Résumé du livre Caligula, prince relativement aimable jusque là, s’aperçoit à l
Résumé du livre Caligula, prince relativement aimable jusque là, s’aperçoit à la mort de Drusilla, sa sœur et sa maîtresse, que « les hommes meurent et ils ne sont pas heureux ». Dès lors, obsédé par la quête de l’absolu, empoisonné de mépris et d’horreur, il tente d’exercer, par le meurtre et la perversion systématique de toutes les valeurs, une liberté dont il découvrira pour finir qu’elle n’est pas la bonne. Il récuse l’amitié et l’amour, la simple solidarité humaine, le bien et le mal. Il prend au mot ceux qui l’entourent, il les force à la logique, il nivelle tout autour de lui par la force de son refus et par la rage de destruction où l’entraîne sa passion de vivre. Mais, en postulant que la vérité est de se révolter contre le destin, son erreur est de nier les hommes. On ne peut tout détruire sans se détruire soi-même. C’est pourquoi Caligula dépeuple le monde autour de lui et, fidèle à sa logique, fait ce qu’il faut pour armer contre lui ceux qui finiront par le tuer. Caligula est l’histoire d’un suicide interféré. C’est l’histoire des erreurs la plus humainement et la plus tragiquement retranscrite. Être infidèle à l’humain pour cause d’excessive fidélité à soi, Caligula consent à mourir après avoir compris qu’on ne peut se sauver seul et qu’on ne peut être libre contre les autres. Si Albert Camus acquiert une reconnaissance par ses romans, il exprime une passion sans precedent pour le theatre. Nombre de ses pieces sont revelatrices de la pensee philosophique de l'auteur. Dans Caligula, la mise en scene d'un personnage historique noir permet a Camus d'exprimer toute l'ambiguite d'une revolte qui s'oppose a l'absurdite de la vie. Par la figure de style de l'ironie, l'auteur rend compte d'un langage a double detente que sert a merveille la forme theatrale. Cette figure complexe se revele determinante dans une uvre fortement influencee par le contexte de la Seconde Guerre Mondiale. Aussi, comprendre son fonctionnement conduit a deceler les finesses du langage des personnages et ainsi d'en saisir toute l'epaisseur. C'est en s'arretant sur les differentes etapes d'ecriture de la piece que l'on mesure la volonte de Camus de transmettre un message politique et de prevenir contre les derives du pouvoir totalitaire. Au dela du jeu d'esprit que represente l'ironie, elle apparait comme une veritable arme argumentative au service d'un personnage a premiere vue, puis a celui d'un auteur engage dans son oeuvre, dans sa vie." Implicite Camus, Caligula, acte I scène 8 CALIGULA (1945) ALBERT CAMUS ACTE I SCÈNE 8 SCÈNE VIII Caligula s'assied près de Caesonia. CALIGULA Écoute bien. Premier temps : tous les patriciens, toutes les personnes de l'Empire qui disposent de quelque fortune - petite ou grande, c'est exactement la même chose - doivent obligatoirement déshériter leurs enfants et tester sur l'heure en faveur de l'État. L'INTENDANT Mais, César... CALIGULA Je ne t'ai pas encore donné la parole. À raison de nos besoins, nous ferons mourir ces personnages dans l'ordre d'une liste établie arbitrairement. A l'occasion, nous pourrons modifier cet ordre, toujours arbitrairement. Et nous hériterons. CAESONIA, se dégageant. Qu'est-ce qui te prend ? CALIGULA, imperturbable. L'ordre des exécutions n'a, en effet, aucune importance. Ou plutôt ces exécutions ont une importance égale, ce qui entraîne qu'elles n'en ont point. D'ailleurs, ils sont aussi coupables les uns que les autres. Notez d'ailleurs qu'il n'est pas plus immoral de voler directement les citoyens que de glisser des taxes indirectes dans le prix de denrées dont ils ne peuvent se passer. Gouverner, c'est voler, tout le monde sait ça. Mais il y a la manière. Pour moi, je volerai franchement. Ça vous changera des gagne-petit. (Rudement, à l'intendant.) Tu exécuteras ces ordres sans délai. Les testaments seront signés dans la soirée par tous les habitants de Rome, dans un mois au plus tard par tous les provinciaux. Envoie des courriers. L'INTENDANT César, tu ne te rends pas compte... CALIGULA Écoute-moi bien, imbécile. Si le Trésor a de l'importance, alors la vie humaine n'en a pas. Cela est clair. T ous ceux qui pensent comme toi doivent admettre ce raisonnement et compter leur vie pour rien puisqu'ils tiennent l'argent pour tout. Au demeurant, moi, j'ai décidé d'être logique et puisque j'ai le pouvoir, vous allez voir ce que la logique va vous coûter. J'exterminerai les contradicteurs et les contradictions. S'il le faut, je commencerai par toi. COMMENTAIRE Albert CAMUS (1913-1960) est un philosophe, romancier, nouvelliste, et