ISABELLE LETOURNEAU ß SAISIR LA MAIN Mémoire présenté à la Faculté des études s

ISABELLE LETOURNEAU ß SAISIR LA MAIN Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval pour l'obtention du grade de maître ès arts (M.A.) FACULTÉ DE PHILOSOPHIE UNIVERSITÉ LAVAL NOVEMBRE 1999 ® Isabelle Létourneau, 1999 Résumé Une étonnante convergence de témoignages et une abondance de faits se rapportant à l'atrophie de la main dans notre société techniciste, nous amènent à renouveler la réflexion sur la main humaine. Plus précisément, l'objet de notre travail consistera à chercher réponse à la question suivante: Pourquoi l'homme est-il pourvu de mains? Pour ce faire, nous tâcherons de saisir ce qu'est la main humaine. D'abord, nous aborderons quelques notions préliminaires touchant les êtres animés et exposerons la méthode à suivre en philosophie naturelle et en biologie. Suivant cela, nous étudierons le mot main afin d'y dégager les conceptions communes relatives à la main humaine. De là, la recherche des causes de la main sera entreprise. Nous y verrons alors en quoi son origine, son anatomie, ses fonctions, son principe et sa fin se rapportent tous, à leur façon, à !'intelligence humaine. Ainsi, nous serons amenés à voir que la main est instrument de la perfection de l'homme en tant qu'homme. Isabelle Létourneau Thomas De Koninck Directeur de recherche Avant-propos Je profite de l'occasion qui m'est ici offerte pour remercier sincèrement ceux et celles qui ont rendu possible la réalisation de mon mémoire de maîtrise. C'est avec une profonde gratitude que je pense d'abord à mes parents, Ronald et Thérèse Létourneau, qui ont toujours fait preuve d'un soutien exceptionnel en regard de mes choix de vie et qui m'ont enseigné, dès mon plus jeune âge, à me dépasser pour aller au bout de mes rêves. Je remercie également de très chers amis de longue date, Christian Auger, Marie-Eve Bussières, Pierre Ducasse et Céline Leclerc - lesquels savaient bien avant moi que le plaisir de la recherche philosophique me porterait au- delà du baccalauréat-, pour leurs encouragements répétés. Un remerciement tout spécial à Jean-Pierre Fortin, mon compagnon de vie philosophique, qui, par ses questions pénétrantes m'éveille chaque fois davantage à l'essentiel et par la ferveur qui l'anime lors de nos discussions donne sens à ma propre quête. À Monique Lortie Savard aussi, amie et étudiante remarquable avec laquelle j'ai découvert et surtout expérimenté au cours des dernières années l'étude de la philosophie par le dialogue, pour ses judicieux conseils qui m'ont permis de prendre le recul nécessaire afin de bien discerner les enjeux des problèmes rencontrés et m'ont donné la force de persévérer peu importe les difficultés. Merci au professeur Michel Sasseville qui, avec grand enthousiasme, transfigura mon approche de la philosophie, dès mon arrivée à la faculté, en m'initiant à la recherche philosophique en communauté. Enfin, je ne saurais passer sous silence l'apport incontestable de mon directeur de maîtrise, le professeur Thomas de Koninck, à ma démarche philosophique. Pédagogue hors pair, le professeur De Koninck a su susciter continuellement mon désir de connaître, en manifestant l'importance et la beauté des réalités qu'il me faisait entrevoir tout en semant un doute dans mon esprit quant à leur nature, et enrichir grandement ma réflexion, en m'amenant à considérer les innombrables trésors que renferment la tradition et la vie philosophiques. Table des matières Pages Résumé..................................................................................................................................... I Avant-propos............................................................................................................................ Il Table des matières................................................................................................................. Ill Introduction............................................................................................................................... 1 Première partie: Considérations préliminaires à l'étude de la main...................................8 1/ Notions préliminaires...........................................................................................................8 2/ Considérations méthodologiques.....................................................................................11 Deuxième partie: Étude du mot main...................................................................................24 1/ «Au commencement était le mot...»..................................................................................24 2/ Le mot main........................................................................................................................25 3/ L'enseignement du mot main........................................................................................... 41 Troisième partie: Étude de la main...................................................................................... 46 1/ La main à portée de la main............................................................................................ 46 2/ L'origine de la main........................................ ;................................................................ 47 3/Anatomie fonctionnelle de la main...................................................................................63 4/ La main: organe par excellence de perception tactile........................................ ..........83 5/ La main: agent d'expression universelle....................................................................... 114 6/ Le principe de la main ...................................................................................................134 71 La fin de la main.............................................................................................................. 139 8/ La main saisie..................................................................................................................145 147 Conclusion IV Bibliographie........................................................................................................................ 