L’émergence du e-management. Michel Kalika, Professeur à l’Université Paris Dau
L’émergence du e-management. Michel Kalika, Professeur à l’Université Paris Dauphine1, Crepa. Cahier de recheche n°57 1 initiateur du projet de DEA n°128 : « e-management, concepts et méthodes » de l’Université Paris Dauphine, soumis à l’accréditation du ministère. 2 Le 10 mars 2000 : L’Institut Finance Dauphine Internet, remise en question des paradigmes en Sciences de Gestion : L’émergence du e-management. Michel Kalika, Professeur à l’Université Paris Dauphine2, Crepa. Tous les secteurs, tous les métiers, toutes les fonctions de l’entreprise ont été, sont ou seront bouleversés par Internet. Le développement d’Internet, c’est-à- dire l’apparition et la généralisation d’un support universel de communication de données (textes, son, images) conduit naturellement à s’interroger sur la portée des changements ainsi provoqués sur le management des entreprises et plus généralement sur les sciences de gestion. Face à une innovation, deux attitudes sont généralement observées. Celle des sceptiques qui considèrent qu’il ne s’agit là que d’un feu de paille, que d’une nouvelle mode, comme l’univers des entreprises en a tant connu. Celle des enthousiastes qui considèrent qu’Internet est en phase de bouleverser profondément les règles économiques, ce qui conduit à l’utilisation du vocable net-économie, le droit, et bien entendu le management des entreprises. Notre propos s’inscrit dans cette deuxième attitude et nous voulons montrer que le management des entreprises doit changer car notre conviction est qu’il y va de la survie des entreprises. Celles-ci vont devoir passer du management3 tel qu’on le connaît aujourd’hui, au e-management. Le 2 initiateur du projet de DEA n°128 : « e-management, concepts et méthodes » de l’Université Paris Dauphine, soumis à l’accréditation du ministère. 3 Voir : Management, stratégie et organisation, Vuibert, 1999 3 e-management peut se définir par l’intégration dans l’ensemble des processus de management, c’est-à-dire, la finalisation, l’organisation, l’animation, le contrôle4, des impacts des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Le e-management recouvre à l’évidence ce que l’on appelle le e-business, c’est-à-dire les stratégies de commercialisation via Internet, mais aussi, et on l’oublie trop souvent, les implications organisationnelles de ces stratégies en termes de structure, de gestion des ressources humaines, de système d’information et plus généralement de fonctionnement d’entreprise. Si le management des entreprises change, les problématiques des sciences de gestion sont à renouveler et les chercheurs doivent dès maintenant intégrer ces changements dans leurs interrogations, au risque d’être en décalage fort par rapport aux préoccupations managériales des entreprises. Précisons tout d’abord en introduction, les causes de ce changement pour ensuite en préciser les implications. Pourquoi l’impact d’Internet sur le management est-il si important ? Internet modifie un élément essentiel des processus de management des entreprises, à savoir, l’information. Or les changements concernant l’information ont un impact tant externe, dans les relations avec les marchés (fournisseurs, partenaires, clients), qu’interne, dans les relations entre les services et les membres de l’organisation. Les modifications introduites par Internet sur l’information sont de plusieurs natures : - Accessibilité : les informations sont accessibles indépendamment de la localisation géographique des utilisateurs et cela vaut tant pour les consommateurs que pour les membres des organisations. - Indexation : les informations sont accessibles grâce des moteurs de recherche de plus en plus riches sur le plan thématique. 4 Tabatoni, P. Jarniou, P., Système de gestion, Puf, 1975 4 - Disponibilité : l’utilisation de nombreuses informations est libre, ce qui facilite les comparaisons et la transparence des marchés. - Diversité : la facilité d’accès au réseau concerne également les émetteurs d’information et l’on voit apparaître un éclatement de sources hétérogènes d’informations. - Immatérialité: l’information transmise par le réseau est de nature intangible ce qui renvoie à l’idée d’économie virtuelle. - Interactivité: l’actualité des informations associée à la rapidité de transmission, quelle que soit la nature et le volume de ces informations, permet à l’utilisateur d’obtenir des réponses en temps réel. L’ensemble de ces modifications dans les circuits d’information engendre des modifications très substantielles dans le management et les problématiques de sciences de gestion. Ces modifications peuvent être examinées, par grandes fonctions ou en reprenant tour à tour les deux composantes essentielles du management, à savoir, la stratégie et l’organisation. Le caractère transversal de la question nous a conduit à retenir cette approche. Notre démarche a été inductive dans la mesure où partant de l’actualité des entreprises, nous avons examiné l’implication d’Internet sur certains des paradigmes5 de Sciences de Gestion, sans prétendre à l’exhaustivité. I. La remise en cause des paradigmes stratégiques. Les nouvelles règles économiques et les perspectives de rentabilité de ce que l’on appelle la net-économie induisent des modifications profondes sur les processus de décision et les décisions stratégiques. 