dramaturge français du XXème siècle. La plupart de ses œuvres développent un humanisme fondé sur la prise de conscience de l’absurdité de la vie humaine. Il qualifiera sa première réflexion à ce sujet de « cycle de l’absurde », dans lequel quatre œuvres figurent, dont une pièce de théâtre intitulée Caligula (1945). Dans cette pièce, Camus met en scène un jeune empereur du même nom que l’œuvre, se transformant après la mort de sa sœur en un homme « obsédé d’impossible, [et] emprisonné de mépris et d’horreur », ce personnage étant inspiré du célèbre empereur romain Caligula (37 à 41). Dans la scène 8 de l’acte I de cette œuvre, on assiste au dialogue entre Caesonia (maîtresse de Caligula), un intendant, et Caligula lui-même, au sujet des mesures que ce dernier compte mettre en place. On verra en quoi ce dialogue relève de la naissance d’un tyran. D’abord, on observera la théorie de Caligula au sujet du pouvoir et de la tyrannie, puis nous analyserons les principes et les conséquences négatives de cette tyrannie. Albert Camus T out le raisonnement de Caligula repose sur la logique, il le dit lui- même, « [il] [a] décidé d’être logique » (l.26). Son discours est extrêmement bien construit : connecteurs logiques, connecteurs temporels, conjonctions de coordination (« premier temps » (l.2) ; « A raison de » (l.7) ; « en effet » (l.12) ; « mais » (l.17), tous les moyens sont utilisés pour rendre son propos indiscutable, les didascalies étant également là pour renforcer cet effet, puisqu’elles nous disent qu'il est « imperturbable » (l.12), ce qui nous laisse penser que Caligula est sûr de lui. Son plan est donc très facile à suivre : premièrement « tous les patriciens […] [devront] obligatoirement déshériter leurs enfants », puis ils seront tués « dans l’ordre d’une liste établie », et ce « en faveur de l’Etat ». Aucune place n’est laissée à l’implicite, puisque « gouverner c’est voler » autant qu'il le fasse « franchement » et qu’il « vol[e]directement les citoyens » plutôt que de le faire de manière indirecte. Il utilise donc une logique implacable à partir d’un postulat (« gouverner c’est voler ») pour justifier la spoliation directe des biens par un raisonnement par analogie (« il n'est pas plus immoral de voler directement les citoyens que de glisser des taxes indirectes »). Mais derrière ce discours si implacable et si autoritaire se cachent de réelles absurdités. En effet, dans son discours, Caligula se contredit lui-même à plusieurs reprises. Il dit tout d’abord que les patriciens seront tués « dans l’ordre d’une liste établie » pour ensuite enchaîner sur « l’ordre des exécutions n’a en effet, aucune importance », pour ensuite dire que « ces exécutions ont une importance égale » et que de ce fait « elles n’en ont point ». Ces équivalences fondées sur un pseudo syllogisme aboutissent à des absurdités logiques et à une confusion dans l’échelle des valeurs, ce qui décrédibilise son raisonnement. Mais Caligula n’en a que faire, puisqu'il est l’empereur, et que quelle que soit la chose qu'il veut faire, il pourra toujours la faire : il a tous les pouvoirs. Ce discours s’apparente donc parfaitement à celui d’un tyran, les excès et la violence n’étant pas oubliés. En effet, le fait que « gouverner, c’est voler » n’implique pas forcément le fait que la politique tenue soit monstrueuse ou violente. C’est Caligula qui veut que les choses soient ainsi en tant que tyran. Cette violence se voit notamment dans son autoritarisme : les riches « doivent obligatoirement déshériter ». Il fait les choses dans la précipitation, il faut que tout soit fait « sur l’heure », ou « dans un mois au plus tard ». Son raisonnement est basé sur l’extrémisme : il « exterminer[a] les contradicteurs et contradictions », volera, « fer[a] mourir » des gens. C’est Caligula lui-même qui rend cette politique monstrueuse, et avoue lui-même agir de manière arbitraire puisqu’à deux reprises il utilise le mot « arbitrairement ». Il est donc pleinement conscient que ce qu’il fait n’a pas de réelle justification, et est plus dans l’ordre du « caprice » d’un maître, qui n’agit pas du tout dans l’intérêt public, mais « en faveur de l’Etat » (donc dans son propre intérêt). Mais c’est moins la question de l’argent qui l’intéresse que le fait d’exercer sa volonté, sa liberté pour changer le monde à sa façon. Cette négation de l’intérêt public le conduit donc au mépris de l’autre, au mépris des humains, et donc au mépris de uploads/Philosophie/ caligula.pdf
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- Publié le Oct 18, 2021
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