PETITE HISTOIRE DES THÉORIES DU MANAGEMENT Par Fabien De Geuser – Illustrations

PETITE HISTOIRE DES THÉORIES DU MANAGEMENT Par Fabien De Geuser – Illustrations de Flying Rogers PETITE HISTOIRE DU MANAGEMENT EN QUATRE TEMPS Par Fabien DE GEUSER, ESCP Europe Le management, en tant que discipline, est encore bien jeune par rapport à d’autres corps académiques comme les mathématiques, la médecine ou la philosophie, et les historiens commencent à peine à analyser son parcours. Il n’existe donc pas de structure communément acceptée pour raconter cette histoire. Nous avons choisi de l’organiser en quatre temps, suivant ainsi la préconisation de l’historien Daniel Wren (2004), mais en adaptant les trois derniers moments des travaux de Kiechel (2012). On abordera le temps pré-managérial, puis l’épisode fondateur du management scientifique, ensuite l’apogée du managérialisme, et enfin l’époque actuelle qui est un moment de remise en question. Fabien DE GEUSER Fabien De Geuser est Professeur Associé au sein du département Contrôle et Pilotage des Organisations du campus Paris d’ESCP Europe. Il est titulaire d’un Doctorat ès Sciences de gestion obtenu en 2006 à HEC Paris sur le sujet « Travail du manager et ergonomie des instruments de gestion ». Il est en outre diplômé de HEC Paris, d’un DEA de sociologie de l’université Paris IX Dauphine et d’un DESS d’ergonomie de l’Université Paris I La Sorbonne. Le patron de droit divin, un modèle qui a fait son temps… On n’a jamais autant publié de livres sur le management qu’aujourd’hui. Pourtant on s’aperçoit que des théories et des modèles décrits il y a presque un siècle font encore largement autorité dans les entreprises. Anatole France disait « En histoire, il faut se résoudre à beaucoup ignorer ». En management aussi ! Mais la remise en cause des modèles de direction d’entreprise et de gestion des hommes dans un monde en plein bouleversement impose d’avoir les idées claires. Et vous, voici combien de temps que vous n’avez pas ouvert les ouvrages clés de Taylor, Porter, Drucker ou Max Weber ? Vous souvenez-vous encore des apports de Mc Gregor, Simon, March ou Beck ? Et ces livres de management tous neufs qui trônent dans votre bibliothèque, avez-vous eu le loisir de les parcourir en profondeur ? Nous non plus ! Prisonniers du quotidien et passionnés d’actualité, nous n’avions pas révisé depuis longtemps les fondamentaux du management et avions peine à nous y référer. Alors nous avons demandé à Fabien De Geuser, un enseignant-chercheur de talent qui exerce notamment à ESCP Europe, de nous préparer cette petite histoire des théories du management. Le dessinateur Flying Rogers y apporte sa plume originale et acérée. Bonne lecture ! PRÉAMBULE SOMMAIRE 4  L’ère pré-managériale : l’apparition du manager et les nouvelles bases de sa légitimité 6  L’ère de l’exactitude scientifique et de l’élitisme managérial 8  L’apogée du managérialisme et du management comme système 12  La crise du management 10 Bibliographie 4 PETITE HISTOIRE DES THÉORIES DU MANAGEMENT Dater l’origine du management semble impossible. On trouve des codes de gestion extrêmement anciens. Un des plus célèbres est celui d’Amourabi (1800 av. J.-C.) ou encore l’Economique de Xenophon (362 av. J.-C.). Sun Tsu (500 av. J.-C.), Machiavel (XVIème), ou Adam Smith et sa fabrique d’aiguilles sont également souvent cités en arrière- plan historique. Cependant, nombreux sont les historiens du management qui mettent en lumière le rôle central de Max Weber et de Henri Fayol dans la fondation des sciences de gestion. LA LÉGITIMITÉ DE L’ORDRE COMME OBJET DE MANAGEMENT : MAX WEBER Max Weber (1864-1920), sociologue allemand connu notamment pour son livre « L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme », s’est intéressé en particulier à ce qui rend acceptable un ordre de la part d’une personne envers d’autres. Il en tire une structure théorique pour la notion de commandement en distinguant trois sources à la légitimité d’un ordre : la tradition, le charisme et, ce qu’il appelle le rationnel-légal, c’est-à-dire le fait que cet ordre s’appuie sur un raisonnement explicite et une référence à des règles, voire des lois. Cette légitimité rationnelle-légale, prônée par Weber, fonde l’organisation dite bureaucratique qui constituera alors l’idéal type à viser pour garantir l’efficacité, selon Weber. Ce faisant, Weber inscrit le management à la rencontre entre l’analyse rationnelle et la construction de règles. L’APPARITION DU MANAGER : HENRI FAYOL Henri Fayol (1841-1925), lui, va se concentrer sur le dirigeant et sur la structure des entreprises. Il est une des rares références françaises dans l’histoire du management, ce qui a d’ailleurs ralenti sa diffusion dans un monde majoritairement anglo- américain. Pourtant son apport est essentiel. En effet, Fayol, s’appuyant sur son expérience de dirigeant d’un groupe d’entreprises minières, publie en 1916 L’administration industrielle et générale. Dans ce livre, il expose la spécificité du rôle du manager (qu’il appelle