11 MANAGERIS n° 35 février 96 Wellsprings of Knowledge Building and Sustaining
11 MANAGERIS n° 35 février 96 Wellsprings of Knowledge Building and Sustaining the Sources of Innovation Dorothy Leonard-Barton D ans un environnement tech- nologique et concurrentiel mouvant, l’innovation constitue un avantage concurrentiel clé. Mais faire progres- ser constamment la technologie de l’entreprise demeure un exercice dif- ficile. • Sur quoi repose la performance technologique de l’entreprise ? • Quels mécanismes peuvent favo- riser l’amélioration permanente des capacités technologiques de l’entreprise ? I I I MANAGERIS S y n t h è s e Sommaire 1. Les capacités critiques page 12 2. Quatre activités sources d’innovation page 13 Dorothy Leonard-Barton est Professor of Business Administration à Harvard Busi- ness School. Éditions Harvard Business School Press, 1995, 334 pages. Ouvrage sélectionné par : Raymond-Alain Thiétart, Professeur des Universités. T H È M E S T R A I T É S P A R L ' O U V R A G E Stratégie Marketing Conception et Production Hommes et Organisation Finance et Contrôle Les sources du savoir 1. Les capacités critiques Il est essentiel de veiller à faire évoluer les capacités technologiques de l’entreprise. En effet, l’environ- nement et la technologie évoluent constamment. Les capacités tech- nologiques qui permettent à l’entre- prise d’être performante aujourd’hui seront obsolètes demain. NCR est depuis 1916 une entreprise de premier ordre dans le secteur des caisses enre- gistreuses. Jusque dans les années 60, une grande part de son succès a reposé sur la maîtrise des technolo- gies mécaniques et électroméca- niques. A partir de cette date, cependant, les caisses enregistreuses sont progressivement devenues de véritables ordinateurs. La maîtrise de l’informatique et la capacité d’inté- grer les caisses enregistreuses au sys- tème informatique du client sont alors devenues des facteurs clés de succès. NCR a dû acquérir ces nou- velles capacités afin de préserver sa place sur le marché et de résister à l’offensive de Burroughs et d’IBM. L La technologie: un système complexe Piloter l’évolution des capacités technologiques de l’entreprise est un défi majeur. Car cela ne se résume pas à lancer un programme de recherche ou à changer l’outillage d’un atelier. Pour rester à la pointe de la techno- logie, un brevet ou une machine ne suffisent pas. Il faut aussi pouvoir s’appuyer sur les compétences des hommes et les pratiques de mana- gement. La notion de capacité tech- nologique est ainsi un système complexe qui allie quatre dimen- sions (figure A) : - le savoir-faire du personnel ; - le savoir incarné dans les sys- tèmes physiques ; - les systèmes de management qui encouragent la création de savoir ; - les valeurs de l’organisation qui orientent et canalisent la créa- tion de savoir. A titre d’exemple, une des capa- cités technologiques critiques de Chaparral Steel est sa compétence à couler des blocs d’acier de forme et de surface presque parfaites. Cette capacité repose sur les quatre com- posantes identifiées ci-dessus : - Le savoir-faire unique de certains employés de l’entreprise. Certains ont en effet acquis une expé- rience inégalée en matière de conception de moules. - L’incarnation du savoir dans des systèmes physiques propres à l’entreprise. C’est le cas des moules et du système de coulée de Chaparral qui sont uniques au monde et qui ont été protégés par des brevets. - Un système de management qui encourage l’innovation et la création de savoir. En particulier en refusant de sanctionner les individus lorsqu’une innovation échoue. Ce qui encourage l’expé- rimentation à tous les niveaux. C’est ainsi que des ouvriers ont mis au point par eux-mêmes des moules plus performants ou un nouveau système de coulée. - Des valeurs d’entreprise telles que le respect de l’individu, la tolérance de l’échec et l’ouvertu- re aux influences extérieures. Chaque employé est responsa- bilisé, encouragé à entreprendre et incité à remettre en cause ses pratiques. Un tel climat favorise grandement l’expérimentation et l’amélioration de la performance opérationnelle. Ces quatre éléments sont étroi- tement liés : des outillages sophisti- qués ne peuvent être utilisés et améliorés que par un personnel qua- lifié ; les améliorations d’outillage et de savoir-faire reposent en grande par- tie sur le système de management et les valeurs de l’entreprise ; etc. L Une évolution difficile à piloter Pour faire évoluer les capacités technologiques de l’organisation, il est nécessaire d’agir simultanément sur les quatre dimensions. Cela n’est pas une opération aisée. Comme le montre l’exemple qui suit. A la fin des années 60, après avoir longtemps refusé de se remettre en cause, NCR a dû finalement évo- luer vers les technologies de l’infor- mation. Cette évolution s’est heurtée 12 Wellsprings of Knowledge MANAGERIS n° 35 février 96 Figure A : Les 4 dimensions d’une capacité technologique