NOTIONS D’INTERFERENCES ET TRANSFERTS LINGUISTIQUES Depuis les temps les plus a

NOTIONS D’INTERFERENCES ET TRANSFERTS LINGUISTIQUES Depuis les temps les plus anciens, les débats linguistiques se sont très souvent au cours de leur histoire, consacrées à l’étude contrastive des langues transparentes ou apparentées en vue d’en déceler les propriétés ou origines communes. Les didacticiens quant à eux, se sont engagés à comparer, voire confronter les systèmes des langues en présence dans les contextes d’enseignement-apprentissage, afin d’identifier les ressemblances et les dissemblances, partant de hypothèse que celles-ci favorisent l’apprentissage (transfert) ou constituent la cause essentielle des fautes (interférences). D’emblée, cette approche nous oriente dès lors vers l’impression de prendre le transfert linguistique pour un phénomène positif et l’interférence pour l’aspect négatif du même phénomène. Nous y reviendrons ! En effet, quand deux langues sont en contact, il se produit entre elles des interférences. Nous avons deux systèmes sur la base desquels nous formalisons le sens et deux « codes » linguistiques qui entrent en contact et s’influencent mutuellement. Nous avons, par conséquent, deux codes qui interfèrent. Il suffit d’établir des parallèles entre deux systèmes linguistiques à travers des énoncés recueillis systématiquement dans les deux langues, pour aboutir à l’analyse d’un système linguistique au moyen d’un autre, d’où la possibilité d’interférences 1. INTERFERENCE, DE QUOI S’AGIT-IL ? Les concepts d’interférence et de transfert dérivent de recherches effectuées en analyse contrastive, qui étaient particulièrement à la mode dans la seconde moitié du siècle précédent. Étant donné divers changements de paradigmes dans la recherche en acquisition des L2, l’analyse contrastive a connu des hauts et des bas, ayant parfois été critiquée avec véhémence. Il semble toutefois qu’en ce début de nouveau millénaire, plusieurs recherches récentes démontrent qu’effectivement, divers types d’erreurs produites en L2 peuvent être clairement reliés à la L1 : «Il existe moins de mésententes qu’il y en déjà eu quant au fait que l’interlangue est par la langue maternelle de l’apprenant, et la plupart des linguistes s’entendraient vraisemblablement pour dire que la langue maternelle peut affecter [... L2] de plusieurs manières» Ce retour impressionnant des études autour du phénomène d’interférence linguistique dans la sphère de didactique des langues retient notre attention et il vaut la peine de s’y attarder un peu pour en déceler le sens et les jalons conceptuels. En effet, Georges MOUNIN le (interférence) définit comme « les changements ou identifications résultant dans une langue des contacts avec une autre langue, du fait du bilinguisme ou du plurilinguisme des locuteurs» Pour CUQ, il s’agit de «l’influence de la langue étrangère sur la langue maternelle (…) et des influences complexes entre les langues étrangères pratiquées par un locuteur et sa langue maternelle». Au premier abord, cette définition reste, à notre sens, cernée aux confins de la didactique des langues et des cultures dans la mesure où, l’auteur confronte langues étrangères et langues maternelles et leurs usages respectifs par les sujets parlant. Cette façon de conceptualiser la notion d’interférence ouvre les portes vers des analyses très poussées sur la dimension psycholinguistique voire cognitive des langues en contact chez le sujet-apprenant. Uriel WEINRICH, quant à lui, cité par Louis-Jean CALVET, conçoit l’interférence comme un «remaniement de structures qui résulte de l’introduction d’élément étrangers dans les domaines les plus fortement structurés de la langue, comme l’ensemble du système phonologique, une grande partie de la morphologie et de la syntaxe et certains domaines du vocabulaire (parenté, couleurs, temps, etc.)» L’interférence est définie par HAMERS et BLANC comme « des problèmes d’apprentissage dans lesquels l’apprenant transfère le plus souvent inconsciemment et de façon inappropriée des éléments et des traits d’une langue connue dans la langue cible ». Chez les apprenants angolais, le fait d’employer dans la langue cible (le français) des éléments appartenant à leur langue maternelle et/ou leur seconde langue (le portugais, le kikongo, le kimbundu…) se traduit par l’apparition d’expressions, de tournures, de création d’hybrides lexicaux, de transfert et d’emprunt. Ces interférences sont attribuées à l’influence de leur langue maternelle et de leur seconde langue. Ces quatre conceptions définitoires disent apparemment la même chose dans la mesure où elles mettent en relief un nouveau produit d’une langue issu de contact ou de l’influence de l’une sur l’autre. Toutefois, Jean-Pierre CUQ laisse entrevoir que toutes les langues parlées par un même locuteur peuvent s’influencer mutuellement et produire ce que MOURIN appelle changements ou identifications. Peu importe le statut de ces langues (maternelles ou étrangères), l’influence de l’une sur l’autre est fatale pour des raisons que nous évoquerons un peu plus loin. HAMERS et BLANC cernent leur approche dans le cadre de la didactique des langues où la langue maternelle est censée être en contact avec la langue cible