Cours II. 6. ÉTHIQUE PLAISIR ET DEVOIR ou FORCE ET JUSTICE PLAN INTRODUCTION :

Cours II. 6. ÉTHIQUE PLAISIR ET DEVOIR ou FORCE ET JUSTICE PLAN INTRODUCTION : QU’EST-CE QUE LE BIEN ? I EUDÉMONISME A. EXPOSÉ 1. 1. CONVENTIONNALISME 2. POSITIVISME JURIDIQUE 2. 1. HÉDONISME 2. DROIT NATUREL B. CRITIQUE II ÉTHIQUE VERITABLE 1. ÉTHIQUE « contre » NATURE 2. ÉTHIQUE ET NORMES A. DEVOIR (MORALE) B. DROIT (JUSTICE) C. POUVOIR (POLITIQUE) 3. MORALE - JUSTICE ET POLITIQUE III- ÉTHIQUE ET HISTOIRE CONCLUSION : QUE FAIRE ? 1 INTRODUCTION Le mot « éthique » dérive du grec êthikos, êthikê, lui-même formé à partir d’éthos signifiant coutume, habitude, mœurs ou usages. " Le caractère éthique (èthos) tire son appellation de l’habitude (éthos)." (Aristote) L’on définira l’Éthique comme l’étude des mœurs et on la rapprochera de la Morale, terme d’origine latine, mores, d’où vient notre vocable de mœurs. Celles-ci désignant tout à la fois les actions (attitudes, conduites ou coutumes), manger, s’habiller, travailler etc. et la façon (esprit, manière ou mode) dont elles sont effectuées, consommer tels plats, selon un rituel déterminé, porter des vêtements d’un certain style, on dira que l’Éthique ou la Morale concerne les comportements, tant dans leur contenu (ce que l’on fait), que dans leur forme précise (comment ou pourquoi on le fait). Cette dernière peut du reste changer complètement le sens de ceux-là : s’alimenter d’une certaine façon et uniquement pour assouvir son besoin nutritif ne s’appelle plus manger mais « bouffer » et, inversement, se restaurer en éprouvant le goût de certains mets, cela se nomme déguster ou « goûter ». Aussi on distinguera deux types d’action possibles. Premièrement les actes animaux guidés par le seul instinct ou la nécessité vitale, comme il ressort de leur invariabilité et qui forment l’objet de l’étho-logie objective, partie de la bio-logie. Mais l’homme ne se contente pas de ces actions-là. Et s’il en « approuve » certaines et les suit, dans une certaine mesure du moins et toujours dans un cadre strict (manger, boire, dormir etc.), il en « condamne » ou désapprouve d’autres et s’abstient de les commettre (se promener nu, tuer pour manger ou boire, dormir à n’importe quelle heure etc.) ou ne les exécute qu’avec mauvaise conscience (remords) voire par croyance (cannibalisme). Dans tous les cas cependant il les critique, c’est-à-dire évalue ou juge, positivement ou négativement, distinguant entre bonnes et mauvaises mœurs, avant même de s’y adonner. Il s’avère ainsi « libre » par rapport à ses actions et partant responsable d’elles. On peut donc lui demander de justifier pourquoi il a fait ce qu’il a fait et l’a effectué de cette façon et non d’une autre. Une telle question n’aurait pas de sens adressée à un animal, celui-ci ne pouvant accepter ou refuser de faire ce qu’il est contraint de faire. Le loup ne peut pas ne pas dévorer l’agneau, sauf à cesser d’être lui-même, en mourant de faim. A l’action directe et immédiate ou instinctive, et donc plutôt une réaction, l’homme substitue une action indirecte, médiate, prescrite par la pensée et qui seule mérite le nom d’agir. " En effet nous ne disons d’aucun être inanimé qu’il agit, et nous ne le disons non plus d’aucun être des êtres animés en dehors des hommes. Il est donc clair que c’est l’homme qui est capable d’engendrer ses actions." (idem1) On parlera deuxièmement d’actes spécifiquement humains, libres/volontaires, régis par le libre arbitre ou le jugement, soit par des idées, normes ou valeurs. L’Éthique ne s’intéresse qu’à ces actions, l’Éthologie s’occupant déjà des premières, et partant s’inscrit dans le cadre des sciences humaines. La Morale ne commence qu’avec la présence d’un être capable de dépasser la contrainte naturelle et, moyennant la réflexion, de lui opposer ses propres habitudes. " La moralité, qui est une seconde nature (supra-sensible) " (Kant2). Et l’homme débute précisément, selon Hegel, avec la division induite en lui par l’exigence morale. " L’homme n’est vraiment homme que lorsqu’il connaît le bien et par suite son opposé, que lorsqu’il s’est divisé à l’intérieur de lui-même (...) Les animaux vivent en paix avec eux-mêmes ... mais ... l'homme ... vit dans un état de dédoublement et de déchirement et se débat au milieu des contradictions engendrées par cet état." La langue ne s’y est pas trompée, elle qui réserve le qualificatif de moral pour désigner l’esprit. " Le « moral », dans la langue française, est opposé au physique et signifie ce qui est spirituel, intellectuel, en général."3 Moral/moralité connotent humain/humanité, ainsi quelqu’un d’humain veut dire une personne morale, par opposition à un être inhumain ou bestial4. Et l’appellation sciences morales et politiques recouvre celle de sciences humaines. La proximité de ethos et d’ethnos (peuple) n’est pas fruit du hasard. Tout comme l’Anthropologie ou l’Ethnologie a pour objet, en deçà des oeuvres humaines, les règles qui les gouvernent, l’Éthique ne se limite point à la description objective des actions ou des conduites mais étudie les idées ou, mieux, les idéaux, intentions ou valeurs qui les précèdent et prédéterminent. 