1 Le knowledge management à l’heure de la mondialisation m • N° 128a Cette synt
1 Le knowledge management à l’heure de la mondialisation m • N° 128a Cette synthèse a été rédigée à partir d'une analyse critique de publications soigneusement sélectionnées. Il s'agit d'une œuvre originale, et non d'un simple condensé de ces publications. Elle ne peut donc se substituer à la lecture de celles-ci. Bien comprendre les mécanismes de la création de savoir pour adapter son organisation aux enjeux de la mondialisation En 1995, Nonaka et Takeuchi ont publié The Knowledge-Creating Company, ouvrage qui fait aujourd'hui référence dans le domaine de la gestion du savoir. Ils expliquaient en particulier la capacité d’innovation de certaines entreprises japonaises par leur aptitude à gérer les interactions en- tre deux formes de savoir : le savoir tacite et le savoir explicite. Ils mon- traient ainsi l'importance de créer un environnement favorable à la circula- tion des idées et aux échanges entre équipes et individus. Or, la mondialisation croissante des entreprises soulève des interrogations sur la façon de gérer ces échanges. Comment les promouvoir alors que l'en- treprise compte plusieurs dizaines voire centaines de sites répartis dans le monde entier ? Le recours aux communications électroniques est-il suffisant pour permettre la circulation et la confrontation des savoirs tacites ? Entourés de leurs collègues de l’université de Hitotsubashi, Nonaka et Takeuchi font le point sur ces enjeux. Les messages suivants nous ont sem- blé particulièrement intéressants : - Méfiez-vous des réflexes hérités de la tradition cartésienne : n'envisager le savoir que sous sa forme intellectuelle, conceptualisée, est réducteur. - Pensez soigneusement les choix d’implantation géographique : la proximité physique a un impact fort sur la création de savoir. - Développez les compétences de communication interpersonnelle des employés. - Structurez fortement le partage du savoir. Avec la contribution d’Yves Doz, Professor of Global Technology and Innovation à l'INSEAD. idées clés LE KNOWLEDGE MANAGEMENT À L’HEURE DE LA MONDIALISATION HITOTSUBASHI ON KNOWLEDGE MANAGEMENT Sous la direction de Ikujirô Nonaka et Hirotaka Takeuchi, John Wiley & Sons (Asia), 2004, 369 pages. Ikujirô Nonaka, Hirotaka Takeuchi et l’ensemble des auteurs ayant contribué à l’ouvrage sont professeurs à la Graduate School of International Corporate Strategy de l’université de Hitotsubashi, Tôkyô. nos sources 2 analyse m • N° 128a Le knowledge management à l’heure de la mondialisation A Quatre formes de transformation du savoir Savoir tacite Savoir explicite Savoir tacite Savoir explicite Explicitation A travers des procédures ou des manuels, le savoir tacite peut être traduit en termes intelligibles, communicables au plus grand nombre. Initiation Par le contact quotidien, la pratique et l’observation, le savoir tacite d’un individu peut être transmis à un autre. Combinaison Différents savoirs explicites peuvent être combinés pour donner naissance à de nouveaux savoirs explicites. Internalisation A partir d’un certain niveau de pratique, un savoir explicite peut être assimilé par un individu au point de faire partie de son savoir tacite. On distingue quatre formes de création de savoir, selon sa nature de départ et d'arrivée : L'observation montre que de nombreuses innovations sont issues de la combinaison de ces différents modes de transformation du savoir. SAVOIR DE DÉPART SAVOIR CRÉÉ 1 Les principes de la création de savoir Les mécanismes de la création de savoir vont à l’encontre de la conception rationaliste qui prévaut en Occident. Chacun est conscient des enjeux liés à la création de savoir. Dans un contexte d’instabilité et de concur- rence exacerbée, la capacité de dé- velopper sans cesse de nouvelles technologies et de les incorporer dans de nouveaux produits est un atout maître. L'observation montre que la plu- part des entreprises occidentales font dépendre l’essentiel de leur ca- pacité d’innovation du talent de quelques individus. Ce faisant, elles obtiennent parfois des percées spectaculaires. Mais leurs perfor- mances en matière d'amélioration continue ou d'innovation incré- mentale sont généralement médio- cres. Cela s'explique en grande par- tie par une conception du savoir d'inspiration cartésienne, qui se tra- duit par deux caractéristiques : – Une forte valorisation du savoir intellectuel. L’esprit cartésien aime les cons- tructions intellectuelles rigoureu- ses, les abstractions et les vérités universelles. Les entreprises occi- dentales valorisent ainsi avant tout le savoir rationnel, objectif et quantifiable. Ce faisant, elles délaissent souvent le savoir, né- cessairement plus subjectif, que chaque individu accumule au contact de son univers quotidien. – Une conception élitiste de l'in- novation. L’esprit cartésien considère que la production d’idées nouvelles est le domaine réservé des per- sonnes "les plus intelligentes". Ainsi, les entreprises