Chapitre 2 : Commerce international et concurrence monopolistique Armel JACQUES

Chapitre 2 : Commerce international et concurrence monopolistique Armel JACQUES Première mise en ligne : 18 février 2007 Cette version : 8 avril 2007 1 Introduction Dans les modèles de Ricardo, de Heckscher-Ohlin-Samuelson et dans les modèles de concurrence à la Cournot du chapitre 1, le nombre de biens produits est exogène. Il existe un petit nombre de biens et tous sont produits dans l’équilibre d’autarcie et dans l’équilibre de libre échange. L’ouverture des frontières ne permet pas aux consommateurs d’accèder à de nouveaux biens qui ne sont pas produits dans leur pays. Dans ce chapitre, au contraire, le nombre de biens produits est endogène. Il existe un grand nombre de biens potentiels et seule une partie de ces biens potentiels est produite dans chacun des pays. L’ouverture des frontières va permettre aux consommateurs d’accéder à de nouveaux biens. L’interprétation la plus courante est qu’il existe un nombre …ni de "biens de base" (voitures, vêtements, …lms de cinéma, DVD, CD, etc), mais, que chacun de ces "biens de base" peut se décliner en une in…nité de variétés. La di¤érence entre deux variétés d’un même bien est beaucoup plus faible qu’entre deux biens di¤érents. Par exemple, le bien "repas au restaurant" se décline en un grand nombre de variétés di¤érentes : restaurants chinois, indiens, japonais, français, italiens, etc. De même, on peut distinguer di¤érentes variétés de …lms : …lms français psychologiques, …lms d’actions américains, massala movies, …lms japonais, dessins animés, etc. Chacune de ces catégories de …lms regroupant des …lms di¤érents. Certaines variétés potentielles peuvent ne pas être produites. Le nombre de variétés de voitures imaginables est supérieur au nombre de modèles CERESUR, Université de La Réunion, Faculté de Droit et d’Economie, 15, avenue René Cassin, 97715 Saint-Denis messag cedex 9. Email : Armel.Jacques@univ-reunion.fr. 1 réellement disponibles. Pour représenter formellement cette di¤érence entre biens di¤érents et variétés di¤érentes, on peut introduire des fonctions d’utilité à deux niveaux : U = U [u1 (:) ; u2 (:) ; :::; uI (:)] où ui (:) est la "sous-utilité" engendrée par la consommation du bien i et U (:) est une fonction d’utilité d’un niveau plus élevé qui transforme les sous-utilités associées à chacun des biens en un niveau global de bien-être. On va supposer que si le bien i est un bien homogène (blé, eau, électricité, etc) alors ui (:) ne dépend que de la quantité du bien consommée Di, et plus particulièrement, on va poser : ui (Di)  Di. Si, au contraire, le bien i est un bien di¤érencié, alors ui (:) va dépendre de la quantité de chaque variété consommée. Le goût pour la variété peut être modélisé de deux façons di¤érentes. On peut supposer que pour certains biens, les individus ont un goût pour la diversité. Par exemple, en matière culinaire, les individus peuvent apprécier de varier : manger chinois, indien, japonais, libanais, etc plutôt que toujours chinois. De même, les individus peuvent préférer voir un …lm romantique indien, un …lm policier hong-kongais et un dessin animé japonais plutôt que trois …lms policiers hong-kongais. Les consommateurs considèrent que toutes les variétés sont de qualités équivalentes. Des …lms avec Sharukh Khan, Gérard Depardieu, Al Pacino ou Takeshi Kitano1 sont considérés comme des produits di¤érents mais de qualité égale. A l’inverse pour d’autres biens, on peut supposer que les individus ont une variété idéale et essayeront d’obtenir une variété qui s’en rapprochera le plus possible. On peut, par exemple, penser que c’est le cas pour les automobiles. Si, cependant, cette variété idéale est di¤érente pour chacun des individus composant la population, au niveau agrégé, on aura une préférence pour la diversité comme dans le cas précédent. Plus il y aura de modèles proposés et plus les individus auront de chance de trouver un modèle proche de celui de leurs rêves. Le bien-être de l’ensemble de la population aura, donc, tendance à augmenter lorsque le nombre de variétés disponibles augmente. Dans ce chapitre, on va développer la première approche2 : chacun des individus a un goût pour la diversité3. On a vu, dans le chapitre sur la di¤érenciation horizontale du cours d’économie industrielle, que les …rmes peuvent développer des stratégies assez sophistiquées de positionnement de leurs produits 1Alternative : Scarlett Johansson, Virginie Ledoyen, Zhang Ziyi ou Rani Mukherjee. 2Cette approche est basée sur les travaux d’économie industrielle de Spence (1976) et Dixit et Stiglitz (1977). 3Les étudiants intéressés par la seconde approche peuvent se reporter à Helpman et Krug- man (1985) ou à Lancaster (1980). 