Congrès de l’AFC 2015 DEFINITION, MESURE ET PILOTAGE DE LA PERFORMANCE CLIENT-F
Congrès de l’AFC 2015 DEFINITION, MESURE ET PILOTAGE DE LA PERFORMANCE CLIENT-FOURNISSEUR : DES FREINS AU « PARTENARIAT INTERNE » ENTRE ACHETEURS ET OPERATIONNELS ? Hicham Sebti, Professeur Assistant, ISG Paris, hicham.sebti@isg.fr Résumé : Le présent article s’intéresse à la manière dont s’organisent les liens entre les acheteurs et les clients internes autour de la définition, des leviers et des dispositifs de pilotage de la performance client- fournisseur. Nous interrogeons la diversité des représentations de la performance, des activités pour la réaliser et des usages des dispositifs de gestion qui servent de fondement aux interprétations de ce qui est performant et orientent les comportements. Nous soutenons que la définition de la performance client- fournisseur est l’objet d’une lutte entre différents groupes professionnels. Nous mobilisons les concepts de « juridiction » et « d’arrangements » du cadre d’analyse d’Abbott (1988, 2003), pour décrire respectivement les mécanismes par lesquels chacun des groupes tente d’imposer sa représentation de la performance achat et la nature des relations nouées entre les groupes professionnels. Abstract : Performance in buyers and suppliers strategic relationships involves an enhanced collaboration between a variety of organizational groups, specifically between purchasers and operational managers. Each group provides its own definition of organizational and relationship performance. The article focuses on organizational group’s interactions on defining strategies, activities and resources for value creation. It specifically investigates the use of management tools by groups to promote their own interpretation of performance in buyers-suppliers relationships. Mots clès : Performance achats, acheteurs, opérationnels, groupes professionnels, juridiction Key words: Performance in buyers and suppliers relationships, purchaser, operational managers, professional groups, jurisdiction 1. Introduction Otley (1994) puis Hopwood (1996) ont appelé à une meilleure compréhension des processus de comptabilité et du contrôle inter-firmes, qui traversent les frontières des organisations. Les travaux en contrôle des relations inter-organisationnelles ont décrit les outils et dispositifs de contrôle et catégorisé les modalités économiques (prix), contractuelles et sociales d’influence (Van der Meer-Kooistra et Vosselman 2000 ; Langfield-Smith et Smith 2003 ; Nogatchewsky 2004 ; Dekker 2004 ; Kamminga et Van der Meer-Kooistra 2006). Mais ils ont porté une attention moindre aux implications du contrôle inter-organisationnel sur le travail des acteurs de la relation client-fournisseur et les processus d’influence réciproque qu’ils entretiennent (Mourey, 2008), en interne et en externe. Plusieurs définitions des achats relient le travail des acheteurs à la satisfaction des demandes formulées par les membres internes de la chaîne de valeur de l’entreprise (Monczka et al., 2005 ; Bruel, 2007 ; Van Weele, 2010 ; Portier et al., 2010). Mais les travaux empiriques (Monczka et al., 2005 ; Leenders et al., 2006 ; Bruel, 2007 ; Ivens et al., 2009 ; Van Weele, 2010 ; Calvi et al., 2010) décrivent comment les acheteurs se heurtent à la question de la maitrise de la décision achat et peinent à établir des relations de collaboration avec les client internes (conception, marketing opérations etc.), à faire reconnaitre leurs contributions et à étendre l’influence de leur fonction au sein de l’entreprise (Leenders et al., 2006). Les acheteurs et les clients internes s’opposent sur divers enjeux de la décision achat (Monczka et al., 2005 ; Leenders et al., 2006 ; Reverdy, 2009 ; Piercy, 2009 ; Ivens et al., 2009 ; Sheth et al., 2009), car chacun s’inscrit dans une politique et un agenda propres et tente de préserver la « zone d’incertitude » (Crozier, Friedberg, 1977) sur laquelle il construit son pouvoir (Reverdy, 2009). Les acheteurs sont centrés sur les problématiques de centralisation et de massification des achats. Reverdy (2009) décrit le discours et les efforts de standardisation et de rationalisation des acheteurs pour « réduire la singularité de l’expression des besoins » de manière à accroître la comparabilité et l’interchangeabilité des offres des fournisseurs, « dénouer » les agencements sociotechniques spécifiques à la relation et faciliter la mise en concurrence des fournisseurs. Les clients internes, eux, poursuivent des objectifs opérationnels et ont souvent une préférence pour des relations dyadiques, directes et pérennes avec leurs collaborateurs chez les fournisseurs (Portier et al., 2010) dont ils partagent les intérêts, les savoirs et le langage. Les acheteurs et les clients internes s’opposent également sur leur légitimité à s’arroger le pouvoir décisionnel sur les achats. Comme le décrivent Portier et al. (2010), les acheteurs n’achètent pas pour eux-mêmes, mais pour satisfaire les demandes internes (Bruel, 2007 ; Van Weele, 2010 ; Portier et al., 2010). Ils sont contraints par les spécifications de qualité, de quantités, de coûts et de délais attendues par les clients internes, qui fondent leur légitimité sur leur savoirs spécifiques et leur expertise du produit et de l’offre de l’entreprise et