1 M. M. I. 6. 1186 a 2 et 11. 1187 b 10 ; cf. égal. E. N. II. 1. 1103 a 17 et E. E. II. 2. 1220 a 39 2 C. F. J. § 29 Remarque générale p. 111 3 R.H. chap. IV. 3. a. p. 252 – Esth. Id. B. chap. I. I. p. 146 (cf. Introd. I. 2è sec. 3. p. 51) et E. III. § 503 R. 4 cf. Aristote, M. M. II. 5. 1200 b 10 2 Plutôt que la science de ce que l’homme fait, elle se définit comme la science de ce qu’il estime devoir-faire, soit de ce qu’il juge bien ou juste d’accomplir. On y passe de l’état de ce qui " est ou n’est pas " à l’ordre de ce qui " doit ou ne doit pas " (Hume5) être, ordre qui ne se conçoit précisément que par et pour des sujets susceptibles de l’« entendre », autant dire les hommes. " A en juger d’après la seule raison, l’homme n’a pas d’autres devoirs que les devoirs envers l’homme (envers lui-même ou envers un autre). ... L’homme ne peut donc avoir des devoirs envers un autre être que l’homme. (…) Étant sur terre le seul être qui possède un entendement, donc une faculté de se proposer arbitrairement des fins, il mérite certes le titre de seigneur de la nature " (Kant6). En d’autres termes, c’est la discipline qui prend en charge les lois ou obligations que l’homme se prescrit à lui-même, en vue de régler son action à l’égard de soi ou des autres. Au sens propre, il s’agit de la science du Droit, de la Justice (du latin Justitia, de Jus signifiant le Droit) ou de la Loi : Règle de conduite, qu’elle soit individuelle (Morale, au sens restreint de ce terme) ou sociale (Politique). Mais de quel Droit ou Bien traitera l’Éthique, étant donné qu’il semble y en avoir une pluralité, tant entre les pays, dont les droits ne coïncident nullement, qu’à l’intérieur d’une seule et même société, entre les différents secteurs d’activité, dont les règles et valeurs se contredisent souvent ? Les règles commerciales ne respectent pas toujours les règles proprement juridiques, le libéralisme des professions médicales et juridiques, par exemple, bafouant parfaitement l’égalité de tous devant la santé ou la justice, pourtant proclamée par la Loi ; et les valeurs économiques ne reflètent pas d’autres valeurs, esthétiques ou religieuses, n’importe quelle voiture valant ainsi financièrement bien plus que l’édition complète des oeuvres de Baudelaire, considéré pourtant par beaucoup comme le plus grand poète français, ou que la Bible, texte sacré d’une grande partie de l’humanité. Pire, les individus ne paraissent guère s’accorder sur ce qu’il faut entendre par bien, juste ou droit, tel individu considérant comme bonne, une conduite qu’un autre réprouvera, la jugeant mauvaise. Le libertin, sacrifiant aux plaisirs charnels, sera considéré comme un pourceau par un tempérament ascétique, plus porté à des plaisirs spirituels et qu’il traitera à son tour de frustré ou de masochiste. " Les uns, en effet, prétendent que le plaisir est le bien ; d’autres, au contraire, qu’il est entièrement mauvais " (Aristote7). En politique, le défenseur de l’inégalité se verra qualifié de réactionnaire par le partisan de la socialisation des biens qu’il gratifiera en retour de l’épithète d’envieux ou de niveleur. Nulle raison n’autorisant à exclure ou à privilégier a priori telle morale plutôt que telle autre, l’Éthique se doit de les étudier toutes. Plus, si le même qualificatif de bien, de droit ou de juste est invoqué par toutes, voire si toutes se dénomment des morales, elles doivent avoir un point commun. En deçà de la différence des valeurs nationales, sectorielles et individuelles, il y aurait donc une visée commune qui les rapprocherait et autoriserait à parler du Bien, du Droit ou du Juste et non seulement des biens particuliers. Tel est en tout cas le postulat de l’Éthique : il existe une seule " Idée du Bien ", "le bien en lui-même" (Platon8) ou " un bien véritable " (Spinoza9), soit un Bien universel, c’est-à-dire une norme uploads/Philosophie/ ethique-plaisir-et-devoir.pdf

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