5 nous retenons comme définition de paradigme, « modèle théorique de pensée qui oriente la recherche et la réflexion scientifique » [Larousse] et dans une perspective managériale « modèle concret devant guider une activité humaine et lui servir de repère» [Encyclopaedia Universalis] 5 I .1. Les processus de décision stratégique. Nous devons observer que des concepts traditionnels de stratégie sont mis à mal par Internet. • La planification : le raccourcissement des horizons temporels et l’incertitude sur les résultats conduisent à s’interroger, de nouveau, sur l’utilité de la planification stratégique en tant que processus de long terme. Un questionnement sur la place du temps dans les décisions s’impose. Quelle place a désormais le temps dans la réflexion stratégique des entreprises ? Les choix stratégiques des entreprises relèvent généralement de processus réfléchis s’inscrivant dans la durée. Comment comprendre l’accélération des prises de décisions stratégiques, la multiplication des stratégies Internet des entreprises ? Quels sont les facteurs déclenchant des nouvelles stratégies ? Quelle est la « rationalité » de ces décisions ? Quelle est la place des phénomènes de mode, d’imitation, voire de myopie collective. • La mission : L’évolution des secteurs économiques conduit certaines entreprises à remettre en cause leur mission et la stabilité du concept est fragilisée. Ainsi, lorsque le groupe Vivendi cède des activités traditionnelles de production d’électricité aux USA pour investir dans les secteurs liés à Internet, cela traduit non seulement une réorientation stratégique, mais plus encore un changement de la mission de l’entreprise. D’aucun considéreront qu’il s’agit là d’une évolution naturelle d’un groupe réorientant son portefeuille d’activités vers des secteurs plus porteurs. Nous nous interrogeons pour notre part sur la stabilité du concept de mission d’une entreprise et sur la rapidité de son changement. La nature même de la stratégie des entreprises est ainsi remise en cause. • La segmentation stratégique : En matière de diagnostic stratégique, l’on enseigne traditionnellement que le diagnostic s’effectue sur des 6 domaines d’activités stratégiques (DAS) homogènes entre lesquelles les synergies sont inexistantes. Si l’approche par les compétences transversales fondamentales6 avait déjà affaibli le concept de segmentation stratégique, les NTIC ont donné le coup de grâce à cette approche. Les frontières traditionnelles qui séparaient les DAS volent en éclat du fait des changements liés aux technologies de l’information. Que deviennent les frontières traditionnelles entre télécommunications, informatique, télévision, cinéma, édition ? Si les contours des DAS sont flous, le diagnostic en devient plus délicat et les méthodes traditionnelles deviennent inadaptées. Lorsque UPS, spécialiste de la logistique crée une activité de transfert électronique de données, cela témoigne des changements qui caractérisent les frontières habituelles entre secteurs. • L’analyse des secteurs : les modèles d’analyse des secteurs reposent sur l’identification des acteurs et sur la définition de caractéristiques dominantes du secteur, telles que l’intensité concurrentielle. Or, l’on observe l’arrivée de nouveaux entrants et la modification des règles du jeu économique. Internet déstabilise de nombreux secteurs en changeant leurs frontières et mais aussi leurs règles de fonctionnement. A quoi bon effectuer une analyse de secteur quand celui-ci n’existe pas ou évolue au fil des semaines? Ces nouveaux secteurs où les comportements des clients, où l’efficacité des mix-marketing et notamment de la publicité sont ignorées7 sont nombreux tant dans les domaines des technologies de transmission, de la conception de services Internet, de nouveaux intermédiaires, de portails, de moteurs de recherche, que dans ceux des services nouveaux, tels que la vente en ligne de voyages, de services financiers, ventes aux enchères, sites de regroupement ou de centrale d’achat, sites de comparaison de prix etc. . Les pouvoirs de négociation 6 Hamel, Prahalad 7 Bourliataux S., Etudes exploratoires de l’efficacité publicitaire de deux types de publicités sur Internet, standard versus personnalisée, Thèse, Dauphine, Crepa, janvier 2000. 7 des acteurs sont modifiés dans les secteurs du fait des changements liés à la détention de l’information ou de l’accès à celle-ci. § Ainsi, le pouvoir des consommateurs est accru du fait de la transparence croissante des marchés et de la réduction des coûts d’accès à l’information. Cela se traduit dans la sélection des produits ou services en ligne, mais aussi dans les activités de lobbying. Le rôle des parties prenantes va s’accroître. L’émergence de sites regroupant les informations sur les comportements non-éthiques des entreprises en témoigne. La facilité de mobilisation au travers des forums fait peser de nouveaux risques sur l’entreprise. § Le pouvoir de négociation des donneurs d’ordres s’accroît de la même façon vis-à-vis des sous-traitants ou des fournisseurs. En migrant en uploads/Management/e-management.pdf
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- Publié le Aoû 06, 2021
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