La Gazette des archives Vers de nouveaux modes de gestion des archives d'entrep

La Gazette des archives Vers de nouveaux modes de gestion des archives d'entreprises Marie Paule Arnauld Citer ce document / Cite this document : Arnauld Marie Paule. Vers de nouveaux modes de gestion des archives d'entreprises. In: La Gazette des archives, n°168, 1995. Archives municipales et patrimoine industriel (actes du colloque de la Section des archivistes municipaux de l’AAF, Elbeuf, 25-27 mai 1994) pp. 88-93; doi : https://doi.org/10.3406/gazar.1995.4268 https://www.persee.fr/doc/gazar_0016-5522_1995_num_168_1_4268 Fichier pdf généré le 12/05/2018 88 VERS DE NOUVEAUX MODES DE GESTION DES ARCHIVES D'ENTREPRISES C'est en 1973 que la Direction des archives de France organisa son premier congrès consacré aux archives d'entreprises. Vingt ans plus tard, elle inaugurait le Centre des archives du monde du travail de Roubaix et un deuxième congrès se penchait sur les archives d'entreprises, prouvant que des éléments nouveaux sont intervenus, éléments dont on peut supposer qu'ils résultent d'une évolution qu'ils vont, à leur tour, contribuer à infléchir. Un peu d'histoire... C'est l'État qui se trouve avoir été l'initiateur de l'intérêt porté aux archives d'entreprises : dès 1949, un service spécialisé est créé aux Archives nationales, accompagné d'une commission qui associe à l'administration des partenaires de l'entreprise et de l'université. La situation est alors très mauvaise dans ce domaine en France où les chefs d'entreprises se désintéressent de leurs archives. « Dans le domaines des archives économiques, la France apparaît fort en retard sur ce qui a été tenté à l'étranger depuis déjà de nombreuses années » peut écrire Bertrand Gille dans un de ses rapports. « Il semble qu'il soit urgent de prendre des mesures dans ce domaine, faute de quoi la situation, déjà mauvaise, risque d'empirer rapidement ». On n'imagine alors qu'une seule solution au problème : l'intervention de l'État dans le cadre plus large d'une politique en faveur des archives privées. Mais la solution préconisée va vite apparaître ingérable. Face aux masses d'archives concernées, les moyens que peut mettre l'État apparaissent tout de suite comme dérisoires et l'absence d'objectifs clairs va durablement hypothé¬ quer la politique de la Direction des archives en France en la matière. Toutefois, près de 40000 articles entrent alors aux Archives nationales. La méthodologie mise en place par B. Gille pour pallier le flou qui caractérise alors la politique de collecte comme les objectifs assignés à l'État, inspirée de son expérience d'historien, s'intéresse essentiellement à l'exploitation des sources VERS DE NOUVEAUX MODES DE GESTION 89 des xvme et xixe siècles. Elle ignore les grandes évolutions documentaires contemporaines et s'avérera parfaitement inadaptée au traitement des masses d'archives que les entreprises ont à gérer. Le congrès de 1973 n'apparaît pas comme une date significative dans l'évolution de la doctrine, mais s'inscrit dans la continuité de cette politique. La coupure décisive, c'est dans les années 1981-1983 qu'elle se produit. En effet, l'environnement législatif a alors considérablement évolué : lois de décentrali¬ sation, mais aussi loi de 1979 sur les archives et nationalisations qui manifestent à la fois un éloignement de l'État de la gestion directe, mais également une réafïïrmation de son rôle de contrôle. La réflexion menée dans le cadre de la « culture scientifique et technique » amène des évolutions qui trouvent leur traduction dans la circulaire du 2 sep¬ tembre 1983 sur les « archives du monde du travail » : nécessité de la concertation entre tous les partenaires, mise en place d'une organisation administrative de gestion plus souple, rôle de l'État comme garant de la qualité scientifique et technique des opérations par le biais d'un contrôle réaffirmé sur les archives publiques. Ce texte manifestait en outre la volonté de prendre en compte non seulement les sources de l'histoire économique, mais aussi celles de l'histoire sociale. La dénomination d'« archives du monde du travail » est, à cet égard, significative. L'intérêt des entreprises pour leurs archives manifesté dès les années 1970 par la création de quelques services intégrés à l'entreprise et par le développe¬ ment de la Business history , associé, à partir de 1983, à la nouvelle politique de l'État, fait régresser l'ambition initiale de conservation universelle des archives publiques pour orienter l'action de la direction des Archives de France dans un domaine nouveau : le conseil. Le but n'est plus de recueillir l'ensemble des archives existantes, mais d'en promouvoir la gestion et la conservation dans des conditions satisfaisantes. La conjoncture actuelle permet donc de penser comme révolue l'ambition initiale : les moyens dévolus à l'État en matière de crédits comme de personnel ont peu de chance de s'accroître jamais dans des proportions importantes. Ils lui interdisent donc les visées impérialistes et nécessitent de réfléchir à une autre conception de son rôle, donc aux fonctions qui doivent être celles des conservateurs affectés dans les services d'archives publics par rapport à ceux qui sont recrutés par les entreprises. La nécessité de recentrer le rôle des premiers sur leur mission scientifique, sauvegarde et ouverture à la recherche d'un patrimoine historique , leur interdit le préarchivage gratuit des documents produits par les entreprises qui relève d'une autre responsabilité. Enfin et surtout, ce partage clarifié des responsabilités respectives implique un travail en partenariat qui constitue certainement une des prises en compte les plus significatives de ces dernières années. 