XVIIIe SIE ` CLE Le conte philosophique VOLTAIRE Candide (9782081211414 – 2,50

XVIIIe SIE ` CLE Le conte philosophique VOLTAIRE Candide (9782081211414 – 2,50 €) I. Étudier Candide en classe de Première Les programmes de Première consacrent un objet d’étude à l’argumentation et à ses différentes fonctions (« convaincre, persuader et délibérer »). Ils mettent l’accent sur les modalités de l’argumentation – « directe ou indirecte » –, qu’il s’agit d’ana- lyser à travers les formes de « l’essai, de la fable ou du conte philosophique » (B.O. no 40 du 2 novembre 2006). Dès lors, Candide, conte philosophique, modèle du genre, paraît tout adapté à cette directive. Par ailleurs, l’analyse de l’œuvre s’insère aisément dans une progression annuelle puisqu’elle peut être liée à deux autres objets d’étude : « Le roman et ses personnages : visions de l’homme et du monde » (l’enfer terrestre vu par un candide) et « Un mouvement littéraire et culturel » (les Lumières). II. Proposition de séquence ■Perspectives de la séquence Les voyages merveilleux de Candide sont le cadre d’une réflexion sur une question philosophique : l’Optimisme. Explicité, le sujet pourrait être ainsi exposé : « Peut-on être Optimiste ? » La Candide 1 séquence étudiera la façon dont les composantes du récit servent les deux voies de l’argumentation : le pour et le contre. Mais Voltaire n’interroge pas seulement l’Optimisme en tant que contenu philosophique, il remet aussi en question le conte de fées en tant que forme littéraire. Une double mystification, littéraire et intellectuelle, est donc dénoncée avec Candide. La séquence tentera de dégager progressivement les liens complexes qu’entretiennent le conte et la réflexion philosophi- que ; elle se déroulera en trois étapes. — Première étape : analyse de deux extraits ou ` conte et philo- sophie ont le même effet – séparer de la réalité. — Deuxième étape : analyse de trois extraits qui relèvent de l’anticonte et de l’antiphilosophie (ou de l’anti-Optimisme). Le texte sert alors à désillusionner et à ramener à la réalité. — Troisième étape : analyse d’un extrait ou ` le conte construit une vraie philosophie élaborée sur la réalité. ■Tableau synoptique de la séquence Séances Supports Objectifs Le volet argumentatif Le volet narratif Thèse : l’Optimisme Conte de fées « est » et fausse philosophie 1 Incipit et chapitre I Thunder-ten-tronckh : L’énonciation ironique utopie panglossienne 2 L’ensemble des Eldorado : utopie des Le discours : fiction chapitres XVII-XVIII et un Lumières (plaisante) et réflexion extrait du chapitre XVIII (savante) (le patriarche d’Eldorado) Antithèse : l’Optimisme Anticonte et « n’est pas » antiphilosophie (ou anti-Optimisme) 3 L’ensemble du La réalité du mal La machinerie spatio- chapitre V et, plus naturel temporelle précisément, un extrait (la tempête et le tremblement de terre) 4 Chapitre VI (l’autodafé) La réalité du mal Des personnages religieux déshumanisés 5 L’ensemble du La réalité du mal L’artifice ambigu du chapitre III et, plus politique point de vue candide précisément, un extrait (la bataille) 2 Le conte philosophique Séances Supports Objectifs Le volet argumentatif Le volet narratif Synthèse : l’Optimisme Conte concret « peut être » et philosophie appliquée 6 L’ensemble du La Propontide : utopie Une structure concertée chapitre XXX et, plus voltairienne et réalité précisément, un extrait du mal d’exister (l’explicit) 7 Un extrait du E ´valuation de la séquence chapitre XIX (l’esclave) III. Déroulement de la séquence Séance no 1 Objectifs →L’Optimisme, version plaisante (la représentation du microcosme de Thunder-ten-tronckh catéchisé par le pseudo-leibnizien Pangloss). →L’ironie et ses procédés. Supports →L’ensemble du chapitre I. →Un extrait : l’incipit (de « Il y avait en Vestphalie » à « et par conséquent de toute la terre », p. 43-46). Questions préparatoires : voir microlecture no 1, p. 174-175. Pistes pour la lecture analytique : ■Le meilleur des mondes Cet univers enchanteur est introduit par la formulette bien connue « Il y avait » (coupant du temps ordinaire), qui est suivie d’une localisation vague (« Vesphalie ») aboutissant à un nom de fief aux sonorités lourdement gothiques (allitérations en t). Le héros sympathique est d’emblée présenté paré de toutes les qualités. Le clan aristocratique, vu à travers une galerie de portraits, est caractérisé par des superlatifs élogieux (« le plus beau des »), des comparatifs valorisants (« un des plus »), des qua- lificatifs positifs (« bon et honnête gentilhomme »), des adverbes Candide 3 intensifs (« très grande »), etc. Le champ lexical est celui de la haute noblesse fortunée (« parc », « meute », « piqueur »). L’atmos- phère générale paraît bon enfant (« bonne foi », « riaient »). ■Un monde en toc et le prêche d’un toqué Il s’agit cependant d’un paradis des illusions, sur le plan existentiel et intellectuel. Les cha ˆtelains n’ont aucun pouvoir (leur puissance provient d’une porte et la considération qu’on leur montre n’est due qu’à leur embonpoint), aucune richesse (opposition train de vie luxueux rêvé/basse réalité), aucun rang social (le baron est un petit hobereau féru d’éti- quette et muré dans des préjugés nobiliaires). Le règne des apparences trompeuses culmine avec la présentation de Pan- gloss, philosophe factice – flagorneur et dogmatique –, dévi- dant une philosophie déformée et faussée – altération et déformation de la pensée de Leibniz (voir la désignation de son enseignement, « la métaphysico-théologo-cosmolonigolo- gie » ou ` l’élément « nigo » résonne comme un aveu). Ses rai- sonnements sur la finalité (c’est-à-dire sur les causes finales) des choses sont aberrants : soit il opère une inversion de la finalité (le nez, les jambes), soit il attribue une finalité inexacte (les pierres, les cochons). Il pervertit donc le vieux principe de finalité, selon lequel rien ne se produit sans but : « tout étant fait pour une fin ». ■Une magistrale leçon de raillerie L’ironie, procédant d’un décalage entre le dit et le pensé, s’in- sinue absolument partout : décalage énoncé par le conteur lui- même (« qu’on appelait »), distance affichée entre ce qui est dit et le jugement réel (« puissant seigneur »/son cha ˆteau offre le minimum pour une maison), inversion des termes dans le juge- ment régressif (le lien lunettes/nez : Pangloss part du terme final présupposé naturel pour remonter à tout prix à une cause pré- établie), exagération de la caractérisation (les chiffres trop précis des quartiers de noblesse, les scrupules déplacés sur l’embon- point de la baronne – « environ » –, le nom trop alambiqué du système de Pangloss), rapprochement de termes contradictoires, 4 Le conte philosophique etc. En fait, en quelques lignes, Voltaire expose à la fois le pro- blème délicat qu’il traite (la tension entre conte et philosophie) et le procédé majeur qu’il utilise (l’ironie). Séance no 2 Objectifs →L’Optimisme, version sérieuse (et ses limites). →Le jeu fiction/réflexion. Supports →L’ensemble des chapitres XVII-XVIII. →Un extrait : le patriarche d’Eldorado (de « Cacambo témoigna à son hôte » à « pour les conduire à la cour », p. 105-108). Questions préparatoires : quels sont les éléments qui relèvent du merveilleux ? En quoi s’agit-il d’un monde à l’envers ? Quel est le registre dominant ? Comment Candide, le lecteur et Voltaire voient-ils ce royaume inca ? Pistes pour la lecture analytique : ■Un autre monde merveilleux : « Ce qu’il y [a] de mieux sur la terre » C’est un univers « extra-ordinaire », relevant de l’extravagance du conte de fées (a ˆge du vieillard, moutons attelés). La richesse est omniprésente : la « fange » est d’or, les matériaux ordinaires sont somptueux – porte d’argent, vases de diamants. L’abondance est générale et se traduit par l’accumulation : les « cinq ou six mille musiciens », les douze domestiques du patriarche. La perfection admirable est partout comme en témoignent les superlatifs et l’ex- pression « travaillés avec tant de goût ». Ce qui était singé dans le « cha ˆteau » de Thunder-ten-tronckh (en particulier le luxe) est ici porté à son plus haut degré. Le registre est laudatif. ■Un monde à l’envers Par rapport au monde connu, sont inversées la psychologie (l’« ignorant » reconnaît qu’il l’est), les manières (abord poli), les Candide 5 coutumes (accueil prévenant des étrangers), les valeurs (l’or ne vaut rien), les institutions politiques (importance du « consente- ment de la nation »), les relations à Dieu (directes, non média- tisées), etc. Les relations humaines sont idéales (accueil chaleureux, monarque accessible, commerce des idées menant d’emblée aux grandes questions des Lumières comme « les formes de gouvernements, les mœurs », etc.). Dans ce pays des Lumières vivant en autarcie et préservé, il n’y a pas de conflits, pas de clergé, pas de maux naturels (maladies, catastrophes). ■Candide, le lecteur, Voltaire : trois regards décalés Candide, relégué au second plan, ne s’étonne absolument de rien et, « en extase », croit voir la matérialisation du discours de son « ami Pangloss » qu’il imite en bombardant le sage de questions impertinentes. Le lecteur, lui, perçoit un détachement net du narrateur par rapport aux faits rapportés : perfection exa- gérée, raffinement appelé « extrême simplicité », chiffres trop élevés, etc. Quant à Voltaire, il se donne le plaisir d’exposer uploads/Philosophie/ candide 3 .pdf

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