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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/306913806 Les Rhétoriques de la conspiration Book · January 2010 CITATIONS 7 READS 717 2 authors: Some of the authors of this publication are also working on these related projects: Communication et discours politiques View project Repenser l'incertitude : sens du précaire, sens rhétorique View project Loïc Nicolas Institut des Hautes Études des Communications Sociales 55 PUBLICATIONS 60 CITATIONS SEE PROFILE Emmanuelle Danblon Université Libre de Bruxelles 33 PUBLICATIONS 53 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Loïc Nicolas on 26 August 2016. The user has requested enhancement of the downloaded file. Les rhétoriques de la conspiration Sous la direction d’Emmanuelle Danblon et Loïc Nicolas Les rhétoriques de la conspiration CNRS ÉDITIONS 15, rue Malebranche - 75005 PARIS © CNRS éDITIONS, Paris 2010 ISBN : 978-2-271-06999-3 Cet ouvrage a été publié avec le concours de la Fondation Perelman. Nous tenons à présenter nos plus sincères remerciements au Professeur Jean-Philippe Schreiber. Qu’il trouve ici le témoignage de notre chaleureuse gratitude pour son appui scientifique et sa précieuse collaboration dans la genèse conceptuelle de ce projet. Les contributions rassemblées à l’occasion de cette publication sont issues du Séminaire interdisciplinaire en rhétorique et argumentation qui s’est tenu à l’Université Libre Bruxelles en 2008-2009 sous la direction conjointe d’Emmanuelle Danblon du Groupe de recherche en Rhétorique et en Argumentation Linguistique (GRAL) et de Jean- Philippe Schreiber du Centre Interdisciplinaire d’Étude des Religions et de la Laïcité (CIERL). Sommaire Introduction – Modernité et « théories du complot » : un défi épistémologique.................................................11 Emmanuelle Danblon et Loïc Nicolas i – Genèse, paradoxes et stratégies du conspirationnisme La pensée conspiratoire. Une histoire dialectique et rhéto- rique ?.............................................................................27 Marc angenot Historiciser l’imaginaire du complot. Note sur un pro- blème d’interprétation . ..................................................45 Paul Zawadzki Les « théories du complot » ou la mauvaise conscience de la pensée moderne . ........................................................59 Emmanuelle Danblon Rhétorique du complot : la persuasion à l’épreuve d’elle- même. Itinéraire d’une pensée fermée . .........................75 Loïc Nicolas La notion de « théories du complot ». Plaidoyer pour une méthodologie empirique ...............................................99 Evgenia Paparouni Les sources cognitives de la théorie du complot. La cau- salité et les « faits » ....................................................121 Marc Dominicy Lorsque la cognition sociale devient paranoïde ou les aléas du scepticisme face aux théories du complot ....135 Olivier Klein et Nicolas Van der Linden ii – La dénonciation de complot hier et aujourd’hui Jean-Baptiste Louvet et l’obsession du complot aristocra- tique . ............................................................................ 157 Valérie André Satan : l’esprit du complot ? Du théologique au politique dans l’encyclique Humanum Genus (1884).. ...............175 Jean-Philippe Schreiber Pensée du complot et imaginaire judéophobe chez Édouard Drumont ......................................................................199 Cédric Passard L’irrésistible rhétorique de la conspiration : le cas de l’imposture de la Lune ................................................221 Thierry Herman Face au complot, une guerre des saintes ? Analyse d’un ethos jihadiste . .............................................................241 Evelyne Guzy-Burgman Les théories du complot en Chine de la fin de l’empire à la Révolution culturelle : ruptures et continuités ........257 Françoise Lauwaert iii – Une pensée globale de la conspiration : mythes et modernité La pensée conspirationniste. Origines et nouveaux champs. ......................................................................... 281 Pierre-André Taguieff Bibliographie.....................................................................324 Les auteurs. ........................................................................350 Introduction Modernité et « théories du complot » : un défi épistémologique Emmanuelle Danblon et Loïc Nicolas Pendant des millénaires, l’homme a été un chasseur. Au cours de ses innombrables chasses, il a appris à reconstituer les formes et les déplacements de proies invisibles à partir d’empreintes laissées dans la boue, de branches cassées, d’excréments, de touffes de poils, de plumes arrachées, d’odeurs confinées. Il a appris à sentir, à enregistrer, à interpréter et à classer des traces infinitésimales comme les filets de bave. Il a appris à effectuer des opérations mentales complexes avec une rapidité fulgurante dans l’épaisseur d’un fourré ou dans une clairière remplie d’embûches. Carlo Ginzburg Alors même que les fantasmes conspirationnistes ne sont pas nés de notre modernité historique, tant s’en faut, force est de constater que l’entrée dans la modernité a renouvelé de façon remarquable la pré- gnance des « théories du complot » sur notre appréhension du monde. Peut-être devrait-on d’ailleurs parler à leur sujet