Rencontres Pédagogiques du Kansaï 2008 Thème 2 Principes didactiques et outils

Rencontres Pédagogiques du Kansaï 2008 Thème 2 Principes didactiques et outils pour développer l’autonomie en cours de FLE Gaël Crépieux Professeur coordinateur à l’Institut franco-japonais de Tokyo Chargé de cours, Universités Aoyama Gakuin et Waseda gcrepieux?institut.jp Le CECR insiste sur la notion d’autonomie et la mise en place de stratégies par les apprenants pour exécuter des tâches communicatives avec succès. Cependant, nombreux sont ceux qui apprennent en suivant les instructions et en réalisant les activités que leur proposent enseignants et manuels. Pire, ils ne réalisent pas toujours que les activités proposées ont été créées pour leur faire acquérir des compétences langagières. Les objectifs communicatifs travaillés en cours sont-ils atteints lorsque l’apprenant sort de la salle de classe ? Il est clair que l’apprentissage d’une langue ne peut se limiter au cadre institutionnel scolaire, d’une part parce que le temps imparti oblige à se limiter à des choix en terme de contenus et d’autre part parce que lorsque l’enseignement s’arrête, l’apprentissage qui suit doit se faire en autonomie1, que ce soit à la fin d’un cursus ou à la fin d’un cours. Il convient alors de faire en sorte que les apprenants soient de plus en plus conscients de leur manière d’apprendre pour rentabiliser au mieux le temps consacré à l’apprentissage de la langue et les rendre capables de continuer à étudier seuls. Apprentissage de savoir-faire, approche par compétence, travail sur des tâches, collaboration entre les apprenants, développement de l’autonomie, redéfinition du rôle de l’enseignant… bien des principes ambitieux qui amèneront l’enseignant droit à l’échec s’il les applique sans tenir compte du contexte d’apprentissage des langues au Japon. Quelles stratégies d’enseignement le professeur peut-il mettre en place pour stimuler l’implication de ses apprenants dans le processus d’apprentissage ? Comment gérer un décalage entre culture d’enseignement et culture d’apprentissage ? I. Définir l'autonomie Avant de nous lancer sur des pistes de réflexion, il nous semble bon de nous accorder sur ce à quoi réfère ce terme. Qu’entend-on par autonomie ? 1. Prendre en charge son apprentissage. « Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson » disait déjà Confucius au cinquième siècle avant J-C, preuve que l’autonomie n’est ni un thème nouveau ni un précepte européen. À notre époque, les entreprises attendent de plus en plus que les nouveaux salariés soient opérationnels dès leur embauche, ce qui veut dire que le futur professionnel qu’est l’apprenant doit prendre conscience de ce qu’il est supposé savoir faire, et ce dès le début de sa formation universitaire. L’apprentissage ne doit 1 Conseil de l’Europe : Cadre européen commun de référence pour les langues. Apprendre, enseigner, évaluer, Ed. Didier, Paris, 2000, Chap. 6.3.5, p.110 15 plus être perçu comme une contrainte imposée par l’Institution mais comme le moyen d’atteindre un objectif. Nous nous accordons donc avec Dahmen Alfred2 pour dire que l’autonomie est la capacité à « se prendre en charge et, dans le cadre de l’enseignement, à prendre en charge son apprentissage ». Cependant, l’autonomie ne se délivre pas. C’est une démarche collaborative entreprise entre l’apprenant et l’enseignant. De la même manière que Socrate faisait accoucher les esprits, la préoccupation pédagogique de l’enseignant sera de donner à ses apprenants les moyens de devenir plus autonomes. Dans le cadre de l’apprentissage d’une langue étrangère, il convient au moins de distinguer trois aspects essentiels sur lesquels nous, enseignants, pouvons agir : les stratégies d’apprentissage, l’autonomie langagière et l’évaluation. Cependant, avant de traiter ces trois points, nous nous attarderons sur la dimension sociale de l’apprentissage. 2. S’agit-il de travailler seul en classe ? Dans les années 1930, Lev Vygotsky3 , un psychologue russe spécialisé dans le socioconstructivisme, a montré l’intérêt de faire coopérer les apprenants entre eux : selon lui, le niveau de développement d’un apprenant variera selon le contexte d’apprentissage. Il existerait donc un écart entre le niveau de développement d’un apprenant dans une démarche individuelle de résolution de problème et le niveau de développement potentiel sous la guidance d’un adulte ou en collaboration avec ses pairs plus compétents. Par ailleurs, le travail individuel enlève aux apprenants la possibilité de mettre en œuvre et de pratiquer ce qui est appris en situation de face à face. De même, dans ces conditions, il paraît difficile d’appréhender la langue comme un outil de communication auquel on a recours lorsque le besoin se présente. Lors des échanges avec l’enseignant, le vouvoiement est imposé par la situation de communication tandis que le tutoiement sera la norme avec le camarade de classe. Le fait de varier les cadres interactionnels et situationnels (lors des simulations) permettra à l’apprenant de manipuler différents