90 M. -P. ARNAULD Une gestion lourde et difficile. Les incertitudes de la collecte. L'enquête de 1973, point de départ d'une action plus systématique en faveur des archives d'entreprises, malgré les incertitudes et le pointillisme des réponses, avait permis aux archivistes départementaux d'avoir une meilleure approche de l'existant. On en connaît cependant les défauts, inhérents à la difficulté de pénétrer le monde, volontairement opaque, de l'entreprise : réponses incomp¬ lètes ou inexistantes pour des domaines entiers d'activités, description insuffisamment précise des fonds conservés. La connaissance des entreprises, pour ne pas être trop lacunaire, doit passer par les méthodes éprouvées utilisées plus généralement en matière d'archives privées : contacts personnels ; mise en confiance ; prise de conscience de l'intérêt patrimonial local, voire national, de documents qui n'ont, en général, été conservés que pour leur intérêt informatif, administratif, économique ou probatoire. Il est particulièrement difficile pour un archiviste, même s'il a une connaissance approfondie de l'économie de son département ou de sa commune, d'évaluer l'intérêt réel des fonds conservés par les entreprises, fonds dont l'état et le contenu sont souvent peu aisés à appréhender. Telle grosse entreprise particulièrement significative d'une activité locale aura pratiqué d'importantes destructions ou ne produira que des documents d'un intérêt informatif limité, alors que tel artisan ou telle PME pourra laisser des livres de comptes pleins d'enseignements pour l'histoire sociale et économique. Si les méthodes de gestion des documents administratifs commencent à être largement maîtrisées par la plupart de nos services (travail en amont avec les administrations, mise en place de plans de classement, élaboration de bordereaux de versements, indexation...), il n'en est pas de même pour les archives d'entreprises qui sont collectées, la plupart du temps de façon aléatoire, en fonction d'événements économiques souvent malheureux ou au gré des contacts établis avec les dirigeants. L'archiviste est alors contraint à l'entrée non programmée de masses parfois importantes, dont le traitement est difficile à mettre en place dans des délais corrects. Enfin, les réticences des archivistes face à ces fonds sont liées souvent aux problèmes posés par leur masse : l'entrée de la totalité des archives de la Blanchisserie teinturerie thaonnoise aux Archives départementales des Vosges (3 000 mètres linéaires) reste paralysée par les problèmes de transfert et de manque de place pour accueillir un fonds d'une telle ampleur. De même, le Conseil général de la Moselle recule devant la charge que représenterait pour le département la conservation des quelque 6 kilomètres d'archives des Houillères du bassin de Lorraine, avec leurs 400 000 plans. VERS DE NOUVEAUX MODES DE GESTION 91 Le pari des tris. Outre ces problèmes propres au repérage et à la collecte des archives industrielles, les archives publiques sont confrontées à d'autres difficultés posées par l'inadaptation des outils réglementaires proprement archivistiques permet¬ tant de gérer ces masses. Lors du congrès de Tours, F. Hildesheimer faisait remarquer que la structure des fonds d'archives d'entreprises se compose de deux grandes parties dont l'une correspond à « des fonctions administratives relativement uniformes (personnel, comptabilité) » et l'autre à une action spcécifique « se traduisant dans des dossiers techniques correspondant aux secteurs propres d'intervention de l'organisme » *. Si les archivistes sont relativement bien armés pour gérer les documents produits par les fonctions d'administration, proches de ceux que produisent les services administratifs eux-même, grâce aux travaux menés depuis quelques années par les archivistes spécialistes de ce secteur (cf. le guide rédigé par I. Brot 2, les travaux du groupe Archives d'entreprises de l'Association des Archivistes français ou du groupe des archivistes des chambres de commerce suscité par J.-L. Glénisson), en revanche tous les documents techniques leur posent de difficiles problèmes. Leur appréhension nécessite, en effet, des connaissances dans des domaines que nous maîtrisons mal ; leur infinie variété impose pratiquement l'élaboration de tableaux de gestion propres à chaque entreprise. Quant à leur volume et à leurs supports, souvent non traditionnels, ils obligent à avoir uploads/Management/ vers-de-nouveaux-modes-de-gestion-des-archives-d-x27-entreprises.pdf

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  • Publié le Fev 26, 2022
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