Chapitre 5 Théories de l’attachement 1. Prémisses des théories de l’attachement

Chapitre 5 Théories de l’attachement 1. Prémisses des théories de l’attachement Les théories de l’attachement puisent leur fondement dans la rencontre d’un psychanalyste – John BOWLBY – avec l’éthologie. L'éthologie étudie l'animal dans son cadre de vie normal et non en laboratoire comme le font les béhavioristes et néo-béhavioristes. Les fondateurs de l'éthologie sont K. LORENZ ET N. TINBERGEN. L’œuvre DE EIBL- EIBESFELDT représente une indispensable introduction théorique pour qui veut se familiariser plus à fond avec la méthodologie de travail en éthologie. Les notions d'empreinte et de territoire sont essentielles. Pour plus de détails, on se référera à LORENZ (1984) ainsi qu’au chapitre 4 de ce cours. Illustration : au cours – Document vidéo – « La cas de John » Texte provisoire – Diffusion interdite 161 Héritages de l’éthologie Nous avons vu au chapitre 3 que des éthologues comme LORENZ ou HARLOW avaient apporté des contributions importantes dans la compréhension des mécanismes de base lors de la construction du lien entre la mère et le bébé dans le monde animal. Ainsi LORENZ a mis en évidence la notion d’« empreinte » pour désigner le phénomène par lequel un oisillon prend, dans les heures qui suivent l'éclosion, intègre les caractéristiques de sa mère et en même temps de son espèce et entame des comportement de « poursuite » à l’égard de sa mère. Il a aussi mis en évidence des comportements d’appétence pour l’état de repos, chez les oiseaux. Cette quête ne s’apaise qu’en présence d’une certaine configuration de stimuli. Par exemple : beaucoup d’oiseaux vivant en milieu marécageux ne peuvent pas trouver de repos tant qu’ils ne sont pas accroché à une tige, tournées vers le haut, dans un endroit abrité. Par analogie, BOWLBY a observé des comportements d’appétence pour l’état de repos, chez les bébés qu’il a associé au sentiment de sécurité. De son côte, on se rappelle que HARLOW a démontré la nécessité d'un lien d'attachement entre le bébé Rhésus et la mère, ainsi que toutes les implications qu'entraînait ce manque d'attachement. Héritages de la psychanalyse Les théories de l'attachement prennent leur racine dès le début du 20ème siècle. Ainsi un certain HERMANN, un contemporain de FERENZI, défend déjà l'idée de besoins primaires. Le psychanalyste anglais FAIRBAIRN propose d'abandonner la théorie de la pulsion. Anna FREUD constate quant à elle les effets terribles de la séparation durable. Aux Etats- Unis un courant se développe et tend à dénoncer les effets de l'institutionnalisation. On retrouve notamment à la tête de ce courant René SPITZ L’examen des points de convergence et de divergence entre les théories de l’attachement et la psychanalyse est très éclairant, mais dépasse le cadre du présent exposé. Retenons toutefois que les psychanalystes estiment que l’étayage fondamental est lié à la satisfaction des besoins biologiques et sexuels (et leur élaboration fantasmatique), les théoriciens de l’attachement pensent que l’étayage fondamental est lié à la satisfaction des besoins d’attachement et de tendresse. 2. Les chercheurs importants dans le champ des théories de l’attachement 2.1. Les travaux de BOWLBY Mais l'auteur réellement fondateur des théories de l'attachement est bien sûr John BOWLBY. Celui-ci né en 1907 dans un milieu qu'il décrit comme aisé mais peu attentif sur le plan affectif. Au début, les travaux de BOWLBY ont été profondément marqués par les thèses de DARWIN. Dans cette perspective, les théories de l'attachement, ou plus précisément les systèmes d'attachement, procurent un avantage sélectif à l'espèce en ce qu'il garantit la protection de la progéniture. De même chez l'humain, on observe une tendance à maintenir une proximité entre la mère et l'enfant. Texte provisoire – Diffusion interdite 162 Dans cette perspective, les comportements d'attachement sont destinés à favoriser la proximité et, dès lors, à protéger l’espèce. Par exemple, les sourires et les vocalisations du bébé sont supposés attirer l'intérêt de la mère, son enfant, de même les pleurs amènent la mère à se rapprocher. Ces comportements semblent innés et ont pour fonction de favoriser un attachement réciproque entre la mère et l'enfant. Ce n'est que plus tard, avec les travaux de FONAGY ou de STERN, que le rôle du maintien d'une proximité dans le développement des capacités de mentalisation chez l'enfant sera démontré. Dés 1958 BOWLBY est conduit à réfuter la théorie de l'étayage la pulsion libidinale par la satisfaction des zones érogènes, en particulier orale, (théorie de Freud) et reconsidère les faits à la lumière de l’éthologie. Cette prise de position a été à l'origine de nombreuses controverses entre les psychanalystes et a conduit Bowlby a quitter ce champ. BOWLBY constate que l'attachement du bébé à sa mère et de la mère au bébé dominent le tableau relationnel. Cet attachement résulte