. Ici va se montrer à nu le vice de la tactique populaire, cause certaine des désastres. Point de direction ni de commandement général, pas même de concert entre les combattants. Chaque barricade a son groupe particulier, plus ou moins nombreux, mais toujours isolé. Qu'il compte dix ou cent hommes, il n'entretient aucune communication avec les autres postes. Souvent il n'y a pas même un chef pour diriger la défense, et s'il y Page 2 sur 29 Instructions pour une prise d'armes par Auguste Blanqui en a, son influence est à peu près nulle. Les soldats n'en font qu'à leur tête. Ils restent, ils partent, ils reviennent, suivant leur bon plaisir. Le soir, ils vont se coucher. Par suite de ces allées et venues continuelles, on voit le nombre des citoyens présents varier rapidement, du tiers, de moitié, quelquefois des trois quarts. Personne ne peut compter sur personne. De là défiance du succès et découragement. De ce qui se passe ailleurs on ne sait rien et on ne s'embarrasse pas davantage. Les canards circulent, tantôt noirs, tantôt roses. On écoute paisiblement le canon et la fusillade, en buvant sur le comptoir du marchand de vins. Quant à porter secours aux positions assaillies, on n'en a pas même l'idée. « Que chacun défende son poste, et tout ira bien », disent les plus solides. Ce singulier raisonnement tient à ce que la plupart des insurgés se battent dans leur propre quartier, faute capitale qui a des conséquences désastreuses, notamment les dénonciations des voisins, après la défaite. Car, avec un pareil système, la défaite ne peut manquer. Elle arrive à la fin dans la personne de deux ou trois régiments qui tombent sur la barricade et en écrasent les quelques défenseurs. Toute la bataille n'est que la répétition monotone de cette manoeuvre invariable. Tandis que les insurgés fument leur pipe derrière les tas de pavés, l'ennemi porte successivement toutes ses forces sur un point, puis sur un second, un troisième, un quatrième, et il extermine ainsi en détail l'insurrection. Le populaire n'a garde de contrarier cette commode besogne. Chaque groupe attend philosophiquement son tour et ne s'aviserait pas de courir à l'aide du voisin en danger. Non « il défend son poste, il ne peut pas abandonner son poste. » Et voilà comme on périt par l'absurde ! Lorsque, grâce à une si lourde faute, la grande révolte Parisienne de 1848 a été brisée comme verre par le plus pitoyable des gouvernements, quelle catastrophe n'aurait-on pas à redouter, si on recommençait la même sottise devant un militarisme farouche, qui a maintenant à son service les récentes conquêtes de la science et de l'art, les chemins de fer, le télégraphe électrique, les canons rayés, le fusil Chassepot ? Par exemple, ce qu'il ne faut pas compter comme un des nouveaux avantages de l'ennemi, ce sont les voies stratégiques qui sillonnent maintenant la ville dans tous les sens. On les craint, on a tort. Il n'y a pas à s'en inquiéter. Loin d'avoir créé un danger de plus à l'insurrection, comme on se l'imagine, elles offrent au contraire un mélange d'inconvénients et d'avantages pour les deux partis. Si la troupe y circule avec plus d'aisance, par contre elle y est exposée fort à découvert. De telles rues sont impraticables sous la fusillade. En outre, les balcons, bastions en Page 3 sur 29 Instructions pour une prise d'armes par Auguste Blanqui miniature, fournissent des feux de flanc que ne comportent point les fenêtres ordinaires. Enfin, ces longues avenues en ligne droite méritent parfaitement le nom de boulevards qu'on leur a donné. Ce sont en effet de véritables boulevards qui constituent des fronts naturels d'une très grande force. L'arme par excellence dans la guerre des rues, c'est le fusil. Le canon fait plus de bruit que de besogne. L'artillerie ne pourrait agir sérieusement que par l'incendie. Mais une telle atrocité, employée en grand et comme système, tournerait bientôt contre ses auteurs et ferait leur perte. La grenade, qu'on a pris la mauvaise habitude d'appeler bombe, est un moyen secondaire, sujet d'ailleurs à une foule d'inconvénients; elle consomme beaucoup de poudre pour peu d'effet, est d'un maniement très dangereux, n'a aucune portée et ne peut agir que des fenêtres. Les pavés font presque autant de mal et ne coûtent pas si cher. Les ouvriers n'ont pas d'argent à perdre. Pour l'intérieur des maisons, le revolver et l'arme blanche, baïonnette, épée, sabre et poignard. Dans un abordage la pique ou la pertuisane de huit pieds triompherait de la baïonnette. L'armée n'a sur le peuple que deux grands avantages, le fusil Chassepot et l'organisation. Ce dernier surtout est immense, irrésistible. Heureusement on peut le lui ôter, et dans ce cas, l'ascendant passe du côté de l'insurrection. Dans les luttes civiles, les soldats sauf de rares exceptions, ne marchent qu'avec répugnance, par contrainte et par eau-de-vie. Ils voudraient bien être ailleurs et regardent plus volontiers derrière que devant eux. Mais une main de fer les retient esclaves et victimes d'une discipline impitoyable ; sans affection pour le pouvoir, ils n'obéissent qu'à la crainte et sont incapables de la moindre initiative. Un détachement coupé est un détachement perdu. Les chefs ne l'ignorent pas, s'inquiètent avant tout de maintenir les communications entre tous leurs corps. Cette nécessité annule une uploads/Management/ louis-auguste-blanqui-instructions-pour-une-prise-d-arme.pdf

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  • Publié le Jan 17, 2021
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