149 1/ Livres................................................................................................................................ 149 21 Articles..............................................................................................................................156 3/ Ouvrages généraux.........................................................................................................158 Annexe 1...............................................................................................................................160 Annexe 2.............................................................................................................................. 161 Annexe 3.............................................................................................................................. 162 Introduction La main a toujours éveillé l'admiration de l'homme. Déjà, les innombrables mains peintes sur les parois des grottes de l'ère paléolithique le montrent. On retrouve le même émerveillement à notre époque dans les sculptures d'un Rodin ou les mimes de Marcel Marceau. Plus encore, la main fascine par son organisation complexe, comme le découvre chaque jour la médecine: «Plus on étudie la main, écrit le Dr Raoul Tubiana, plus on s'émerveille devant !'extraordinaire efficacité de ses structures et la richesse des circuits qui l'unissent aux centres nerveux»1. Voilà qui la rend apte à tout saisir et tout manipuler. Prodigieux organe de connaissance, par la finesse de son tact et sa capacité de palpation hors du commun, la main nous éveille pleinement à la présence de l'autre et de nous-mêmes, nous fait éprouver leur réalité avec certitude, nous révèle leurs moindres qualités tangibles, qu'elles soient manifestes ou subtiles, superficielles ou profondes. Agent d'expression incomparable, la main traduit nos sentiments en gestes, accompagne nos paroles, concrétise nos idées. Ainsi étonne-t- elle par sa polyvalence, ce qui fait dire à plusieurs penseurs, dont Aristote, qu'elle est «l'instrument des instruments»2. Quel bonheur donc pour l'être humain de disposer d'un organe aussi merveilleux que la main! Par ailleurs, dans notre société automatisée où les machines remplacent progressivement la ma/77-d'oeuvre, les opérations de la main humaine se voient réduites à pousser ici et là des boutons ou à abaisser des leviers. Comme le remarque judicieusement le peintre Chapelain Midy: «la machine et les techniques, dans la 1. Raoul Tubiana, «Le toucher et la sensibilité» in Carrefour, vol. XVI, no.1,1992, p.62. 2. Aristote, De l'âme, trad. J. Tricot, Paris, Vrin, 1995, III, 8, 432a1. 2 multiplicité de leurs formes et de leurs effets, lui retirent sa primauté, la supplantent en en réduisant l'usage à une espèce d'automatisme mécanique.»1 Autrement dit, travailler de ses mains c'est, à notre époque, s'adapter parfaitement à telle machine. Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que l'ouvrier, dès son premier jour de labeur, éprouve un profond malaise. Puis, à mesure que le conditionnement de l'homme par la technique continue de s'opérer, l'ouvrier s'assoupit et, enfin, se dépersonnalise2. Ainsi le travail manuel se voit-il considéré de plus en plus comme servile3 et aliénant. Le machinisme et ses conséquences ne sont cependant pas les seuls facteurs de l'indifférence, et même du mépris, éprouvés en regard de la main. En effet, grâce à nos avancées techniques, les prothèses et les membres artificiels deviennent monnaie courante, ce qui nous amène à prendre nos mains pour acquises. De plus, si l'on considère que notre intérêt pour les nouveautés de toutes sortes va sans cesse grandissant, alors la main, agent de nos oeuvres depuis l'aube de l'humanité, en vient à sombrer inévitablement dans l'oubli4. Aussi, dans la mesure où les spécialistes du travail de la main, les chirurgiens, préfèrent fonder leurs diagnostics sur les résultats objectifs et abstraits fournis par les machines, plutôt que sur les données subjectives mais certaines de la palpation, l'organe du toucher se trouve dès lors définitivement 1. Chapelain Midy, Préface du livre La main: véhicule de la pensée de G. Allard et P. Lefort, Paris, Éditions Chiron, 1986, p.7. 2. cf. Jacques Ellul, La technique ou l'enjeu du siècle, Paris, Económica, 1990, pp.358-361. 3. Dans ce passage, Stéphane Thieffry manifeste bien en quoi le travail manuel est considéré comme servile: «Les sociétés modernes sont à la fois rassurées et fières, inquiètes et insatisfaites d'avoir substitué les machines supra-humaines aux outils individuels, d'avoir remplacé les lents travaux imparfaits des mains des travailleurs par la rigueur et l'automatisme des machines que la main de l'ouvrier ne fait plus qu'alimenter, lancer, surveiller, guider, régler et entretenir. L'ouvrier même hautement qualifié, professionnel, spécialisé - pour reprendre une classification devenue nécessaire des serviteurs de la machine - est souvent réduit au rôle du comparse qui, au cours d'une présentation théâtrale, vient, le moment venu, débiter une phrase, sans connaître l'intrigue, ni le sens, ni la valeur de l'oeuvre.» (La main humaine, Paris, Hachette, 1973, p.9.) 4. En ce qui a trait à notre indifférence face à la main, il serait sans doute bon de garder à l'esprit ce passage de Wittgenstein: «The aspect of things that are most important to us are hidden because of their simplicity and familiarity. (One is unable to notice something - because it is always before one's eyes.) The real foudations of his enquiry do not strike a man at all. Unless that fact has some time struck him. - And this means: we fail to be struck by what, once seen, is most striking and most powerful». (Philosophical Investigations, Oxford, Basil Blackwell, 1968,1, §129) 3 mis au rancart1. Ajoutons que l'esprit scientifique qui s'est peu à peu inscrit dans la mentalité populaire nous fait préférer la clarté et la distinction qu'apporte la vue, sens par excellence de la connaissance, à l'obscurité et la confusion du toucher, que nous considérons ainsi comme un sens inférieur et primitif. Puis, avec l'audio-visuel qui domine notre monde, uploads/Philosophie/ saisir-la-main-isabelle-letourneau.pdf

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