d'un certain nombre de systèmes comportements caractéristiques de l'espèce. Ces systèmes s'organisent autour de la mère. Originairement BOWLBY a décrit cinq systèmes comportementaux d’attachement innés : sucer, s'accrocher, suivre, pleurer, sourire. Ces cinq modules comportementaux définissent la conduite d'attachement. Ces conduites sont primaires; elle ont pour but, selon BOWLBY (1969), de maintenir l'enfant à proximité de la mère (ou la mère à proximité de l'enfant). John BOWLBY Dans le domaine psychopathologique, BOWLBY a décrit, s'inspirant en partie des travaux d’HARLOW (réactions de jeunes enfants à la séparation maternelle). Pour BOWLBY, cette réaction à la séparation est à la base des réactions de peur et d'anxiété chez l'homme. Dans une perspective éthologique, BOWLBY compare ces réactions à ce qu'on observe au cours d'expériences de séparation chez certains primates. Ceci constitue le point de départ pour sa théorie de l’attachement. L'essentiel ici est de noter que la deuxième phase, celle du désespoir, paraît la plus proche de ce qu'on observe chez l'animal et des manifestations dépressives de l'adulte. Toutefois, pour BOWLBY, il ne faut pas confondre séparation et dépression: 1'angoisse déclenchée par la séparation, les processus de lutte contre cette angoisse (tels que colère, agitation, protestation) et la dépression elle-même, ne doivent pas être considérés comme de stricts équivalents. Après avoir observé les liens entre les troubles du comportement et l'histoire des enfants en institution, il travaille avec WINNICOTT et s'occupe du suivi d'enfants placés. En 1948, il rédige un rapport pour l'OMS (Organisation mondiale de la santé) qui concerne les enfants sans famille, problème particulièrement crucial dans l'Europe d'après guerre. Ce rapport intitulé "Maternal care and mental health" défendait l'idée que les carences de soins maternels avaient des effets péjoratifs sur le développement de l'enfant. Il constate qu’ultérieurement ces enfants souffrent de relations affectives, ont des problèmes de concentration intellectuelle, sont inaccessibles à l'autre et peuvent présenter une absence de réaction émotionnelle. Bien Texte provisoire – Diffusion interdite 163 que ce rapport le rende célèbre, ses théories ont apporté une polémique avec les mouvements féministes, avec les milieux hospitaliers et avec les collègues psychanalystes. En 1946, BOWLBY travaille à la Tavistock Clinic à Londres au sein d’un orphelinat. Son attention fut très vite attirée par le niveau anormalement élevé de mortalité chez les jeunes enfants, en particulier entre 5 et 12 mois. Les soins qu’ils recevaient ainsi que les conditions sanitaires de l’établissement étaient pourtant satisfaisants. Il ne semblait donc pas y avoir de cause objective à cette surmortalité. Spitz s’aperçut alors que la mort ne venait qu’achever un processus qui exprimait une rupture de la communication de l’enfant avec son environnement : Cela commençait par des problèmes de nutrition jusqu’à un refus complet d’alimentation. Le bébé devenait également inexpressif, bougeait de moins en moins, avec une atonie du corps et du visage. Au bout de ce cycle, l’enfant devenait si vulnérable que n’importe quelle maladie pouvait l’emporter. Spitz parlera alors de syndrome d’hospitalisme pour désigner ce marasme psychique de l’enfant. Cependant, ce syndrome ne touchait pas tous les bébés de la tranche d’âge observée. Ceux qui étaient considérés par le personnel comme les plus « difficiles », les plus agités, donc ceux qui sollicitaient le plus l’intervention des infirmières n’étaient pas touchés par ce syndrome. C’était plutôt les bébés que l’on qualifie de « sages » qui étaient concernés. Spitz en déduit alors que ce qui instituait la différence, c’était la fréquence des interactions que le bébé avait avec les adultes qui s’occupaient de lui, et que ces interactions étaient vitales aussi bien physiquement que psychiquement, apportant l’amour et la sécurité affective nécessaire au développement de l’enfant. De là la formule de Spitz devenue célèbre : « L’amour maternel est aussi important que le lait ». Cette observation doit nous faire réfléchir face à des patients « difficiles ». De tels comportements ont pour effet d’attirer l’attention du personnel soignant et d’accroître les interactions le patients. « Mieux vaut une interaction conflictuelle que pas d’interaction du tout » semble être le « leitmotiv » qui gouverne le comportement de tel patient ! ce type de stratégie de « coping » sensé protéger la personne de l’abandon peut parfois produire l’effet contraire : le rejet ! Ce « leitmotiv » est susceptible d’expliquer, du moins en partie, pourquoi certaines femmes s’accrochent à un partenaire violent (Femmes battues) ou encore pourquoi bon nombre des enfants maltraitants supportent en silence des uploads/Philosophie/ chap-5-theories-de-l-x27-attachement7.pdf

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