Depuis son indépendance, le Maroc a accordé une grande importance à la question
Depuis son indépendance, le Maroc a accordé une grande importance à la question de l’eau en la plaçant au centre du développement économique et social du pays. Les premiers jalons d’une réelle politique hydraulique furent lancés au lendemain du fameux discours du Feu Sa Majesté le Roi Hassan II en 1967 lorsqu’il a fixé à la nation l’objectif du million d’hectares irrigués à l’horizon 2000. La mise en œuvre de cette politique s’est traduite au fil des décennies suivantes par de nombreux et vastes chantiers hydrauliques et hydro-agricoles. L’importance d’une telle politique a été soulignée à chaque occasion et au fil des réalisations cumulées. Aujourd’hui, les réalisations sont importantes: 117 barrages; près de 1,5 million d’hectares de terres irriguées dont plus de 1 million aménagé par l’Etat; près de 100% d’accès à l’eau potable en milieu urbain et plus de 75% en milieu rural, production de l’énergie hydroélectrique à hauteur de 17% de la production totale, protection contre les inondations, etc.. Sans doute, ces réalisations représentent aujourd’hui l’une des grandes réussites du Maroc contemporain. Il est vrai que la politique de l’eau au Maroc s’est inscrite dans une perspective évolutive et a été plus ou moins adaptée aux exigences naturelles, économiques et sociales qui n’ont cessé d’évoluer et de poser des défis de taille pour le secteur de l’eau en termes de valorisation, de compétitivité, de qualité, de préservation et d’environnement. Cette évolution a été couronnée en 1995 par la promulgation de la loi 10-95 sur l’eau qui assoit les bases et délimite le cadre d’une vraie gestion intégrée des ressources en eau du pays. Cependant, et au vu de la réalité de l’évolution de la politique de l’eau au Maroc et de sa mise en œuvre, les questions suivantes se posent : - Jusqu’à quel point la mise en œuvre de la politique de l’eau au Maroc a permis de mettre en place une vraie gestion intégrée des ressources en eau ? - Quels sont les contraintes rencontrées ? - Quelles sont les implications sur l’économie d’eau? Pour répondre à ces questions, il est d’abord nécessaire de mettre la lumière sur l’évolution de la politique de l’eau au Maroc. Depuis les années 1960, cette politique a été essentiellement basée sur la construction des barrages réservoirs ainsi que la réalisation des aménagements à l’aval (aménagements hydro-agricoles, AEP, etc.) pour satisfaire les besoins en eau des différents secteurs usagers, notamment l’agriculture et l’eau potable. En plus, elle concernait la mobilisation des ressources en eau souterraines et les transferts d’eau interbassins. Il s’agit là d’une politique largement basée sur la gestion de l’offre. La mise en œuvre de cette politique a été évidemment opérée dans un cadre juridique et institutionnel régissant le développement et la gestion des ressources en eau et des infrastructures hydrauliques. Ce cadre n’a cessé d’évoluer tenant compte de l’évolution du contexte climatique, économique et social. Il faut reconnaître que pendant longtemps, le secteur de l’eau a été dominé dans une large mesure par une gestion verticale où l’Etat s’accapare l’essentiel de prise de décision en matière de planification, de réalisation et de gestion. En fait, le souci principal de l’Etat était de mobiliser le maximum de ressources en eau et de réaliser l’infrastructure nécessaire pour valoriser ces ressources et favoriser un développement économique et social soutenu, et ce dans le cadre de programmes sectoriels dirigistes largement dictés par le contexte politique, économique et social tant à l’échelle nationale qu’internationale. A partir des années 1980, l’évolution progressivement défavorable des conditions climatiques en termes de diminution des précipitations, et la mise en œuvre du plan d’ajustement structurel annonçant le début du désengagement de l’Etat de sa politique interventionniste et dirigiste dans les secteurs sociaux et économiques, ont induit un certain changement dans la gestion des ressources en eau en ouvrant la voie à la concertation et l’implication des autres acteurs, en particulier les usagers, pour une meilleure utilisation et gestion de ces ressources. Ceci s’est traduit notamment par la création du Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat en 1981 et l’établissement des plans directeurs de développement des ressources en eau des bassins hydrauliques pour une planification meilleure et concertée. L’évolution des contextes naturel, économique et social ont permis de considérer dans la politique de l’eau d’autres aspects d’une importance grandissante tels que la maîtrise des phénomènes climatiques extrêmes (sécheresse, inondations) et la préservation des ressources en eau contre la pollution. 