QUE VALENT LES COMMUNICATIONS INTERPERSONNELLES ? CALIBRAGE INTERPERSONNEL DES
QUE VALENT LES COMMUNICATIONS INTERPERSONNELLES ? CALIBRAGE INTERPERSONNEL DES CONNAISSANCES ET SELECTION DES SOURCES DE CONSEIL Laurent Bertrandias* Maître de Conférences IAE, Université Toulouse Capitole – CRM-CNRS Eric Vernette Professeur IAE, Université Toulouse Capitole – CRM-CNRS Catégorie : Recherche * Coordonnées professionnelles : IAE de Toulouse, 2 rue du Doyen Gabriel Marty 31042 TOULOUSE CEDEX, Mail : laurent.bertrandias@univ-tlse1.fr, Tél. : 05 61 63 56 28 / 06 64 97 72 17 Adresse personnelle : Le Cosilodge C23, Chemin de St Cirice, 46000 CAHORS QUE VALENT LES COMMUNICATIONS INTERPERSONNELLES ? CALIBRAGE DES CONNAISSANCES ET SELECTION DES SOURCES DE CONSEIL Résumé Pour choisir, le consommateur demande souvent conseil à des personnes de son entourage, notamment à des amis, des leaders d’opinion ou encore à des consommateurs experts. Les conseils des amis et des leaders d’opinion sont plus recherchés parce que les consommateurs surestiment leurs connaissances ; paradoxalement, les experts sont moins sollicités, car leurs connaissances sont sous-estimées. Ces erreurs de calibrage interpersonnel diminuent si la source évalue correctement ses propres connaissances, et augmentent dans le cas contraire. Mots-clés : bouche-à-oreille, leadership d’opinion, expert, liens forts, stéréotypes, recherche d’information, calibrage des connaissances. How valuable are the interpersonal communications? Knowledge calibration and recommendation sources’ selection Abstract: To make choices, consumers often seek advices from relevant others, for example friends, opinion leaders or experts. This paper shows that advices from friends or opinion leaders are often sought because their knowledge is overestimated; paradoxically, experts are not much solicited because their knowledge level is underestimated. Interpersonal miscalibration is higher when interpersonal sources over or underestimate their own knowledge. Key-words: word-of-mouth, opinion leadership, information seeking, knowledge, knowledge calibration 1 INTRODUCTION Les consommateurs recherchent fréquemment l’opinion d’autres personnes avant de procéder à un achat (Price et Feick, 1984). Le bouche à oreille est, en moyenne, la source d’information la plus utilisée pour choisir un produit (31%), bien avant la publicité (14%), dans 23 catégo- ries de produits (East, Hammond et Lomax, 2005) ; l’impact moyen du bouche à oreille sur la variation des intentions d’achat est d’environ 20% (East, Hammond et Lomax, 2008). Une anecdote concernant un produit est plus persuasive si elle est transmise par bouche-à-oreille que si elle est écrite (Herr, Kardes et Kim, 1991). Mais rien ne garantit que ces flux d’informations interpersonnelles, peu maîtrisés par l’entreprise, soient fondés sur des connais- sances objectives : ils peuvent être incomplets, inexacts, et dans certains cas, dangereux. Pour- tant, ces conseils contribuent à la formation de l’image de marque et influencent les choix des consommateurs. Dans son entourage, le consommateur dispose de sources d’informations interpersonnelles pouvant présenter différents profils : des amis, des experts ou des leaders d’opinion dans la catégorie de produit. L’ami est un lien fort (Granovetter, 1973 ; Brown et Reingen, 1987 ; Kiecker et Hartman, 1994) ou homophile (Price, Feik et Higie, 1989 ; Gilly et al., 1998). L’expert dispose de connaissances objectives dans la catégorie de produit ; c’est un consom- mateur « capable d’exécuter avec succès des tâches reliées au produit » (Alba et Hutchinson, 1987). Le leader d’opinion (Katz et Lazarfeld, 1955) discute souvent avec son entourage des marques et des produits dans le domaine concerné ; ses avis sont crédibles, son expertise est perçue par l’entourage, sans être nécessairement réelle (e.g. Jacoby et Hoyer, 1981 ; Gilly et al., 1998 ; Grewal, Mehta et Kardes, 2000, co-auteur 2004). La première préoccupation de cet 2 article, pas réellement tranchée dans la littérature, est de déterminer le ou lesquels de ces pro- fils types le consommateur privilégie dans sa recherche d’information. La deuxième est d’identifier certaines raisons à ces préférences. Face à ces sources d’informations potentielles, le consommateur cherche à repérer celles capables de donner un conseil de qualité. Pour évaluer la crédibilité des informations reçues et décider s’il en tient compte ou pas, le consommateur doit paradoxalement d’abord évaluer les sources potentielles de conseil (Gershoff, Broniarckzyk et West, 2001 ; Gershoff et Johar, 2006). Pour cela, il doit répondre à une question simple : est-ce que la personne interrogée dispose de connaissances objectives suffisantes pour me donner un conseil de qualité ? Cette évaluation implique un calibrage interpersonnel des connaissances. Ce concept se définit comme le degré de corres- pondance entre la connaissance attribuée à une source personnelle d’information et le niveau de connaissance objective de cette source. Etant donné que ce sont surtout les consommateurs novices (ou peu familier) dans une catégorie de produits qui se tournent vers des sources d’information interpersonnelles (Kiel and Layton, 1981 ; Mourali et al., 2005) : il faut s’attendre à ce qu’il commettent des erreurs importantes de calibrage