L’objectif de cet article est de proposer une réflexion quant à l’appropriation
L’objectif de cet article est de proposer une réflexion quant à l’appropriation par les banques de l’approche relationnelle du client. Après avoir montré l’adéquation entre le marketing relationnel et ce secteur, nous observons les évolutions du métier de banquier qui élargissent ses activités au-delà de son domaine traditionnel. Ces changements nous conduisent à nous interroger sur la volonté réelle des enseignes bancaires à placer le client et la relation-client au cœur de leurs préoccupations. VÉRONIQUE DES GARETS Université de Tours MATHIEU PAQUEROT ISABELLE SUEUR Université de La Rochelle L’approche relationnelle dans les banques Mythe ou réalité? DOI:10.3166/RFG.191.123-138 © 2009 Lavoisier, Paris D O S S I E R L a déréglementation dans l’industrie bancaire a conduit à la multiplica- tion des interlocuteurs possibles pour les clients. Outre les banques de réseaux traditionnelles, de nouveaux distri- buteurs ont cherché à conquérir une partie de la clientèle de la banque de détail à l’image des assureurs et des grands distri- buteurs. De nouveaux intervenants tentent de se positionner sur la banque à distance, se proposant comme alternative aux réseaux traditionnels. Même s’il n’est pas aisé de changer de banque, les responsables du secteur ont réalisé la nécessité de construire une véritable relation avec le client afin de limiter le caractère opportu- niste des échanges et d’inscrire ces échanges dans la durée. De nombreux moyens ont été proposés pour développer les occasions d’échange donnant l’impres- sion qu’une approche relationnelle a été développée dans les banques. Notre présentation vise à confronter la réa- lité de la relation client avec les objectifs affichés. Sous couvert du développement des outils de la relation client à l’image de l’organisation multicanal, peut-on vraiment parler d’une approche relationnelle dans les banques? Nous justifions d’abord le recours au mar- keting relationnel en montrant qu’il est adapté au secteur bancaire ; puis nous constatons l’évolution du métier de ban- quier qui conduit les réseaux à proposer un portefeuille de services élargi et fait évoluer le rôle du conseiller. Enfin, nous nous inter- rogeons sur la légitimité du multicanal pour la construction d’une relation avec le client. I – LE MARKETING RELATIONNEL: CONCEPTS ET OUTILS Les travaux de Berry (1983) ont été à l’ori- gine d’un intérêt croissant pour le marke- ting relationnel. Il est le premier à avoir uti- lisé les termes de « marketing relationnel ». Constatant les limites des outils du marke- ting management utilisés habituellement dans le marketing transactionnel, ce concept s’est imposé progressivement chez les chercheurs et les praticiens. Berry en 1995 a montré que l’approche du marketing relationnel était parfaitement adaptée au secteur des services donc au secteur de la banque. 1. Le marketing relationnel On envisage habituellement trois approches pour le marketing relationnel (Payne, 1995 ; Palmer et al., 2005). – L ’approche marketing industriel, IMP (Industrial Marketing Purchasing), est focalisée sur une analyse dyadique des rela- tions entre deux organisations au sein d’un réseau (Hakansson, 1982). Les relations sont construites sur un ensemble d’interac- tions et évoluent selon une succession d’étapes permettant de passer d’une adapta- tion mutuelle à un rapprochement puis à un engagement entre les organisations. Ces analyses se situent dans un contexte interor- ganisationnel. – L ’école nordique du marketing des ser- vices se situe dans le prolongement de ces travaux; Grönroos (1994) parle d’un glisse- ment du paradigme traditionnel du marke- ting management au paradigme relationnel. Gummesson (2002) définit le marketing relationnel comme une somme d’interac- 124 Revue française de gestion – N° 191/2009 tions, de relations et de réseaux. Les travaux de l’école nordique mettent l’accent sur les processus ayant favorisé la construction d’une relation, ce qui permet d’envisager la relation dans sa globalité. Payne (1995) rap- proche ces deux courants dans une seule école de pensée. – L ’école anglo-australienne est conduite par les travaux de Christopher et al. (1991). Ils englobent le marketing relationnel dans une approche plus large de la relation client. Ils définissent le modèle des six par- ties prenantes décrivant six marchés pour une organisation: le marché des clients actuels et potentiels, le marché de réfé- rence, constitué en particulier par les recommandations des clients, le marché d’influence auquel appartiennent les ana- lystes financiers, les groupes de consom- mateurs, la presse, l’État et les action- naires, le marché du recrutement, le marché des fournisseurs et le marché interne. L ’interaction avec ces marchés doit offrir la meilleure offre en termes de pro- duits et services. Ce courant analyse l’at- traction et la rétention des clients en met- tant l’accent sur leur satisfaction. Ces trois courants mettent l’accent sur