04/08/2021 François Recanati, Langage, discours, pensée https://journals.opened

04/08/2021 François Recanati, Langage, discours, pensée https://journals.openedition.org/lectures/47804 1/3 Lectures Les comptes rendus / 2021 François Recanati, Langage, discours, pensée Aʆʔʋʇʐ Mʃʖʊʛ https://doi.org/10.4000/lectures.47804 François Récanati, Langage, discours, pensée, Paris, Fayard, Collège de France, coll. « Leçons inaugurales », 2020, 80 p., ISBN : 978-2-213-71715-9. Vous pouvez commander cet ouvrage sur le site de notre partenaire Decitre Texte intégral François Recanati est philosophe du langage et professeur au Collège de France, où il est titulaire de la chaire de Philosophie du langage et de l’esprit depuis avril 2019. Comme le veut l’usage, il a prononcé une leçon inaugurale à l’occasion de son intronisation. Publiée dans cet ouvrage1, elle a pour objectif de formuler clairement les tenants et aboutissants de la philosophie du langage et de l’esprit. Pour ce faire, Recanati procède méthodiquement en quatre chapitres. Il aborde d’abord la philosophie analytique, puis la philosophie du langage et son rapport à la philosophie analytique, pour en arriver à la philosophie du langage et de l’esprit, avant de conclure sur une exemplification plus dense du travail du philosophe du langage et de l’esprit. 1 François Recanati entame son exposé en revenant sur la philosophie analytique, dans laquelle il distingue deux secteurs : la philosophie pratique et la philosophie théorique, dont la philosophie du langage est un des sous-domaines. Il apparait que ledit sous- domaine entretient un lien particulier avec la tradition analytique. Pour expliquer ce rapport privilégié, François Recanati met en regard la vision carnapienne, largement abandonnée, et la vision austinienne de la philosophie. D’un côté, la philosophie est pour Carnap une entreprise de second niveau qui a trait au discours sur le monde et non au monde lui-même, qui relève des sciences positives (p. 13-14). De l’autre, la 2 04/08/2021 François Recanati, Langage, discours, pensée https://journals.openedition.org/lectures/47804 2/3 philosophie est pour Austin ou Russel « un dépotoir de tous les laissés pour compte des autres sciences » dont émergent, à termes, de nouvelles sciences (p. 15). Il en fut ainsi de la logique mathématique, et Austin s’interroge sur la possibilité d’une science linguistique à venir. Avant de traiter de l’émergence de cette science linguistique dans son second chapitre, Recanati approfondit les relations entre philosophie analytique et philosophie du langage. Il questionne l’intérêt persistant des philosophes pour l’analyse logico-linguistique. Pour l’expliquer, Recanati caractérise la philosophie analytique par un style qu’il qualifie de « scientifique ». La philosophie analytique – ou du moins la recherche dans cette tradition – serait caractérisée par la critique mutuelle propre à la démarche scientifique. Cependant, pour que fonctionne cette sociabilité de la recherche, il faut offrir pour ses thèses des « justifications publiquement contrôlables » (p. 21) caractérisées par une clarté qui permet la critique. Cette contrainte implique un dédoublement des énoncés par des énoncés métalinguistiques qui encadrent l’interprétation de la thèse formulée. Recanati estime ainsi que « l’analyse du langage n’est […] qu’un instrument au service de certaines valeurs ou vertus épistémiques que poursuivent les philosophes analytiques » (p. 23). Au terme de cette brève parenthèse, Recanati entame le second chapitre de son allocution et expose un panorama de la philosophie du langage qu’il divise en trois phases. La première consiste en une phase logico-mathématique. L’ambition des philosophes est alors de créer un langage idéal par le truchement duquel ils cherchent à étudier le langage en général et, à travers lui, la pensée. Les questions qui animent les philosophes sont des questions sémantiques : le sens, la référence, la vérité. Toutefois, la question syntaxique n’était pas en reste. La syntaxe de ces langues logiques idéales a permis que la sémantique soit compositionnelle, selon le souhait de Frege. Recanati considère ainsi qu’il y eu deux révolutions linguistiques successives : la révolution de la syntaxe avec la grammaire générative dans les années 1950, et la révolution de la sémantique permise par la philosophie du langage dans les années 1960-1970. Enfin, Recanati identifie une troisième révolution qui correspond à une seconde phase de la philosophie du langage : la pragmatique. 