c’est-à-dire qu’ils sures- timent ou sous-estiment les connaissances des sources de conseil. Des sources dont les connaissances sont surestimées pourraient alors donner des conseils à la valeur aléatoire et aux conséquences néfastes. On sait par exemple que dans un contexte de bouche à oreille, les informations négatives ont plus de poids que les favorables, car elles facilitent la catégorisa- tion (Herr, Kardes et Kim, 1991). Des informations négatives erronées véhiculées par des sources considérées à tort comme expertes pourraient être durablement préjudiciables aux marques. Par ailleurs, obtenir et suivre un mauvais conseil peut mettre en danger le consom- mateur, par exemple dans le cadre de décision d’aménagement de son habitat, d’automédication, ou bien encore dans le refus de se faire vacciner contre certaines maladies. 3 La recherche en comportement du consommateur est fondée à s’interroger sur son rôle dans l’amélioration d’un bien être individuel et collectif dégradé par certaines pratiques de consommation (Mick, 2006 ; Sirgy et Lee, 2008). Dès lors, la question de la valeur et du cré- dit à accorder aux communications interpersonnelles prend tout son sens : dans quelle mesure les conseils peuvent-ils améliorer les choix de consommation ? Si le consommateur commet des erreurs d’évaluation des connaissances des sources, il est lé- gitime d’en rechercher les causes. Le principal suspect pourrait être la source de conseil elle- même. Une source qui évaluerait mal (sur estime ou sous estime) ses propres connaissances objectives (calibrage individuel) pourrait induire en erreur son entourage ; inversement, une source qui évaluerait correctement ses connaissances réduirait sensiblement les erreurs du consommateur (calibrage interpersonnel). Cette vision interpersonnelle du calibrage est nova- trice : en effet, jusqu’à présent, la plupart des recherches en comportement du consommateur se sont limitées au calibrage individuel des connaissances (Alba et Hutchinson, 2000 ; Pillai et Hofacker, 2007 ; Kidwell, Hardesty et Childers, 2008). Le fil conducteur de cet article est la compréhension des liens existant entre les calibrages in- dividuels et interpersonnels des connaissances et la sélection des sources. Plus spécifiquement nous cherchons à répondre à trois questions : A qui le consommateur demande-t-il conseil dans son entourage avant de choisir un produit ? Dans quelle mesure ce choix des sources est influencé par les erreurs de calibrage interpersonnel ? Est-ce que le calibrage individuel des connaissances de la source influence le calibrage interpersonnel ? Cet article amène des contributions sur le rôle des communications interpersonnelles dans la prise de décision du consommateur et la théorie du calibrage des connaissances. Sur un plan opérationnel, les im- 4 plications concernent d’abord la préservation du bien-être du consommateur et plus à la marge, la communication marketing. CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL La sélection des sources d’information interpersonnelles Le réseau personnel du consommateur est vaste. En moyenne, chaque individu connait plus de 2000 personnes (Degenne et Forsé, 2004). Confronté à une décision appelant une recherche d’information, le consommateur doit mettre en place un processus de sélection des sources de conseil fondé sur une évaluation de leurs connaissances (Gershoff, Broniarckzyk et West, 2001). Il s’agit pour lui de s’assurer que la source possède le niveau de connaissance suffisant pour que ses conseils soit dignes d’être pris en compte. Mais les consommateurs peuvent se contenter d’une évaluation a minima fondée sur des croyances catégorielles ou stéréotypes (Brewer, 1988 ; Fiske et Neuberg, 1991 ; Kunda et Thagard, 1996). Les stéréotypes sont des «croyances partagées concernant les caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité ou des comportements, d’un groupe de personnes » (Leyens et Vaes, 2000). Ils représentent des heuristiques simplifiant l’évaluation des connaissances de l’entourage. Pour former leurs impressions sur les sources de conseils, le seul recours aux stéréotypes est néanmoins peu probable lorsque les consommateurs sont impliqués dans la recherche d’information (Fiske et Neuberg, 1991). Le consommateur est alors prêt à consentir à plus d’efforts et individualise l’évaluation des personnes de l’entourage. Dans un contexte professionnel, l’accessibilité et la qualité de la source sont alors les deux facteurs principaux qui déterminent sa sélection (Culnan, 1983 ; O’Reilly, 1982 ; Zimmer, Henry et Butler, 2007). L’accessibilité est d’ailleurs souvent privilégiée au détriment de la 5 qualité : des sources de moindre qualité, mais plus accessibles, sont plus souvent choisies que des sources de bonne qualité, mais éloignées (Culnan, 1983 ; Gerstberger et Allen, 1968, O’Reilly, 1982). De même, dans l’entourage personnel du consommateur, la sélection d’une source d’information présuppose une proximité relationnelle ou une ressemblance avec la source (Brown uploads/Marketing/ bertrandias-vernette-que-valent-les-communications-interpersonnelles-calibrage-interpersonnel-des-connaissances-et-selection-des-sources-de-conseil.pdf
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- Publié le Mai 20, 2021
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