EXIT TO THE PAST AND VOICE FOR THE FUTURE Sciences de gestion, sciences fondame
EXIT TO THE PAST AND VOICE FOR THE FUTURE Sciences de gestion, sciences fondamentales de l’action collective Armand Hatchuel Lavoisier | « Revue française de gestion » 2019/8 N° 285 | pages 43 à 57 ISSN 0338-4551 ISBN 9782746249158 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2019-8-page-43.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Lavoisier. © Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Impen- sable dans la modernité « économiciste », cette notion revient avec la théorie administrative de Henry Fayol et de l’entreprise moderne. Pourtant, la théorie du management oublie Fayol et se réduit à la quête de performances dans l’entreprise action- nariale. Aujourd’hui, relier rationalité et responsabilité débou- che sur une science de l’action collective qui a contribué à la théorie de la conception et à la redéfinition de « l’entreprise » dans la loi française. DOI: 10.3166/rfg.2019.00395 © 2019 Lavoisier 1. Je tiens à remercier J.-P. Denis, rédacteur en chef de la RFG, ainsi que A.-C. Martinet et P.-M. Menger, pour leur invitation. Par ailleurs, ce texte a bénéficié des suggestions de J.-P. Denis, B. Segrestin, K. Levillain, P. Le Masson et B. Weil. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Poitiers - - 195.220.223.38 - 05/03/2020 08:26 - © Lavoisier Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Poitiers - - 195.220.223.38 - 05/03/2020 08:26 - © Lavoisier C et article introduit quelques résul- tats, parfois surprenants, du pro- gramme de refondation des sciences de gestion lancé en 2001 (David et al., 2002 ; Hatchuel, 2002). Dès ses débuts, ce programme exigeait un réexamen des sources historiques, de la terminologie et des questions originelles du champ. À terme, étaient visés la reconstitution d’une mémoire scientifique et un réarmement théorique de la recherche. Si l’on en juge par le chemin parcouru, cet exit to the pasts’ s’est révélé d’une réelle fécondité. Il a conduit, notamment aux quelques percées suivantes : – Une archéologie inédite de la « gestion » : elle a confirmé la nécessité de remonter aux sources antiques, donc bien en deçà de la modernité libérale et du management amé- ricain de l’après-guerre (Hatchuel et Weil, 2018 ; Crété, 2018) ; – Un modèle original de la rationalité créatrice (ou théorie C-K de la conception)2 (Hatchuel, 2001 ; Hatchuel et Weil, 2014 ; Le Masson et al., 2010). Cette rationalité conceptive était impensable dans le cadre de la logique décisionnelle classique. Elle éclaire les conditions cognitives d’une action novatrice (technique, entrepreneu- riale ou sociale) ainsi que les solidarités requises pour affronter collectivement un futur à la fois inconnu et désirable (Hatchuel et al., 2017)3. – Une théorie axiomatique de l’action collective, et, plus particulièrement, de la création collective, qui repose sur le principe de non-séparabilité entre rationalité et res- ponsabilité (Hatchuel, 2005). – Une nouvelle définition de « l’entre- prise»4 et de sa mission, adaptée aux défis de la civilisation contemporaine (Segrestin et Hatchuel, 2011, 2012). On ne peut examiner ici tous ces travaux et cet article ne présente que quelques avan- cées historiques et théoriques qui illustrent ce parcours. Ces résultats peuvent nourrir une discussion transdisciplinaire et ont une pertinence directe pour les problèmes contemporains. Au préalable, nous donnons ci-dessous un bref résumé des points développés dans ce texte. 1) En 1949 paraissait la seconde traduction anglaise (Fayol, 1949) du traité de Henri Fayol (Fayol, 1917), mais le terme « mana- gement » y est substitué à « administra- tion » dans le titre du livre. Lyndall Urwick, invité à écrire la préface, dénonce une trahison de la théorie fayolienne, au nom d’un dogme de la modernité libérale anglo- saxonne (que nous appellerons « économi- cisme »). L’histoire a donné raison à Urwick : ce détournement a masqué l’his- toire des notions « d’administration » et de « gestion », privant la recherche d’un héritage théorique sans lequel elle ne pouvait se consolider. 