occidenta- les attendent effectivement de leurs cadres qu’ils émettent des idées. Mais elles savent moins bien tirer parti de la créativité des personnes travaillant aux échelons opérationnels. Nous allons voir que cette con- ception ne reflète pas la réalité des mécanismes de création du savoir. - Trois principes fondamentaux Les experts de l'université d'Hi- totsubashi mettent en évidence trois grands principes déterminants pour la capacité de création de sa- voir d'une organisation : • Un aller-retour permanent entre savoir tacite et explicite. Contrairement à ce que laisse penser la tradition occidentale, il n’existe pas une, mais deux formes de savoir, qu'il est important de sa- voir conjuguer (figure A) : – Le savoir explicite. Composé d’informations objecti- ves, il est facile à codifier et à transmettre à l’aide de chiffres, de procédures ou de rapports d’étude. Mais il parvient difficile- ment à rendre compte de la réa- lité dans toute sa complexité. Xe- rox, par exemple, s’est un jour rendu compte que ses techni- ciens utilisaient fort peu leur ma- nuel de réparation des photoco- pieurs, pourtant rédigé avec beaucoup de soin par les meilleurs spécialistes de l’entre- prise. Ils y trouvaient en effet ra- rement les informations exactes requises pour faire face à la grande variété de pannes aux- quelles ils étaient confrontés cha- que jour. – Le savoir tacite. Produit de l’expérience de cha- que individu, il se compose des savoir-faire, des idées et des croyances peu à peu accumulés par celui-ci. Eminemment sub- jectif, difficile à formaliser et à transmettre, il constitue pourtant une grande part de la richesse et de l’originalité du savoir d’une entreprise. Le tour de main d’un grand cuisinier ou encore l'intui- tion d’un commercial capable d'anticiper l’accueil qui sera ré- servé à un nouveau produit en 3 Le knowledge management à l’heure de la mondialisation m • N° 128a sont des exemples. De même, les techniciens de Xerox avaient pris l'habitude de se fier aux "tuyaux" échangés avec leurs collègues, autrement plus efficaces que les instructions du manuel. • Une forte dimension collective. S’il existe des inventeurs solitai- res comme Thomas Edison ou Louis Pasteur, qui symbolisent la conception occidentale de la créa- tion de savoir, ceux-ci ne sont que des exceptions. La plupart du temps, la création de savoir est un processus collectif, fortement nourri de l’environnement social dans lequel il se déroule. L’inven- tion de la Honda City, par exem- ple, aurait été impossible sans les innombrables échanges qui ont eu lieu entre l’équipe de projet et l’en- semble des départements de Honda. De même, des produits aussi novateurs que le robot boulan- ger crée par Matsushita en 1985, les premiers photocopieurs individuels fabriqués par Canon ou encore la Prius, première voiture à propulsion mixte essence-électricité lancée par Toyota en 1997, n’auraient jamais pu voir le jour sans la mise en com- mun des savoirs détenus par de très nombreux collaborateurs de ces en- treprises. Tirer parti de cette dimension collective implique pour les mana- gers un rôle différent de celui qu’ils tiennent dans la conception occi- dentale traditionnelle (figure B). Plutôt que de produire eux-mêmes du savoir, ils doivent avant tout or- ganiser le contact entre les person- nes dont la rencontre est suscepti- ble de produire le savoir le plus utile. Ainsi, la principale contribu- tion de Takeshi Uchiyamada, le chef de l’équipe Prius, a été son ex- cellente connaissance des services de R&D de Toyota, qu’il avait con- tribué à réorganiser au cours des an- nées précédentes. Le mode de pro- pulsion original de la Prius a en effet soulevé de nombreux problè- mes techniques, qu’aucun membre de l’équipe ne savait résoudre. La capacité d’Uchiyamada à savoir identifier et faire collaborer ceux qui, parmi des centaines de cher- cheurs, possédaient le savoir sus- ceptible de débloquer la situation, s’est révélée décisive. Elle explique en grande partie le fait que la Prius ait pu être mise au point en 15 mois, alors que la plupart des vé- hicules de Toyota nécessitaient un développement de quatre ans. • La volonté de concilier ce qui semble contradictoire. Dans le monde des affaires comme dans la vie quotidienne, un grand nombre de problèmes sont présentés comme des alternatives entre lesquelles il faut choisir. Par exemple, faut-il privilégier la qua- lité du produit ou réduire son coût ? Faut-il viser des économies d’échelle en uniformisant l'offre, ou accepter un surcoût pour l'adapter aux spécificités des différents mar- chés ? Or la volonté de dépasser les oppositions est une puissante force d'innovation (figure C). Le succès de Toyota, par exemple, repose sur son ambition de proposer des véhicules à la fois bon marché, uploads/Management/man-128a-le-knowledge-management-a-l-x27-heure-de-la-mondialisation.pdf
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- Publié le Mar 11, 2021
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