Collaborer dans la chaîne logistique : État des lieux Par Jacques ROY, Sylvain

Collaborer dans la chaîne logistique : État des lieux Par Jacques ROY, Sylvain LANDRY et Martin BEAULIEU Cahier de recherche no 06-01 Mars 2006 ISSN : 1485-5496 Copyright © 2006. HEC Montréal. Tous droits réservés pour tous pays. Toute traduction et toute reproduction sous quelque forme que ce soit sont interdites. Les textes publiés dans la série des Cahiers de recherche du Groupe Chaîne n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Publié par le Groupe de recherche Chaîne, HEC Montréal, 3000 chemin de la Côte Sainte-Catherine, Montréal (Québec) Canada H3T 2A7. Collaborer dans la chaîne logistique : État des lieux Résumé La gestion de la chaîne logistique se matérialise par un partage d’information et un redéploiement des activités entre les différents maillons qui la composent. Au cours des deux dernières décennies, différentes initiatives sectorielles ont été mises de l’avant pour capter la valeur de la chaîne dans l’industrie du vêtement, de la distribution alimentaire ou de la santé. Bien qu’elles aient été de puissants outils de sensibilisation à de bonnes pratiques de gestion de la chaîne, ces initiatives ne sont pas toujours parvenues à tisser des partenariats durables entre les organisations. C’est depuis une dizaine d’années, des entreprises tendent à poursuivre des démarches individuelles prenant la forme de collaboration entre organisation. Cette collaboration peut prendre différentes formes qui impliquera nécessairement un partage de responsabilité. Selon une analyse de trois cas d’entreprises, il s’avère que l’intention stratégique, la présence de conditions facilitatrices et les retombées attendues constituent facteurs importants à prendre en considération pour soutenir des initiatives de collaboration. En fait, de telles initiatives ne sont pas à la portée de toutes les entreprises, ces dernières doivent apprendre à collaborer. _______________________________ Copyright © 2006. HEC Montréal 1 Collaborer dans la chaîne logistique : État des lieux Introduction Depuis plus de vingt ans, la gestion de la chaîne logistique (ou chaîne d’approvisionnement) s’impose comme un vecteur clé de la compétitivité des entreprises. Initialement, ce concept n’était qu’une extension des pratiques de la logistique à un nombre plus grand de partenaires d’affaires en amont ou aval des opérations d’une entreprise (Bechtel et Jayaram, 1997). Aujourd’hui, la chaîne est le point de jonction de pratiques provenant de multiples horizons comme la gestion de la qualité, la conception des produits, le service à la clientèle ou la gestion des données (Anderson et Delattre, 2003). L’intégration est l’objectif central d’une gestion de la chaîne logistique (Power, 2005). Une manifestation de cette intégration est de permettre la capture des données au point de vente et de les transférer aux partenaires en amont de façon à mieux planifier et synchroniser les activités de réapprovisionnement aux besoins exprimés par les consommateurs. En l’absence de cette intégration, chaque organisation tente seule de prévoir les besoins de l’échelon suivant ce qui se traduit par des inefficiences de toutes sortes (Landry 2005). Parallèlement, l’intégration viserait à redéployer les activités à valeur ajoutée afin d’éviter leur duplication entre les multiples maillons d’une chaîne (Christopher, 1998). Dans ce contexte, le concept de gestion de la chaîne logistique a évolué pour s’attarder aux relations entre les acteurs de la chaîne et aux façons de mettre en œuvre des partenariats qui pourraient atteindre les objectifs mentionnés (Bechtel et Jayaram, 1997). À cet effet, au cours des deux dernières décennies, différentes initiatives sectorielles ont été mises de l’avant pour capter la valeur de la chaîne dans l’industrie du vêtement (Quick Response), de la distribution alimentaire (ECR - Efficient Consumer Response) ou de la santé (EHCR - Efficient Healthcare Consumer Response). Ces initiatives ont permis de sensibiliser les décideurs quant aux économies pouvant être dégagées par la mise en œuvre des bonnes pratiques de gestion de la chaîne. Toutefois, ces initiatives ne sont pas toujours parvenues à tisser des partenariats durables entre les organisations amenant chaque entreprise à poursuivre des démarches individuelles. Ceci peut expliquer l’émergence, au milieu des années 1990, du terme « collaboration » afin de caractériser des pratiques de gestion de la chaîne entre deux organisations, comme le Collaborative Planning Forecasting and Replenishment (CPFR) (Barrat, 2004) ou le Collaborative Commerce (c-Commerce). Cet article entend retracer d’abord l’historique du concept de gestion de la chaîne logistique et des principales initiatives sectorielles. Nous enchaînons en comparant la collaboration aux relations entre partenaires et en discutant de ses implications dans la gestion de la chaîne. Par la suite, nous illustrons ce concept à travers des exemples de cas d’entreprises québécoises. _______________________________ Copyright © 2006. HEC Montréal 2 Collaborer dans la chaîne logistique : État des lieux Les grandes