la nécessité d’élargir son portefeuille clients et de construire une relation à long terme avec chacun d’eux. Nous retiendrons la définition de Berry: le marketing relation- nel est le fait d’« attirer, maintenir et ren- forcer la relation client ». Les chercheurs s’accordent à reconnaître trois différences majeures entre le marke- ting transactionnel et le marketing relation- nel: la perspective temporelle, la compo- sante stratégique et la dimension sociale. Le marketing relationnel est appréhendé dans la durée. L ’échange relationnel initia- lement défini par Mac Neil (1980) est opposé à l’échange discret, il intègre une dimension historique et contextuelle de l’échange et se situe dans le long terme. Dans une telle relation, l’engagement et la confiance sont des éléments fondamentaux des étapes de la vie de la relation à savoir la création, le maintien et la rupture des rela- tions. Le marketing relationnel recherche la stabilité des relations d’échange fondées sur la fidélité mutuelle qui dépasse le contrat formel. Le marketing relationnel s’oppose au mar- keting transactionnel dans sa composante stratégique; l’échange relationnel suppose la mise en place d’investissements qui limi- tent la possibilité de changer de partenaire du fait de coûts de changements. Ces inves- tissements sont aussi bien techniques qu’humains. Ils peuvent également corres- pondre à l’investissement en temps passé à connaître son partenaire. Enfin, la dimension sociale de l’échange est très élevée dans le marketing relationnel. Absente du marketing transactionnel dans lequel l’échange est limité à une simple allo- cation des ressources dans une perspective économique, la dimension sociale prend toute sa place comme le rappellent Dwyer et Shurr (1987): « dans un échange relation- nel, les participants retirent des avantages personnels, des satisfactions de nature non économiques et s’engagent dans un échange social ». On y retrouve les composantes cen- trales d’engagement et de confiance du modèle KMV de Morgan et Hunt (1994). La distinction entre marketing transaction- nel et relationnel a été parfaitement décrite par Payne et al. (1998). Berry a souligné que le cadre du marketing relationnel était adapté aux services pour quatre raisons qui s’appliquent au secteur bancaire. L ’approche relationnelle dans les banques 125 – La relation interpersonnelle est particuliè- rement importante dans un contexte où la qualité de service est difficile à évaluer et le risque perçu du client est élevé. La notion de confiance est donc fondamentale. – Le marketing relationnel est une façon pour les entreprises de garder leurs clients dans un cadre marqué par la dérégulation, l’ouverture du marché français aux banques étrangères et l’arrivée de nouveaux concur- rents tels que les compagnies d’assurance. Le consommateur fait l’objet de toutes les attentions de ces nouveaux acteurs pour l’attirer. L ’étude bien connue de Reicheld et Sasser (1990) a montré l’intérêt de fidéliser les clients pour favoriser la performance financière. – L ’approche relationnelle de l’échange est parfaitement adaptée au secteur bancaire car elle permet de renforcer l’image de marque de l’entreprise. L ’absence de diffé- renciation entre enseignes bancaires conduit le client à choisir la banque la plus proche de chez lui ou celle qui lui semble la moins coûteuse. La construction d’une rela- tion entre le fournisseur de services finan- ciers et le client permet à ce dernier de se sentir valorisé, favorise la composante affective de la relation et la fidélité attitudi- nale. L ’attachement à la marque rend le client moins volatil. Lorsque la différencia- tion par les éléments tangibles de l’offre est impossible (taux d’intérêt, coûts de gestion d’un compte, etc.) les éléments intangibles prennent une importance particulière. – Enfin, les technologies de l’information (TIC) ont incontestablement facilité le développement des relations dans les ser- vices bancaires. Elles ont enrichi le contenu de la relation et favorisé les échanges entre l’entreprise et ses clients. En interne, une meilleure connaissance des clients par un enrichissement des bases de données per- met de proposer le bon produit au bon client en personnalisant les services. En externe les modes de communication entre le client et sa banque ont été multipliés ouvrant la voie au multicanal. Tout laisse donc à pen- 126 Revue française de gestion – N° 191/2009 Tableau 1 – Le passage du marketing de la transaction au marketing de la relation Source : Payne et al. (1998). Marketing de la transaction Marketing de la relation Orientation à court terme Orientation à long terme Intérêt pour la vente isolée Intérêt pour la rétention de clientèle Contact discontinu avec la clientèle Contact continu avec la clientèle Mise en avant des caractéristiques Mise en uploads/Marketing/l-x27-approche-relationnelle-dans-les-banques.pdf
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- Publié le Sep 17, 2021
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