Le tableau de bord : outil de pilotage de la performance dans les petites et mo

Le tableau de bord : outil de pilotage de la performance dans les petites et moyennes entreprises Jean-Guy DEGOS Professeur émérite des universités Université de Bordeaux Houda ZIAN Docteur en sciences de gestion Université de Bordeaux Résumé À partir des résultats d’une enquête réalisée auprès d’un échantillon des PME marocaine, cet article montre que le tableau de bord n’est pas un outil utilisable dans n’importe quelle situation contextuelle. Ainsi, les caractéristiques du tableau de bord sont affectées par les conditions organisationnelle et comportementale existantes. Par ailleurs, le pilotage de la performance à l’aide de tableau de bord reste très attaché aux caractéristiques de ce dernier. Mots-clés : Tableau de bord - Pilotage de la performance - PME - Acteurs de contingence. Abstract Based on the results of a survey from a sample of Moroccan SMEs, this paper shows that the balanced scorecard not a tool to utilize in any context. Thus, most likely, the characteristics of the balanced scorecard are affected by existing organizational and behavioral conditions. In addition, the performance management with balanced scorecard remains very attached to the characteristics of the latter. Key words: Dashboard - Performance management - SMEs - Contingency factors. Introduction Depuis vingt ans, le pilotage de la performance est devenu un important sujet traité dans la littérature et dans la pratique. Plusieurs auteurs ont proposé aux entreprises de développer de nouveaux modèles d’évaluation de la performance qui regrouperaient des mesures financières et non financières. La performance définie en terme financier ne suffit plus (Kaplan et Norton, 1996). À une ère où la concurrence s’exerce sur plusieurs facteurs et où les risques d’entreprise se multiplient, la réussite de l’entreprise ne se traduit plus strictement en termes d'augmentation du bénéfice ou de rentabilité du capital investi. La performance devient multicritères et sa mesure doit tenir compte de cette caractéristique. Les écrits sur le sujet abondent, tant sur le plan professionnel que scientifique. Les travaux de Kaplan et Norton (1992), réactualisent le sujet en présentant un modèle de pilotage de la performance qui tient compte à la fois de la dimension financière et des dimensions liées aux opportunités de croissance de l’entreprise, tels les clients, les processus internes, l’apprentissage et l’innovation. Un certain nombre d’auteurs (Chiapello et Delmond, 1994 ; Lebas, 1994) laissent entendre que les tableaux de bord présentent les caractéristiques intrinsèques pour jouer un rôle majeur dans le pilotage de la performance des entreprises. Partant de ce constat, l’objectif de la recherche est double. Il consiste tout d’abord à aboutir, par le biais d’une étude empirique, à déterminer dans quelle mesure les pratiques de tableaux de bord des PME peuvent être soumises à l’influence de certaines facteurs de contingence, puis ensuite à identifier la place que les PME réservent aux tableaux de bord dans le pilotage de leurs performances (Figure 1). Figure 1 : Le cadre conceptuel de la recherche La première partie de l’article présente la problématique de la recherche. Le protocole et la méthodologie utilisés pour l’étude empirique sont exposés dans une deuxième partie. Pour conclure, les résultats de la recherche sont présentés, puis analysés. 1. La problématique de la recherche Le contrôle de gestion a beaucoup évolué dans la définition d’Anthony (1965), où le contrôle de gestion apparaissait comme le garant du non gaspillage des ressources confiées à un manager. Cette définition indiquait que : « le contrôle de gestion est le processus par lequel les managers obtiennent l’assurance que les ressources sont obtenues et utilisées de manière efficace et efficiente pour la réalisation des objectifs de l’organisation ». Cette conception est remise en cause : face aux contraintes et aux menaces de l’environnement des entreprises, face à la mondialisation des marchés et à la nouvelle économie, les systèmes de contrôle de gestion ne doivent plus seulement assurer la régulation interne de l’entreprise, mais doivent aussi s’intéresser à l’adaptation de l’entreprise aux fluctuations de son environnement. Les systèmes de contrôle de gestion ont été contraints de changer dans leur conceptions, leurs outils, leurs missions et leurs rôles. Ces exigences sont à l’origine de la « redécouverte » des tableaux de bord (Germain, 2006). Le tableau de bord qui a pour vocation d'aider au pilotage de la performance des entreprises occupe une place spécifique au sein de l'instrumentation du contrôle de gestion notamment parce que la qualité de pallier les déficiences des autres instruments de contrôle lui est souvent attribuée. (Chiapello et Delmond, 1994 ; Kaplan et Norton, 1992). Bouquin (1986) définit le tableau de bord comme un « ensemble d’indicateurs peu nombreux (cinq à dix) conçus pour permettre aux gestionnaires de prendre