2 par rapport à ceux des …rmes concurrentes. Intégrer ce type de stratégies dans un modèle d’équilibre général serait trop compliqué. On supposera, donc, que les consommateurs considèrent que toutes les variétés d’un même bien sont symétriques. Le bien-être des consommateurs dépendra, donc, du nombre de variétés disponibles et non de leurs caractéristiques précises. On supposera aussi que l’évaluation des biens par les consommateurs ne dépend pas de leur lieu de production. Par exemple, les consommateurs ne supposent pas a priori qu’une voiture produite en Allemagne est de meilleure qualité qu’une voiture produite en Italie. Autre exemple, un cinéphile français attribue la même valeur à un …lm étranger qu’à un …lm français. On évacue, donc, tous les problèmes de di¤érences de qualité, de préférences nationales, d’information imparfaite sur les biens importés, etc4. Dans ce chapitre, la variable stratégique choisie par les …rmes sera le prix. On sait que la con- currence en prix peut rendre la résolution des modèles assez complexe. Pour simpli…er l’analyse, on supposera que le nombre de …rmes est "grand", ce qui permettra de supprimer les aspects stratégiques liés à la …xation du prix. On fera, donc, des hypothèses assez restrictives sur les préférences des consommateurs et sur les fonctions de coût des …rmes a…n d’essayer de conserver des modèles relativement simples. Dans ce chapitre, on va présenter trois modèles, tous dus à Krugman. Le premier permet de rendre endogène le nombre de biens et d’étudier l’e¤et des échanges sur le nombre de biens produits et le niveau de production par …rme. Le deuxième modèle étudie les e¤ets dans ce type de modèles de di¤érences factorielles entre les pays. Le troisième modèle étudie l’impact de l’introduction de coûts de transport. 2 Modèle de Krugman (1979) L’une des premières études formalisées qui endogénise le nombre de biens produits est due à Krugman (1979)5, qui a transposé à l’économie internationale le modèle de Dixit et Stiglitz (1977). 4Ces problèmes feront l’objet (sous réserve de temps) d’un autre chapitre (en cours d’écriture). 5L’idée était dans "l’air du temps" et plusieurs autres études ont développé des modèles similaires a peu près simultanément : Helpman (1981), Lancaster (1980), Lawrence et Spiller (1983), parmi d’autres. Une première synthèse de ces travaux a été réalisée par Helpman (1984). 3 2.1 Hypothèses du modèle L’économie ne contient qu’un seul facteur de production : le travail. Ce facteur peut être utilisé pour produire un grand nombre de biens. Le nombre de biens produits, n, est grand mais inférieur au nombre de biens pouvant potentiellement être produits. Tous les individus ont la même fonction d’utilité : U = n X i=1 v (ci) avec v0 > 0 et v00 < 0 où ci représente la quantité consommée du bien i. La fonction v (:) est concave. Le bien-être d’un individu augmente donc lorsqu’il consomme un peu plus d’un bien mais de moins en moins. En revanche, la fonction U est additive. Le bien-être apporté par la consommation de l’un des biens ne dépend pas des quantités consommées des autres biens. Avec ce type de fonction d’utilité, si tous les biens sont vendus au même prix, le consommateur va acheter la même quantité de chacun de ces biens. En outre, si n augmente et que le prix des biens reste identique, le bien-être du consommateur augmente. Il y a donc un goût pour la diversité. On dé…nit la variable, ", qui sera très utile dans la suite, de la façon suivante : "i = v0 v00ci et on fait l’hypothèse que @"i @ci < 0. Cette hypothèse est importante et conditionne une partie des résultats obtenus. La variable "i va se révéler être l’élasticité de la demande à laquelle un producteur individuel est confronté. La quantité de travail nécessaire pour produire un bien se décompose en un coût …xe de mise au point du bien et un coût variable constant : li = + xi ; > 0 i = 1; :::; n où li est la quantité de travail utilisée pour produire le bien i et xi est la quantité produite de ce bien. Le coût moyen est, donc, décroissant et le coût marginal de production est constant. L’o¤re de travail est exogène. Elle est égale à L. On note w le taux de salaire. 2.2 Equilibre en autarcie On commence par déterminer l’équilibre d’autarcie avant de le comparer à l’équilibre de libre échange pour caractériser les e¤ets des échanges. 4 2.2.1 Conditions d’équilibre Pour que l’économie soit au point d’équilibre, trois conditions doivent être remplies. 1) Le marché de chacun des biens uploads/Marketing/ concurrence-monopolistique 1 .pdf

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  • Publié le Nov 30, 2022
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