critique AAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAA AAAAAA AAAAAA AAAAAA AAAAAA AAAAAA Valeurs Systèmes de Management Savoir-faire du Personnel Systèmes Physiques 13 Wellsprings of Knowledge MANAGERIS n° 35 février 96 à des difficultés dans les quatre dimen- sions : - Savoir-faire. Malgré d’importants investisse- ments, NCR a longtemps manqué de personnel qualifié en technologies de l’information. Cette carence l’a for- tement handicapée : Century, sa première série de machines, présen- tait de nombreux défauts techniques tels que le manque de fiabilité des mémoires ou la fragilité des têtes de lecture de disques durs. De même, l’entreprise a eu des difficultés à construire une compétence logiciels. - Systèmes physiques. Des outillages dédiés à l’électro- mécanique et une autarcie techno- logique complète des usines ont constitué un frein important à l’évo- lution de la technologie chez NCR. En 1972, l’usine reflète encore la philosophie des fondateurs en 1884 : l’intégration verticale. L’usine pro- duit tous les composants de ses pro- duits, depuis les vis jusqu’aux touches en plastique des claviers. Un inven- taire daté de 1969 recense plus de 30 000 références en stock (dont 2 700 types de ressorts), 8 000 machines de production et 390 000 outils. Après une visite du site, un vice président du concurrent Burroughs a fait le rapport suivant à son président : “Cessez de vous inquiéter à propos de NCR, ils continuent d’investir dans l’électromécanique.” - Systèmes de management. Le système de rémunération commerciale s’est révélé être un obs- tacle important à l’évolution du grou- pe vers l’informatique. D’une part, les responsables com- merciaux n’étaient intéressés qu’au chiffre d’affaires annuel de leur équi- pe. Ils ont donc privilégié les produits susceptibles de générer des ventes à court terme. Et ont négligé de réali- ser les importants efforts commerciaux nécessaires pour s’implanter sur la nouvelle technologie. D’autre part, par peur de désta- biliser son marché traditionnel, la direction de NCR a fixé l’intéresse- ment des vendeurs à un niveau moindre pour les caisses électro- niques que pour les caisses tradi- tionnelles Ces mécanismes ont retardé l’introduction de NCR sur le nouveau marché. - Valeurs. Les valeurs traditionnelles de l’entreprise ont aussi freiné la transi- tion vers l’informatique. NCR avait traditionnellement privilégié la vente de petites machines indépendantes sur la vente de sys- tèmes plus importants. Le président préférait vendre “1 million de Che- vrolets plutôt que 100 000 Cadillac”. Les vendeurs étaient donc mal à l’aise avec les notions de système et d’inté- gration, indissociables de la nouvel- le technologie. Ils évitaient donc de proposer les nouveaux produits et ont ainsi retardé le repositionnement de NCR. Le bureau d’études a eu également du mal à faire évoluer ses points de vue. Il a par exemple pendant des années voulu conserver un clavier traditionnel. Au lieu de proposer le clavier à dix touches que deman- daient les clients. Ce qui a constitué un handicap pour toute la nouvelle génération de produits. Piloter l’évolution technologique de l’entreprise suppose donc d’agir sur l’ensemble des quatre dimensions. 2. Quatre activités sources d’innovation L’étude de nombreux cas d’entre- prises a permis d’identifier quatre activités qui encouragent l’évolution des capacités technologiques de l’entreprise (Figure B). A savoir : - favoriser la résolution de pro- blèmes en équipe ; - concevoir de nouveaux outils en impliquant les utilisateurs ; - multiplier les expérimentations ; - importer du savoir externe à l’entreprise L Favoriser la résolution de problèmes en équipe La diversité des personnalités et des expériences des employés est un facteur d’innovation essentiel pour l’organisation. Une tâche essentiel- le du manager est donc de combiner les divers savoir des individus. En Figure B : 4 activités sources d’innovation technologique Favoriser la résolution de problèmes en équipe Multiplier les expérimentations Importer du savoir externe Concevoir de nouveaux outils CAPACITÉS CRITIQUES faisant en sorte que les conflits entre personnalités et entre méthodes de travail soient constructifs et débou- chent ainsi sur des innovations. Il doit favoriser une abrasion créati- ve entre individus et groupes d’expé- riences variées. Ce phénomène d’abrasion créa- tive ne se produit pas spontanément. Il doit être organisé. Voici plusieurs conseils qui pourront aider le mana- ger dans cette tâche. RECOURIR À DES FÉDÉRATEURS Pour favoriser le phénomène d’abrasion créative, l’organisation doit se doter de managers capables de faire la synthèse de multiples savoir-faire. Et capables de résoudre les conflits inhérents à toute confron- uploads/Management/ man-35b-wellsprings-of-knowledge.pdf
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- Publié le Jan 18, 2022
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