D epuis une dizaine d’années, certains des dispositifs tradi- tionnels du contr

D epuis une dizaine d’années, certains des dispositifs tradi- tionnels du contrôle de ges- tion* sont soumis à des pres- sions pour se renouveler. C’est le cas notamment de la procédure budgé- taire, de la comptabilité analytique et de l’organisation en centres de res- ponsabilité. Le secteur bancaire est concerné au premier plan par ces évo- lutions. Cet article a pour objet de présenter les nouvelles pratiques de contrôle de gestion et d’en discuter les conditions d’applicabilité au secteur bancaire. Si certaines ont déjà fait leurs preuves dans l’environnement bancaire comme la budgétisation à base zéro (BBZ), le benchmarking ou le reengineering, il n’en est pas de même pour les méthodes ABC et ABM pour lesquelles les risques tech- niques et organisationnels ne doivent pas être sous-estimés. Budgétisation à base zéro : des succès variables C’est en réponse aux difficultés d’allocation des ressources aux ser- vices «indirects», pour lesquels il est difficile d’identifier avec précision des liens entres les ressources et les activi- tés qu’est apparue la méthode de BBZ. Cette méthode propose une ap- proche radicale de l’allocation des res- sources aux services de support. Trois séries de critères sont pris en compte pour déterminer l’opportunité d’al- louer des ressources à ces services : le coût, la qualité et la pertinence straté- gique des activités et des missions réa- lisées. La pertinence stratégique est définie comme le degré de proximité d’une prestation aux métiers ou com- pétences clés de l’entreprise. Dans la pratique, une telle procédure est assi- milée à une action de réorganisation. Le BBZ débouche en effet sur des propositions d’externalisation de cer- taines prestations internes de support en recourant à de la sous-traitance ou à différentes formes de partenariats comme le co-sourcing pour les activi- tés informatiques, à la délégation aux services utilisateurs des prestations réalisées jusqu’alors par les centres de support ou enfin à la détermination d’objectifs de réduction de coût ou d’amélioration de la qualité des pres- tations maintenues dans les services en question. De nombreuses banques ont re- couru à ce type de méthode avec des succès variables, la difficulté princi- pale résidant dans la mise en œuvre du diagnostic, celui-ci n’étant pas tou- jours organisationnellement ou politi- quement acceptable. C’est une limite importante à ce type de démarche. On notera que le BBZ préfigure, par cer- taines de ses caractéristiques, l’ap- proche plus récente du reengineering. Celui-ci a pour avantage, en compa- raison, de ne pas se dérouler en sui- vant la logique des services et des or- ganigrammes, mais en suivant les processus des opérations. Le benchmarking : des résultats positifs Le benchmarking est une adap- tation au contrôle de gestion d’une pratique de marketing stratégique. Il conduit à mettre en place un système de comparaison automatique de la performance d’un service, d’une ac- tivité ou d’une fonction avec des ré- férents internes ou externes à l’en- treprise. Dans l’environnement bancaire et financier nord-américain, la méthode est pratiquée depuis plusieurs années : les comparaisons portant sur la renta- bilité des actifs ou la rentabilité des fonds propres font l’objet d’échanges directs entre les grands établisse- ments. De même, des échanges régu- liers d’expériences sur les «meilleures pratiques de gestion» sont organisés par filière de spécialité. En France, de nombreuses expériences ont été réali- q 46 BANQUE n° 590 – mars 1998 Le contrôle de gestion connaît d’importants développements dont il convient d’évaluer l’intérêt pour les banques. Certaines de ces nouvelles méthodes présentent des limites et des risques. Les méthodes récentes du contrôle de gestion : les apports pour la banque Michel Rouach Directeur du budget et du contrôle de gestion Groupe BNP Gérard Naulleau Professeur de gestion École européenne des affaires (EAP) * Les auteurs publient la 3e édition de leur ou- vrage «Le contrôle de gestion bancaire et finan- cier» Banque éditeur, à paraître en mars 1998. sées avec des résultats encourageants en termes de réactivité et de dynami- sation de la gestion. La méthode a pour avantage d’être positive, si toute- fois les trois dernières étapes telles que décrites dans l’encadré – sont réellement envisagées. Comme ces pratiques sont loin d’être généralisées, le benchmarking n’a pas toujours les retombées attendues. Le manque d’accompagnement interne au trans- fert d’expérience est clairement le principal écueil auquel le benchmar- king est confronté. Les méthodes ABC et ABM : innovantes mais complexes Les méthodes ABC (Activity Ba- sed Costing) et ABM (Activity Based Management) ont été développées en réponse aux insuffisances de l’organi- sation comptable analytique tradition- nelle et en liaison avec la nouvelle ap- proche transversale du management et de l’organisation (1). Dans