2) On sait, depuis peu, que gerere (notre « gérer ») a occupé une place intellectuelle et politique majeure dans la Rome classique. C’est là que s’invente une théorie de la bene gesta (« bonne gestion ») qui s’opposait aux pratiques anciennes de gouvernement 2. Le formalisme de cette rationalité créatrice découle de la théorie unifiée de la conception dite aussi théorie C-K (Concept-Knowledge theory ; Hatchuel et Weil, 2007). 3. La rationalité créatrice (ou raison conceptive) échappe aux oppositions classiques entre rationalité et imagination, rationalité et désir, rationalité et émotions. Elle organise au contraire une dialectique constructive et générative entre ces différents termes (Hatchuel et Weil, 2014). 4. Et de la société commerciale qui lui sert de personnalité juridique. 44 Revue française de gestion – N° 285/2019 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Poitiers - - 195.220.223.38 - 05/03/2020 08:26 - © Lavoisier Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Poitiers - - 195.220.223.38 - 05/03/2020 08:26 - © Lavoisier de la cité. Son originalité résidait dans la fusion dans un même concept, de la rationalité de l’action et de la responsabilité citoyenne. Cependant, ce fonds théorique sera perdu avec ce que nous appelons l’« économicisme » de la fin du 18e siècle qui dissocie efficacité et responsabilité. 3) Un siècle plus tard, l’irruption de la science et de la recherche technique pose une énigme inédite à la modernité. Il faut domestiquer une rationalité conceptrice, créatrice de progrès et de dangers… imprédictibles ! Le futur devient en grande partie inconnu, et pour protéger chacun des risques à venir, il faut repenser la solidarité de l’action collective qu’elle soit privée ou publique. Emerge alors le projet fayolien d’une « science administrative » renouve- lée et unifiée. Il recoupe les percées de Taylor, Follett et Barnard. « L’ entreprise moderne », le contrat de travail et l’État protecteur naîtront de ce faisceau d’inven- tions et des luttes sociales du 20e siècle. 4) Mais comme l’avait prévu Urwick, le « management » américain de l’après- guerre se construit sur l’oubli de cet héritage (O’Connor, 2011). Sans unité théorique, et réduit à la recherche des facteurs de la performance, il ne pourra pas résister à la financiarisation des années 1980 et aux codes de « bonne gouvernance » qui impo- sent une logique actionnariale. Aujourd’hui, lareconquête decettemémoire, ainsi que de nombreux travaux, débouchent sur une théorie axiomatique de l’action collective d’une cohérence et d’une univer- salité inattendues. Au cœur de cette théorie, il y a l’essence de la bene gesta : le principe de non-séparabilité entre rationalité et responsabilité. Ce principe restaure notre capacité collective à inventer et à réaliser des futurs désirables. Il a aussi inspiré le projet de refondation de l’entreprise (Segrestin et Hatchuel, 2012) qui a contribué à la nouvelle loi française sur l’entreprise responsable, sa raison d’être et sa mission. I – LE GRAND DÉTOURNEMENT : QUAND « MANAGEMENT » FAIT OUBLIER « ADMINISTRATION » En 1949, l’éditeur anglais Sir Isaac Pitman & Sons confie à Constance Storrs5 une nouvelle traduction du traité d’Henri Fayol, Administration industrielle et générale publié en 1916. La première traduction due à J.A Coubrough avait été éditée à Genève en 19296. Or, entre la traduction de Coubrough et celle de Storrs, il y a une différence immédiatement visible. Cou- brough intitulait sa traduction « General and industrial administration », mais vingt ans plus tard, Storrs abandonne « adminis- tration » et le traité devient « General and industrial management ». Mais, ironie de l’histoire, la préface de l’ouvrage est confiée à Lyndall Urwick (Urwick, 1949), intro- ducteur des travaux de Fayol dans le monde anglo-saxon, qui est en désaccord total avec le nouveau titre ! Et il va le faire savoir dans sa préface par une dénonciation peu commune : « Personnally, and taking the long view, I feel that it is a pity that Mrs Storrs and Mr. Pitman have decided to translate Fayol’s word “administration” by “management”. In the original english translation his title was translated directly “administration”. » 5. Constance Storrs (1911, 1990) : jeune enseignante en uploads/Management/a-hatchuel-sciences-de-gestion-sciences-fondamentales-de-l-x27-action-collective.pdf
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- Publié le Fev 14, 2021
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