administrateur) par différence avec les autres fonctions de l’entreprise (production, commerciale,…). Puis Fayol suggère que ce rôle d’administrateur se décompose en 5 dimensions : Prévoir, Organiser, Commander, Coordonner et Contrôler. C’est le célèbre POCCC, qui sera continuellement repris par la suite pour caractériser le travail du manager. Fayol complète l’apport de Weber en mettant en lumière le rôle spécifique du manager, et justifie alors la nécessité de lui apporter des méthodes et des outils spécifiques. C’est la tâche à laquelle vont s’atteler les tenants du management scientifique. LES 10 PRINCIPES DU FONCTIONNEMENT BUREAUCRATIQUE SELON MAX WEBER : POCCC : LES ÉLÉMENTS D’ADMINISTRATION SELON FAYOL PRÉVOIR Imaginer l’avenir et le préparer par un « programme d’actions » ORGANISER Munir l’entreprise de tout ce qui est utile à son fonctionnement COMMANDER Faire fonctionner le corps social COORDONNER Mettre l’harmonie entre tous les actes de l’entreprise CONTRÔLER Vérifier que tout se passe conformément au programme d’actions, aux ordres donnés et aux principes admis. Signaler les fautes et les erreurs afin qu’on puisse les réparer et éviter leur répétition 1 L’ÈRE PRÉ-MANAGÉRIALE : L’APPARITION DU MANAGER ET LES NOUVELLES BASES DE SA LÉGITIMITÉ Les individus sont soumis à une autorité uniquement dans le cadre de leurs obligations impersonnelles officielles 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Les individus sont répartis dans une hiérarchie d’emplois clairement définie Chaque emploi a une sphère de compétences clairement définie L’emploi est occupé sur la base d’un contrat Le recrutement se fait sur la base des compétences (diplômes et/ou expérience) La rémunération est fixe, en fonction du grade hiérarchique L’emploi est la seule occupation du titulaire Logique de carrière : la promotion dépend de l’ancienneté et de l’appréciation des supérieurs hiérarchiques Les individus ne sont pas propriétaires de leur outil de production Les individus sont soumis à un contrôle strict et systématique dans leur travail 6 PETITE HISTOIRE DES THÉORIES DU MANAGEMENT TAYLOR ET LE MANAGEMENT SCIENTIFIQUE Le management « scientifique », par opposition à une sorte d’amateurisme qui aurait caractérisé l’ère prémanageriale, vise avant tout à augmenter la productivité à travers une étude systématique des pratiques, et grâce à l’application de démarches rigoureuses ou « scientifiques ». Frederick Taylor (1856-1915) en est le représentant le plus connu, grâce en particulier à des livres comme les Principes du Management Scientifique (1911). L’objectif est de trouver, puis d’imposer, la meilleure manière de travailler (« one best way »). Taylor et ses disciples (parmi lesquels les époux Gilbreth, Henry L.Gantt et ses célèbres diagrammes permettant de suivre l’avancée des projets,…) vont pour cela s’appuyer sur la décomposition des actions en unités de base, et chercher à en optimiser les conditions de réalisation tout en proposant les systèmes incitatifs les plus adaptés. La productivité sera alors fonction de la « scientificisation » des analyses managériales. Taylor est souvent considéré comme le fondateur de toutes les démarches managériales, et la plupart des outils et des pratiques actuelles se réfèrent encore à lui, souvent pour s’en distancer. 2 L’ÈRE DE L’EXACTITUDE SCIENTIFIQUE ET DE L’ÉLITISME MANAGÉRIAL Le management, ça se modèlise ! Faire la lumière sur la productivité L’ÉCOLE DES RELATIONS HUMAINES : MOTIVATION ET RECONNAISSANCE AU SERVICE DE LA PRODUCTIVITÉ TAYLORIENNE L’approche taylorienne, par sa perspective « scientifique » et objectivante, avait eu tendance à négliger les dimensions psychologiques de la motivation au travail, réduisant souvent celle-ci au simple jeu de la carotte et du bâton. Les expériences dites Hawthorne, réalisées par des chercheurs de Harvard entre 1924 et 1932 dans une usine de Western Electric et continuées par les travaux de Elton Mayo vont réintroduire cette dimension dans les sources de productivité. Durant ces expériences, les chercheurs ont modifié les conditions de travail (la luminosité en particulier) et les systèmes incitatifs des ouvrières pour observer l’impact sur la productivité (Roethlisberger et Dickson, 1939). Curieusement, cette productivité augmentait même quand la luminosité se dégradait. Et elle s’améliorait même chez les ouvrières qui ne faisaient pas partie de l’expérience. Les raisons en étaient que les ouvrières étudiées s’étaient senties valorisées par le fait d’être observées, écoutées et consultées par des chercheurs. En outre, elles avaient été souvent rassemblées par ces derniers et avaient alors constitué un collectif. Tout cela avait stimulé leur motivation et renforcé leur productivité. Ces expériences ont ouvert la voie aux pratiques de reconnaissance des individus au travail uploads/Management/ petite-histoires-des-theorie-du-management.pdf

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  • Publié le Oct 18, 2022
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