initiatives d’intégration de la chaîne Plusieurs auteurs retracent l’origine de l’expression Supply Chain Management dans le texte d'Oliver et Webber paru en 1982. Dans le texte en question, les auteurs insistent sur l’importance stratégique de la gestion de cet « ensemble intégré » que constitue la chaîne logistique et sur le rôle des stocks comme élément ultime de régulation des flux (Landry, 2005). Depuis, certaines industries ont multiplié les initiatives afin de canaliser les efforts en vue de récolter les fruits d’une meilleure gestion de la chaîne logistique ou, à tout le moins, d’une meilleure gestion de certains éléments. Ces différentes initiatives sectorielles ont donné lieu à une variété d’acronymes. D’abord, au début de l’année 1984, l’industrie du textile américaine commandite une étude afin de rendre ce secteur plus compétitif (Lowson et al., 1999). L’étude avait découvert qu’il fallait en moyenne 66 semaines pour transformer la matière première en vêtements et à les acheminer jusqu’aux points de vente (Blackburn, 1991). L’étude démontrait aussi qu’à l’époque, des stocks importants se trouvaient à tous les maillons de la chaîne. La présence de tels stocks avait une incidence directe sur la rentabilité du secteur. Le déploiement de pratiques destinées à mieux gérer la production en fonction de la demande pourrait réduire les stocks tout au long de la chaîne, offrir des assortiments de vêtement mieux adaptés au goût des clients, mieux balancer les quantités à réapprovisionner par des lancements de commande plus fréquents et finalement améliorer la compétitivité des entreprises locales face aux importations (Hunter et Valentino, 1995). Les auteurs de l’étude estiment qu’une meilleure intégration de la chaîne logistique pourrait générer des gains de 25 milliards de dollars américains (ou 20 % du chiffre d’affaires du secteur) à l’industrie (Blackburn, 1991). Des études de cas ont confirmé les bénéfices anticipés (Hunter et Valentino, 1995). Cette nouvelle vision des relations à l’intérieur de l’industrie du textile s’incarnait par l’expression Quick Response. À l’époque où les approches de management japonaises faisaient leur entrée dans le secteur manufacturier nord-américain, cette approche se voulait en quelque sorte être le pendant du juste-à- temps mais pour le secteur du commerce de détail (Fernie, 1994). Cependant, malgré l’évidence des gains, la mise en œuvre de meilleures pratiques a été très lente à se généraliser. Hunter et Valentino (1995) expliquent ce retard par, entre autres, la complexité de l’industrie (la très grande variété des produits afin de satisfaire en tout temps le consommateur), le caractère de plus en plus éphémère des vêtements (notamment l’impact des modes et des saisons), et le peu de pouvoir relatif des manufacturiers face aux grands détaillants. Ensuite, c’est presque dix ans plus tard, en 1992, qu’une initiative provenant de distributeurs et de manufacturiers du secteur américain de l’alimentation aboutit à un comité de travail appelé Efficient Consumer Response (ECR). Le comité avait pour but d’étudier lui aussi la chaîne logistique de ce secteur afin d’identifier des améliorations aux opérations (Lowson et al., 1999). En 1993, un rapport produit par Kurt Salmon Associates identifie un potentiel de gains de l’ordre de 30 milliards de dollars US, soit plus de 10 % du prix de détail (Corsten et Kumar, 2005). Ces économies se matérialiseraient en déployant des pratiques autour d’une meilleure sélection des gammes de produits, d’un réapprovisionnement plus performant, d’une gestion des promotions et d’une introduction des nouveaux produits plus efficiente (Lawson et al., 1999). _______________________________ Copyright © 2006. HEC Montréal 3 Collaborer dans la chaîne logistique : État des lieux L’initiative américaine a été répliquée dans d’autres pays ou régions, notamment au Canada, en Australie, au Japon et en Europe. Cependant, après 10 ans de diffusion, les fournisseurs demeurent encore sceptiques quant aux bénéfices retirés, n’y voyant qu’une stratégie supplémentaire des distributeurs pour transférer des coûts vers eux (Corsten et Kumar, 2005). Une récente enquête menée auprès de fournisseurs de ce secteur concluait que ceux ayant adopté des pratiques ECR profiteraient d’économies de coûts, cependant ces mêmes firmes affirment que la répartition des bénéfices n’est qu’à l’avantage des distributeurs (Corsten et Kumar, 2005). Ces constats montrent l’importance pour le fabricant d’avoir une masse critique de transactions réalisées par l’entremise de ces approches novatrices (estimée de 40 à 60 % du volume total de transactions) (Perry et Ross, 1995). Enfin, au milieu des années 1990, ce fut au tour du secteur américain de la santé d’y aller de sa propre initiative afin d’identifier des économies dans la gestion de sa chaîne. Manufacturiers, distributeurs et certaines associations d’établissements de santé se regroupent autour d’un comité dont uploads/Management/collaboration-partenariat.pdf

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  • Publié le Apv 16, 2022
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