connaissance de l’état et de l’évolution des systèmes qu’ils pilotent et d’identifier les tendances qui les influenceront sur un horizon cohérent avec la nature de leurs fonctions ». Le tableau de bord est un outil de gestion apte à améliorer le changement au sein des entreprises par l’introduction « d’indicateurs physiques, d’indicateurs non produits par l’organisation (à la différence des chiffres comptables et budgétaires), d’indicateurs sur l’environnement, ou encore d’indicateurs transversaux » (Chiapello et Delmond, 1994). Combinaison d’indicateurs financiers et physiques, l’outil a pour mission de traduire la stratégie au niveau opérationnel et d’assurer un suivi des actions qui sont à l’origine de la performance. Kaplan et Norton (1996) ont proposé une modélisation du lien opérationnel - financier, à l'aide du tableau de bord prospectif (Balanced Scorecard). Ce tableau regroupe des indicateurs qui traduisent les objectifs stratégiques d’une entreprise et qui permettent d’analyser si ces objectifs ont été atteints. Ces indicateurs peuvent être financiers, quantitatifs ou qualitatifs, de façon à refléter la stratégie dans toute sa complexité, ainsi que de façon à proposer une vision multidimensionnelle de la performance d’une entreprise. Or, peut-être plus encore que pour les grandes entreprises, les réalités que recouvrent les tableaux de bord dans les petites et moyennes entreprises soulèvent des interrogations (Germain, 2006). Le système d'information du dirigeant de PME revêt un caractère embryonnaire, il est peu formalisé (Fallery, 1983 ; Saporta, 1986) et son contenu est souvent limité à la production des données comptables obligatoires (Holmes et Nicholls, 1988), parce que les schémas de décision du chef d'entreprise se fondent largement sur l'intuition (Duchéneaut, 1996), le jugement, l'expérience et sur des logiques qui ne requièrent apparemment pas la mise en place de systèmes formels très développés (Dupuy, 1987). On peut donc s’interroger sur la place que les PME réservent aux tableaux de bord dans le pilotage de leurs performances. De nombreuses recherches montrent que les tableaux implantés dans les entreprises sont différents de ceux présentés dans la littérature (Ittner et Larcker, 1998 ; Malina et Selto, 2001), sans doute sont-ils, au même titre que les autres outils de contrôle de gestion, soumis à des contingences qui induisent des formes différentes dépendantes du contexte organisationnel et comportemental qu'ils décrivent. Plusieurs recherches empiriques démontrent ainsi que la taille de la PME, sont environnement, ses ressources financières, ses structures, le profil de son dirigeant composent un contexte peu favorable à l’instrumentation du contrôle et à l’introduction des nouvelles méthodes et techniques de contrôle de gestion développées dans la grande entreprise (Chapellier, 1994 ; Fernandez et al., 1996). L’interrogation vaut tout particulièrement pour la PME marocaine qui ne possède pas le même contexte que celui de la PME des pays développés. 2. La méthodologie de la recherche Nous avons adopté un positionnement positiviste et une démarche méthodologique hypothético-déductive. Le but est de découvrir les raisons par lesquelles les pratiques de tableaux de bord observés dans les PME marocaine sont reliées aux causes qui les expliquent. Ainsi, nous avons essayé de comprendre les pratiques des tableaux de bord des PME marocaine et de déterminer les facteurs qui influencent ces pratiques. Une enquête a été effectuée auprès d’un échantillon d’entreprise de moins de 200 salariés pour recueillir les données nécessaires à la recherche. L’étude a porté sur 14 régions composées de 59 villes marocaines (cf. Annexe 1). 2.1. L’enquête L’enquête par questionnaire a été effectuée auprès d’un échantillon de 1 536 PME de moins de 200 salariés à l’aide d’un questionnaire de 22 questions adressé au dirigeant d’entreprise et un autre de 24 questions adressé au contrôleur de gestion. L’envoi postal de 300 questionnaires a permis de recueillir des données auprès de 33 entreprises, soit un taux de réponse initial de 11 %. L’envoi électronique de 460 questionnaires a permis de recueillir des données auprès de 38 entreprises, soit un taux de réponse initial de près de 8,26 %. La consultation sur place de 46 entreprises a permis de recueillir des données auprès de 13 parmi eux, soit un taux de réponse de près de 28,26 %. Enfin l’envoi électronique d’un site web aux 730 entreprises a permis de recueillir des données auprès de 44 entreprises, soit un taux de réponse initial de près de 6,03 %. Au total, sur les 1 536 questionnaires envoyés, 128 ont été retournés complétés, soit un taux de réponse initial de 8,33 %. Sur ces 128 réponses, 21 questionnaires étaient non exploitables et donc le taux de réponse réel est de 6,97 %. uploads/Management/le-tableau-de-bord-outil-de-pilotage-de-la-performance-dans-les-pme.pdf

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  • Publié le Dec 01, 2021
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