3 Marquée par Wittgenstein, la pragmatique ne cherche plus à réformer les langues naturelles à l’aide d’un idéal logique, mais à les décrire dans ce qui les distingue des langages logiques, à savoir la dimension pragmatique. Les actes de parole y sont associés à des actes sociaux. Le langage en tant que répertoire de formes n’est que l’instrument du « discours », dont relèvent les notions de référence et de vérité, attendu que des phrases ne peuvent être ni vraies ni fausses hors de tout contexte. Recanati évoque par ailleurs les travaux de Benveniste, dont le concept d’énonciation rencontrerait le concept de discours des philosophes qui ont inspiré la pragmatique française d’Oswald Ducrot, à laquelle se rattache Recanati. Cette révolution pragmatique a ouvert de nombreuses perspectives de recherche, de l’ontologie sociale (l’étude des faits institutionnels et de la performativité du langage) à la psychologie. Concernant la psychologie, Recanati s’intéresse à l’étude des intentions communicatives, dont la reconnaissance par l’allocutaire implique « la capacité à attribuer à autrui, pour expliquer son comportement, des états mentaux doués de contenu – des intentions, des croyances, ou des désirs » (p. 35). C’est ce que se propose d’étudier la théorie de l’esprit. Par ailleurs, la sémantique formelle a intégré par la suite cette dimension pragmatique, réalisant une synthèse qui dépasse l’anti-formalise et le contextualisme radical dont a pu faire preuve la philosophie du langage ordinaire. 4 Pour justifier le rapprochement et la possibilité d’une fusion entre philosophie du langage et philosophie de l’esprit, il reste encore à identifier les liens qu’elles entretiennent. Recanati s’y emploie dans le troisième chapitre de son exposé. Il y identifie la troisième phase de la philosophie analytique, à savoir l’émergence d’une philosophie du langage et de l’esprit. Selon la logique austinienne, cependant que la linguistique émerge et s’autonomisme, devenant indépendante de la philosophie, la philosophie trouve de nouveaux objets, encore délaissés par les sciences. S’opère ainsi un déplacement de la philosophie du langage vers la philosophie de l’esprit, attendu que langage et pensée entretiennent des propriétés communes : pensées et énoncés sont décomposables en éléments et sont pourvus d’un contenu. Les théories du sens et de la référence élaborées pour l’étude du langage sont réappropriées par les philosophes de 5 04/08/2021 François Recanati, Langage, discours, pensée https://journals.openedition.org/lectures/47804 3/3 Notes 1 Disponible en accès ouvert freemium à l’adresse suivante : https://books.openedition.org/cdf/10057. Pour citer cet article Référence électronique Adrien Mathy, « François Recanati, Langage, discours, pensée », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 22 février 2021, consulté le 04 août 2021. URL : http://journals.openedition.org/lectures/47804 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.47804 Rédacteur Adrien Mathy Responsable scientifique (ULiège Library/Université de Liège). Doctorant au sein du Centre de sémiotique & rhétorique (Université de Liège). Articles du même rédacteur Evans Christophe (dir.), L’expérience sensible des bibliothèques. Six textes sur les publics des grands établissements [Texte intégral] Carl Schmitt, Hermann Heller, Du libéralisme autoritaire [Texte intégral] Sophie Richardot, Sabine Rozier (dir.), Les savoirs de sciences humaines et sociales en débat. Controverses et polémiques [Texte intégral] Tous les textes Droits d’auteur © Lectures - Toute reproduction interdite sans autorisation explicite de la rédaction / Any replication is submitted to the authorization of the editors l’esprit pour traiter des contenus mentaux. Pour autant, il ne s’agit pas, insiste Recanati, d’un modèle linguistique à la pensée humaine. Il y a une dynamique rétroactive entre les deux philosophies, et l’analyse du langage se nourrit en retour de la question des représentations mentales des locuteurs. De cette dynamique se dégage la philosophie du langage et de l’esprit qui s’occupe « des représentations, qu’elles soient mentales ou linguistiques, publiques ou privées, symboliques ou iconiques » (p. 43). La tâche de la philosophie du langage et de l’esprit est de grande ampleur : « étudier la façon dont s’articulent perception, action, mémoire, pensée, langage, communication et raisonnement » (p. 47). Le dernier chapitre de l’exposé de Recanati est plus technique, mais donne à voir la démarche du philosophe. Nous comptons ainsi quatre domaines que la philosophie du langage et de l’esprit cherche à articuler : l’expérience sensible, la pensée conceptuelle, la communication et le langage. Recanati analyse chacune de ces articulations et fournit illustrations et exemples en nombre. De fil en aiguille, il s’interroge quant à l’articulation de l’expérience perceptuelle et de la pensée conceptuelle. Il envisage ensuite la place des contenus que l’on communique dans le cadre d’un échange, et soulève un paradoxe : comment peut-on communiquer des pensées dont la subjectivité devrait les rendre impossibles à partager ? Par ailleurs, lorsque le langage intervient dans une communication linguistique de la pensée, il s’agirait d’identifier le contenu intrinsèquement linguistique de l’énoncé. Mais encore faut-il définir précisément ce contenu linguistique. Il s’agit de penser l’articulation entre langage et communication, mais aussi entre langage et pensée. Et Recanati d’évoquer ensuite le contenu linguistique des mots eux-mêmes, qu’il distingue du contenu conceptuel. Sur ces nombreuses réflexions, Recanati conclut son allocution en ayant éveillé, chez le lecteur ou l’auditeur, curiosité et intérêt pour les nombreuses voies ouvertes par la philosophie du langage et de l’esprit. 6 uploads/Philosophie/ francois-recanati-langage-discours-pensee.pdf

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