la comp- tabilité analytique traditionnelle, les ressources (les charges) sont versées dans des centres d’analyse (méthode des sections homogènes), puis impu- tées aux objets de coûts finaux que sont les produits ou les prestations, par le biais d’unités d’œuvre ou de clés de répartition. Le principe fondateur de l’ABC est d’utiliser les activités d’un centre de responsabilité comme interface entre les ressources et les ob- jets de coût (2). La première étape consiste à éta- blir une cartographie des activités et des processus. Une activité est habituel- lement définie comme une combinai- son de personnes, de technologies et de méthodes qui permet la réalisation d’un produit ou d’une prestation donné. L’activité n’est pas toujours visible par le client interne ou externe. Ainsi, lorsqu’un particulier souscrit à une offre de crédit envoyée par courrier, il ne voit pas l’ensemble des activités qui ont conduit à ce qu’il reçoive une offre et à ce qu’un crédit lui soit viré sur son compte. Parmi ces activités, on peut mentionner : «concevoir l’offre», «ci- bler les profils clients cibles», «effectuer le mailing», «relancer les clients», «en- registrer la demande», «virer les fonds», «comptabiliser l’opération». Un en- semble d’activités engagées pour réali- ser un produit ou une prestation consti- tue un processus. Dans une deuxième étape, les res- sources consommées par un service sont allouées aux différentes activités réalisées par ce service. Les ressources sont définies comme l’ensemble des moyens nécessaires pour réaliser une activité : personnel, équipements, lo- caux, etc. Le pari des méthodes ABC et ABM est qu’une part déterminante des ressources est directe aux activités, ce qui permet d’obtenir un coût pour cha- cune des activités et d’améliorer ainsi la fiabilité comptable analytique tout en permettant, en parallèle, un suivi de la performance. Dans une troisième étape, des in- ducteurs de coût (3) sont déterminés pour pouvoir allouer les coûts des ac- tivités aux objets de coûts. Parallèle- ment, les indicateurs de valeur (qua- lité, délai, conformité, etc.) sont mis en place tout au long des processus. Il n’y a pas encore d’exemples probants d’introduction de ces pra- tiques dans le secteur bancaire en France, même si des expériences pi- lotes sont actuellement menées (4). Il est donc encore délicat de se pronon- cer sur l’intérêt à long terme de cette méthode et sur sa pérennisation dans le secteur bancaire et financier. L’in- troduction d’une telle démarche n’est cependant pas sans risques sur les plans techniques et organisationnels. Sur le plan des risques techniques, ce sont des méthodes extrêmement coû- teuses et longues à mettre en place. Elles supposent la mise en œuvre d’in- terviews et d’analyses des historiques, le recoupement des informations obte- nues, la mise en place de pilotes et d’investissements informatiques consé- quents ainsi que la formation des contrôleurs de gestion et des gestion- naires. Le projet demande à être géré au plus près pour éviter l’enlisement technique et pour assurer sa diffusion et son adoption progressive par l’en- treprise. Il y a des compromis inces- sants à réaliser entre l’ambition portée par la démarche et la capacité des ac- teurs de l’entreprise à comprendre les nouveaux calculs de coûts et à suppor- ter la réorganisation des responsabili- tés qui découle de l’introduction d’un pilotage «transversal» par les proces- sus opérationnels. De nombreux pro- jets de ce type ont ainsi été interrom- pus en raison de leur coût et des difficultés à généraliser les expériences pilotes réalisées. Ces entreprises n’as- sumaient pas les réorganisations admi- nistratives et opérationnelles induites par ces démarches. Sur le plan des risques organisation- nels, le caractère technique de ces mé- thodes contribue à réactiver une repré- sentation taylorienne de l’entreprise, qui, à bien des égards, est restée la- tente dans le contexte managérial fran- çais encore marqué par la rupture entre les opérationnels et les fonction- nels. La pédagogie entourant l’intro- duction de ces démarches est souvent insuffisante, comparée à ce qui pu être fait pour généraliser les nouvelles pra- tiques de qualité totale, celles-ci ayant généralement eu le mérite de décloi- sonner la relation fonctionnels/opéra- tionnels. L’expérience tend à montrer que l’introduction de l’ABC/ABM produit rarement ce type d’effet, bien au contraire (5). Ce danger, exprimé dans le contexte nord-américain, est à méditer pour les entreprises fran- çaises, qui peinent beaucoup à diffuser pouvoirs et responsabilités au long des lignes hiérarchiques. L’absence d’im- plication immédiate de la direction, de participation active des opérationnels aux schémas directeurs, le manque de formation des utilisateurs, uploads/Management/ utilite-methodes-recentes-pour-la-banque.pdf

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  • Publié le Mar 23, 2022
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