77 Revue HTE N°140 • Septembre 2008 LA GESTION INTEGREE EN EAU AU MAROC: RESSOURCES, CONTRAINTES ET IMPLICATIONS SUR L’ECONOMIE D’EAU El M. Arrifi1 1. EVOLUTION DE LA POLITIQUE DE L’EAU AU MAROC 1. Ingénieur Principal du Génie Rural de l’Administration du Génie Rural Art. 13 Arrifi (140)* 23/03/09 15:44 Page 77 Cette évolution est telle que les ressources en eau connaissent une raréfaction alarmante à cause des épisodes de sécheresse devenus fréquents, la demande en eau ne cesse de croître suite à l’accroissement démographique et au développement socio-économique du pays, la qualité des ressources en eau devient inquiétante à cause de la pollution, etc… il était donc temps d’agir pour relever tous ces défis de taille. C’est ainsi qu’en 1995, la loi 10-95 sur l’eau a été promulguée, loi qui intègre tous les textes juridiques sur l’eau qui existaient auparavant, et donne les instruments légaux et institutionnels d’une politique de l’eau basée sur la gestion de la demande et la préservation et la protection des ressources en eau, et ce par le biais d’une véritable gestion intégrée des ressources en eau. La loi 10-95 sur l’eau constitue la base légale de la politique de l’eau du pays. Elle prône une planification, une mobilisation et une gestion des ressources en eau basées sur une large concertation entre tous les intervenants dans le secteur de l’eau. Ainsi, cette loi se fixe les objectifs suivants : - Une planification cohérente et souple de l’utilisation des ressources en eau, tant à l’échelon du bassin hydraulique qu’à l’échelon national ; - Une mobilisation optimale et une gestion rationnelle de toutes les ressources en eau, en tenant compte des ordres de priorité fixés par le plan national de l’eau ; - une gestion des ressources en eau dans le cadre d’une unité géographique, le bassin hydraulique, qui constitue une innovation importante permettant de concevoir et de mettre en œuvre une gestion décentralisée de l’eau. - une protection et une conservation quantitative et qualitative du domaine public hydraulique dans son ensemble ; - une administration adéquate de l'eau permettant d’aider à la conception de l'utilisation et au contrôle des opérations citées ci-dessus, en associant les pouvoirs publics et les usagers à toute prise de décision relative à l'eau. Elle vise en outre la valorisation des ressources en eau et la rentabilisation des investissements y afférents tout en prenant en considération les intérêts économiques et sociaux des populations par la sauvegarde des droits d’eau acquis. Pour atteindre ces objectifs et renforcer le cadre institutionnel existant en matière de gestion de l’eau, la loi sur l’eau a créé des Agences de Bassins pour évaluer, planifier et gérer les ressources en eau au niveau des bassins hydrauliques. La loi sur l’eau sous-tend un cadre institutionnel basé sur le principe de la concertation et de la responsabilisation, un cadre qui promeut la gestion intégrée des ressources en eau. Dans sa configuration, ce cadre révèle un triptyque institutionnel composé : (i) du Conseil Supérieur de l'Eau et du Climat où sont représentés tous les intervenants dans le secteur de l’eau (le Gouvernement, les agences de bassins, les établissements publics -ORMVA, ONEP, ONE-, les établissements d’enseignement supérieur et de la recherche scientifique exerçant dans le domaine de l’eau, les collectivités locales, les régies de distribution, les sociétés délégataires, les associations d’usagers, les associations professionnelles et scientifiques, etc..) ; (ii) des Agences de Bassins Hydrauliques qui ont, en plus de leurs missions légales d’évaluation, de planification, de gestion et de protection des ressources en eau, un rôle fédérateur de tous les acteurs de la gestion de l’eau à l’échelle du bassin ; (iii) des Commissions Préfectorales/Provinciales de l’Eau qui constituent un cadre de concertation local qui regroupe, outre les collectivités locales, les services provinciaux de l'Etat et les associations socio-professionnelles. A cette configuration s’ajoute la Commission Interministérielle de l’Eau instituée suite aux recommandations à la 9ème session du Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat en 2001. L’un des produits majeurs de ce cadre institutionnel en matière de planification des ressources en eau réside dans les Plans Directeurs d’Aménagement Intégré des Ressources en Eau (PDAIRE) des bassins hydrauliques (Loukkos, Sebou, Moulouya, Bouregreg, Oum Rbiâ, Tensift, Souss-Massa, Sud Atlas et Régions sahariennes). Ces PDAIRE, dont la réalisation est coordonnée par les agences de bassins, définissent sur la base d’une évaluation des ressources en eau et des besoins relatifs aux différents usages: eau potable et industrielle, irrigation, etc., les ouvrages de mobilisation et d’exploitation des ressources mobilisables à différents horizons. Ils abordent en outre d’autres questions telles que la qualité des ressources en eau, le problème de pollution de l’eau, le problème des inondations, uploads/Management/ revue-hte-n0140-septembre-2008.pdf
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- Publié le Jul 07, 2021
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