d’explications par le complot plus que de théories, afin de rendre compte de la fonction cognitive qu’elles revêtent dans la bouche de ceux qui les produisent et les diffusent, lesquels ne sauraient identifier comme théorique ce qu’ils perçoivent, le plus souvent, comme une stricte et objective description du monde. Il n’en demeure pas moins que la modernité a ouvert, malgré elle, un véritable âge d’or à ces constructions intellectuelles tout à la fois simples et complexes visant la mise en récit d’éléments éparpillés du réel à des fins d’interprétation. La modernité leur a donné les moyens de renforcer leur puissance persuasive, ou du moins de l’adapter aux nouvelles exigences de l’esprit humain, en se présentant comme des modèles prodigieusement rigoureux de pensée critique. Les « théories du complot » sont devenues un moyen d’exercer sa liberté de critiquer, tout en la détournant de sa fonction initiale et de son esprit. Elles manifestent donc un angle mort de la modernité, à savoir l’absolutisation de cette liberté même, en ce qu’elles cherchent à se soustraire au regard de la critique ou à en réviser les contraintes à leur profit. Le fait d’incriminer les thèses officielles dispenserait in fine de fournir des raisons et des justifications quant au sens produit rétrospec- tivement par l’explication conspirationniste. En se dérobant de la sorte à l’autorité de cette critique dont elles revendiquent l’usage exemplaire, les « théories du complot » en sont venues à faire reconnaître et plus encore à accréditer leur immunité face au doute. C’est à ce titre qu’on peut voir à l’œuvre dans le processus d’immunisation de leurs récits explicatifs, l’expression tyrannique d’une liberté de l’esprit présentée comme irrésistible et dont le seul exercice garantirait la légitimité autant que la valeur de ses productions. Cette tyrannie par laquelle la critique force l’adhésion à ses thèses en surexploitant l’effet d’évidence, carac- térise une habitude intellectuelle qui, dans la recherche de l’efficacité à tout prix, a fini par distendre son rapport à la réalité et entretenir une ambivalence à son égard. Une telle propension au déni où le monde se trouve dilué dans son explication, où la cohérence superficielle du sens annule la charge de la preuve, dispose à convertir la résistance à la doxa en illusion collective et le doute perpétuel en certitude conqué- rante. C’est pourquoi, loin de chercher à condamner la légitime et saine expression du doute, cet acquis des sociétés ouvertes, nécessaire au progrès social, politique et scientifique, nous proposons, au contraire, de réfléchir aux usages spécifiques de la critique mobilisés par les pen- seurs conspirationnistes ou ceux qui se font leurs relais. En définitive, la modernité, en introduisant de nouveaux critères de production du savoir empirique et de légitimation des connaissances produites, s’est vue transmettre à la pensée conspirationniste des res- sources rhétoriques et procédurales qui ont garanti et qui garantissent encore son succès parmi les défenseurs de la contestation comme rapport privilégié à l’espace social et politique. L’esprit moderne n’est sans doute pas plus enclin que son prédécesseur à concevoir ou suspec- ter la présence de complots, d’ententes secrètes, de projets indicibles, 12 Les rhétoriques de la conspiration de manigances abjectes, etc. derrière les portes de l’histoire en actes, au contraire, il devrait être théoriquement plus critique que lui face à des imputations farfelues ou étranges au regard des données factuelles. Mais en exaltant la digne posture du critique, posture de celui qui se dit éclairé par les lumières de la raison et conteste le « prêt-à-penser » qu’on lui donne, cet esprit moderne plus rationnel, plus méthodique, plus sceptique aussi, s’est paradoxalement trouvé impuissant face à ceux-là mêmes qui revendiquaient leur droit inaliénable à faire un usage radical de la critique au nom de la modernité. Les dénonciateurs de complots – qui, sans cesse, entreprennent de dévoiler les raisons cachées, les plans et les mystères des (grands) événements historiques – ont donc trouvé dans la modernité un envi- ronnement favorable, voire inespéré, car le seul fait de prendre la parole pour afficher son scepticisme et témoigner de son « esprit critique », suffit souvent à légitimer socialement la parole qui s’énonce. En consé- quence de quoi, critiquer le critique, non pas forcément ce qu’il dit – ce point fera d’ailleurs l’objet d’un développement par la suite –, mais la légitimité extraordinaire qu’il tire de sa position de critique dans l’es- pace du discours, reviendrait finalement à lui refuser son droit d’être un moderne, c’est-à-dire un sceptique. Toute l’ambiguïté est là. La critique est-elle d’abord une place, que n’importe qui peut légitimement occuper pour renforcer sa position discursive, son ethos, ou un processus par lequel la parole se conforme aux exigences de la rationalité afin de repenser la signification de ce qui précisément fait question ? Le présent ouvrage, par le biais d’une investigation relative aux modalités rhétorico-argumentatives de production et d’exposition des « théories du complot » ou explications uploads/Management/ rhtoriques-conspiration.pdf
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- Publié le Aoû 01, 2022
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