niveaux de langue ainsi que les expressions appropriées, ce qui ne peut être possible dans le cas de l’auto-apprentissage en classe. Enfin, l’isolement de l’apprenant lui enlève toute occasion d'échanger avec ses pairs des idées, questions et expériences relatives à l'apprentissage et aux difficultés rencontrées. II. Déconstruire sa conception de l’enseignement/apprentissage 1. Les stratégies d’apprentissage Apprendre une langue, ce n’est pas seulement intégrer un nouveau système linguistique ou des comportements, c’est aussi adopter des habitudes d’apprentissage. L’enseignant chargé de la formation des apprenants doit être conscient que ceux-ci ont acquis certaines habitudes, bonnes ou mauvaises, qui influenceront leur attitude face à l’objet d’apprentissage. Il risque de se heurter à des résistances si aucun travail de conscientisation n’a été élaboré au préalable. La tâche de l’enseignant peut en effet être fastidieuse s’il est obligé d’alterner en permanence entre l’enseignement des contenus et les remarques concernant les attitudes positives d’apprentissage à adopter. Réciproquement, les enseignants doivent eux aussi prendre conscience que leur comportement constitue une part importante de l’environnement de 2 Dahmen, A. : L’autonomie de l’apprenant en langues vivantes. Education. Langues vivantes. Conseil de l’Europe, 1997 3 Vandenplas-Holper, C. : Apprendre avec autrui tout au long de la vie : la ZDP revisitée, dans Bourgeois, E., Chapelle, G. : Apprendre et faire apprendre, PUF, Paris, 2006 16 l’apprentissage/acquisition d’une langue. Ils jouent un rôle que leurs élèves seront amenés à imiter dans leur éventuelle pratique ultérieure d’enseignants.C’est pourquoi il paraît essentiel de remettre en question les habitudes d’enseignement que nous avons acquises à travers notre formation et nos pratiques passées (par exemple, on n’enseignera pas à des étudiants de langue lointaine de la même manière qu’à des apprenants de langue proche). En conséquence, la classe doit également être un lieu d'entraînement pour acquérir non seulement des compétences mais aussi des stratégies. On ne peut exiger de l’apprenant qu’il ait une attitude autonome face à un document si on ne lui a pas fourni les outils permettant de mettre en place une lecture méthodique, avec des activités de compréhension globales, puis fines. Cela suppose aussi que l'enseignant n'expliquera pas systématiquement les mots difficiles ou incompris. L’enseignant se retrouve alors seul face à une double contrainte : l’enseignement des contenus et celui de stratégies. De plus, tout en faisant pratiquer les contenus, il lui faudra également habituer les apprenants à recourir aux expressions de métacommunication en français (pour exprimer son incompréhension ou pour faire répéter, par exemple) ou encore les habituer à regarder leur interlocuteur – et non l’enseignant – lors des échanges réalisés entre pairs. 2. L’autonomie langagière et les stratégies de communication. a. Le cas de la production orale en interaction ou en continu. On attend des apprenants qu’ils soient capables de faire un usage autonome et spontané de la langue. Or très souvent, ceux-ci répondent aux questions de l’enseignant ou bien relancent la même question qui leur a été posée. Dans le cas des apprenants de langue proche, l’enseignant est trompé par le fait que la langue maternelle (LM) de l’apprenant est suffisamment proche de la langue cible (LC) pour que le transfert des comportements langagiers soit possible. Tout au plus, on constatera quelques interférences entre la LM et la LC que l’on corrigera. Dans le cas des apprenants de langue lointaine qui ne maîtrisent pas suffisamment de langues étrangères, il n’existe aucun point de référence autre que leur LM, c’est pourquoi ils s’exprimeront en français avec des comportements langagiers de leur LM. Si l’enseignant veut développer l’autonomie langagière des apprenants, il doit leur proposer un entraînement à travers des schémas communicatifs ou un travail à partir de modèles. Souvent, les conversations pratiquées entre les apprenants ressemblent à deux productions d’oral en continu qui se croisent, l’interlocuteur connaissant par anticipation la question que l’autre apprenant doit lui poser, puisque le cadre de la communication est imposé par la leçon. L’apprenant prête alors peu d’attention à la question, voire à la réponse qui marque la fin de l’échange. Il suffit que l’enseignant pose une question en rapport avec la réponse de l’apprenant pour que celui-ci soit déstabilisé. Si on veut que se mettent en place de véritables échanges, il faut non seulement faire comprendre aux apprenants qu’en français, la communication n’est pas la même qu’en japonais et qu’il y a des règles à suivre mais il faut également le leur enseigner à travers l’apprentissage de schémas communicatifs. Par exemple, si on habitue les apprenants uploads/Management/ 015-019-crepieux 2 .pdf

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  • Publié le Fev 17, 2021
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