qui, dans la terminologie contrastive, désigne une langue étrangère ou seconde qui est objet d’apprentissage et qui ne pose pas les mêmes types de problème que celui de la langue maternelle. Dans la sphère de traduction, ce terme (langue cible) renvoie à la langue vers laquelle on traduit (langue d’arrivée). Outre ces acceptions conceptuelles, WEINRICH souligne qu’il existe trois grands domaines de la langue où ces manifestions interférentielles sont plus présentes (la phonologie, la morphosyntaxe et le vocabulaire (lexique). Il est intéressant de noter et d’analyser les autres domaines concernés par les interférences, envisagés par Jean-Pierre CUQ dans son dictionnaire de la didactique du français langue étrangère et seconde : «Ces interférences et ces transferts agissent sur différents plans : phonétique, morphosyntaxe, sémantique, réalisation d’actes de parole, etc., à l’oral et à l’écrit, en production et en compréhension» A ce stade (contrairement à ce que nous avons dit précédemment), CUQ oriente sa réflexion vers la linguistique et la didactique des langues avec des débouchés pragmatiques et sociolinguistiques. Nous allons nous servir de ces champs évoqués par WEINRICH et CUQ pour essayer d’esquisser une typologie des interférences. Un angolais ayant le portugais comme langue maternelle dirait, en situation d’apprentissage ou d’acquisition du français : Je domine mieux le portugais que le français au lieu de je maitrise mieux le portugais que le français (le verbe portugais dominar a le sens de maitriser en français mais, dominer en français serait synonyme de ordonner, imposer, sommer Les apprenants angolais pendant l’apprentissage du français, sont influencés surtout par leur langue maternelle et par les autres langues apprises antérieurement. Alors, l’interférence et l’influence de la langue maternelle pendant l’apprentissage de la langue étrangère ont un impact important sur le processus d’enseignement / apprentissage. Ces interférences sont à l’origine d’autres stratégies d’acquisition de la langue étrangère tel que le transfert de compétences, de connaissances, d’un élément de la langue source, etc. et l’emprunt dans le français. Ainsi, interférence linguistique selon Calvet, sera, comme nous l’avons dit plus haut, l’importation d’éléments des structures d’une langue dans les structures d’une autre langue (le système phonologique, morphologique, syntaxique, entre autres). Cependant, on peut remarquer qu’il y a des interférences linguistiques chez les personnes qui n’ont pas des connaissances assez poussées de la langue qu’elles utilisent. C’est plus fréquent dans la langue seconde que dans la langue maternelle. Parfois les apprenants (et aussi les enseignants) angolais utilisent l’interférence pour se débarrasser de certaines situations difficiles dans des contextes communicationnels en langue cible. Ils emploient parfois un mot, une tournure syntaxique, des formes grammaticales du portugais, ou même à l’anglais voire des autres parlers locaux, quand ils ne maîtrisent pas très bien la règle ; cela leur permet de mieux se faire comprendre ou faire passer le message. A ce stade, l’interférence doit être vue comme un recours positif ou une stratégie d’apprentissage ou de communication. Jean-Pierre CUQ explique que certaines stratégies de «compensation» (compétence stratégique ou tactiques compensatoires) «permettent de suppléer à certaines difficultés que l’on pourrait éprouver dans le maniement de la langue cible». Ces stratégies prégnantes sont partie intégrante du répertoire communicatif courant que le sujet peut étaler aussi bien en langue qu’en langue cible. Parmi ces stratégies, on peut parler du recours à la paraphrase ou aux hyperonymes («animal» à la place de «chien» ou «canard») ; les mimiques, les gestes, les dessins, les onomatopées, les hypergénétiques désémantisés tels que «truc, machin, bidule» dont la signification tient uniquement au contexte d’utilisation. On peut aussi évoquer des stratégies d’évitement où le locuteur s’abstient d’aborder tel ou tel autre sujet ou de recourir à telle ou telle formulation difficile à produire. L’inférence fait, dans une mesure, partie de ces stratégies en situations d’enseignement / apprentissage des langues. Elle permet à l’apprenant d’avancer avec sa prise de parole ou production (orale ou écrite) au lieu de rester sans initiatives et par conséquent, interrompre sa production linguistique. Elle permet aussi à l’enseignant de déceler les besoins ou les attentes de l’apprenant en vue de prévoir de prochaines séances de cours. A l’heure actuelle où les erreurs des apprenants sont au service de l’enseignement / apprentissage, l’interférence semble un phénomène important pourvu qu’elle permette à l’apprenant de se faire comprendre et à l’enseignant de mieux connaitre les problèmes linguistiques des apprenants en vue d’envisager des séquences didactiques correctives. Considérons le tableau suivant, avec des exemples d’interférence produite en situation de classe en Angola : Exemples de phrases produites à l’oral uploads/Marketing/ 3-interference-et-transfert.pdf

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  • Publié le Oct 12, 2022
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