considèrent qu’ils sont seuls aptes à définir les attentes et à juger la réponse des fournisseurs. Les acheteurs font eux valoir des arguments économiques et cherchent à « contrôler, a minima, une étape clé du processus d’achat en se focalisant sur la négociation du prix » (Portier et al., 2010) et les gains d’achats, jusqu’à en faire le symbole de leur identité professionnelle (Reverdy,2009) La définition de la performance de l’entreprise, de ses sources et de ses dispositifs de pilotage est l’objet d’une lutte entre différents groupes professionnels qui tentent d’imposer leur représentation de la performance et d’accroitre leur pouvoir (Farjaudon et Morales, 2011). Les travaux empiriques sur l’utilisation des outils de contrôle dans les luttes entre professions (Briers et Chua 2001 ; Ezzamel et Burns 2005 ; Farjaudon et Morales, 2011) ont illustrés des situations de compétition entre les contrôleurs de gestion et d’autres groupes professionnels, comme les ingénieurs (Dent, 1991 ; Morales, 2009), les commerciaux (Ezzamel et Burns 2005) ou les responsables marketing (Farjaudon et Morales, 2011). Ils décrivent comment les contrôleurs de gestion mobilisent les dispositifs de contrôle pour tenter d’imposer une représentation financière de la performance et une culture de la rationalité économique dans leurs entreprises (Ezzamel et Burns, 2005 ; Morales et Pezet, 2010). Ces travaux ont porté une attention particulière aux luttes professionnelles des contrôleurs de gestion, mais ont relativement peu exploré l’utilisation des dispositifs de contrôle par des groupes professionnels considérés, a priori, comme non experts des calculs économiques et financiers. Or certains travaux décrivent comment d’autres groupes professionnels que les contrôleurs se saisissent des dimensions politiques, symboliques et cognitives des dispositifs comptables et de contrôle dans la construction de leur rhétorique professionnelle et l’opposition à d’autres groupes (Boussard, 1998 ; Boussard, 2010 ; Boussard, Demazière et Milburn, 2010). Par ailleurs, les travaux cités sur les luttes entre groupes professionnels focalisent plus l’analyse sur l’utilisation des dispositifs de gestion que sur la nature de la relation qui se (re)construit entre les groupes à travers le processus de lutte professionnelle. Dans cet article, nous explorons les relations qu’entretiennent les acheteurs avec leurs « partenaires internes » (Piercy, 2009). Nous tentons de décrire les moyens par lesquels ces deux groupes acteurs mobilisent les dispositifs de contrôle de la relation client-fournisseur pour diffuser leur représentation de la performance achat et de qualifier les relations qui se nouent entre les groupes d’acteurs dans le cadre de cette lutte. A cette fin, nous mobilisons le cadre d’analyse d’Abbott (1988, 2003), fondée sur une écologie des professions, qui permet de saisir, d’une part, les mécanismes par lesquels chacun des groupes tente d’imposer sa représentation de la performance achat, à travers le concept de « juridiction », et d’autre part, la nature des relations nouées entre les groupes professionnels, à travers la notion « d’arrangements ». Après une présentation des fondements théoriques de la performance des relations client- fournisseur et du cadre d’analyse d’Abbott (1988, 2003), nous décrivons la manière dont s’organisent les liens entre acheteurs et clients internes autour de la performance achats, dans deux contextes organisationnels : celui des entreprises à « logique financière dominante » et celui des entreprises à « logique marketing dominante ». 2. Cadre d’analyse 2.1. Une définition plurielle de la performance client-fournisseur Un ensemble de travaux empiriques en markéting industriel a tenté de décrire les sources et les formes de performance de la relation client-fournisseur en identifiant les leviers de création valeur. Ces travaux décrivent une valeur hétérogène, multidimensionnelle (Eggert, Ulaga, et Schultz, 2006 ; Hommervoll et Toften, 2010) et souvent insaisissable car les ressources corporelles (moyens productifs) et incorporelles (expertise, savoir faire, marque, etc) engagées par les partenaires et leurs retombées stratégiques et financières sont complexes à évaluer (Jap, 1999, 2001). Dans une synthèse de la littérature en marketing sur les relations client-fournisseur, Donada et Nogatchewsky (2005) identifient quatre dimensions de la performance de ces relations: - La dimension économique traduit la capacité des partenaires à tirer un avantage financier ou concurrentiel de la relation. Elle se matérialise par des leviers comme le prix, les coûts, les volumes, l’optimisation des processus ou encore l’investissement dans des actifs spécifiques. La dimension économique de la performance se traduit, in fine, par une évaluation fondée sur des indicateurs comptables et financiers. - Les dimensions de coopération harmonieuse et de satisfaction traduisent la capacité des normes relationnelles, comme les interactions interpersonnelles, les transferts et partages d’informations, la flexibilité, la réciprocité, la uploads/Management/definition-mesure-et-pilotage-de-la-performance-client-fournisseur.pdf
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- Publié le Jul 17, 2022
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