Armand Colin Henri Michaux, la philosophie tirée par les cheveux Author(s): PIE
Armand Colin Henri Michaux, la philosophie tirée par les cheveux Author(s): PIERRE VILAR Source: Littérature, No. 120, POÉSIE ET PHILOSOPHIE (DÉCEMBRE 2000), pp. 89-104 Published by: Armand Colin Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41704790 . Accessed: 10/02/2014 21:15 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. . Armand Colin is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Littérature. http://www.jstor.org This content downloaded from 132.162.133.52 on Mon, 10 Feb 2014 21:15:41 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions ■ PIERRE VILAR, UNIVERSITÉ PARIS III Henri Michaux, la philosophie tirée par les cheveux Parlez d'abord, parlez et vous ne serez pas ignorant. Atteignez d'abord et vous approcherez ensuite. H.M., Monde Henri un comme poète Michaux le dans rappelait n'est le sens pas Valéry où un philosophe. généralement - on l'entend. Sans - doute trop Il en généralement, pas est non encore plus un poète dans le sens où généralement - trop généralement, comme le rappelait Valéry - on l'entend. Il en est encore quelques-uns à douter de son statut de peintre. Reste que son œuvre, pour diverse qu'elle soit, ancrée dans le double fond de la peinture et de l'écri- ture, n'a pas manqué depuis plus d'un demi-siècle de susciter l'intérêt (si ce n'est la passion) de la philosophie. Attention manifeste chez certains phénoménologues (Max Loreau, ou Claude Lefort par exemple (1), qui titre un de ses livres de la colonne absente ďÉcuador ) et chez Deleuze, sur qui nous reviendrons; attention implicite également, dans de nom- breux travaux philosophiques récents, d'analytique ou de logique par exemple, où l'écriture notamment aphoristique de Michaux ( Tranches de savoir, Poteaux d'angle) transparaît à l'occasion d'une citation, d'un exergue ou d'une référence indirecte. Le même si c'est vrai , c'est faux n'a pas fini de donner à penser, comme ce Qui cache son fou , meurt sans voix qui exaspéra Francis Ponge. Cependant, cette présence indé- niable de Michaux dans la philosophie n'engage, pourrait-on dire, que ses auteurs. Autre chose est le statut, dans l'œuvre de Michaux, dans ce qu'il faut bien appeler sa trajectoire , de la philosophie. Des premiers écrits des années vingt ( Cas de folie circulaire , Les Rêves et la jambe , essai philosophique et littéraire (2), Réflexions qui ne sont pas étrangères à 1 Claude Mouchard a consacré un article à cette rencontre à trois (Lefort, Merleau-Ponty, Michaux) : Lefort lecteur de Michaux, in C. Mouchard et C. Habib (dir.), La démocratie à l'œuvre, autour de Claude Lefort, Paris, Éditions Esprit, 1993, p. 243-283 et Laurent Jenny a proposé une analyse compa- rée fort suggestive de la «chair», in Sur Merleau-Ponty, Parole et «chair» de Merleau-Ponty à Michaux ( Po&sie , n° 76, septembre 1996, p. 104-111). 2 Le manuscrit de la page de titre indique que Michaux a substitué ce sous-titre à Essai littéraire et philosophique, ce qui n'est pas rien. Par ailleurs, et dans le même ordre d'idées, Notre frère Charlie, texte consacré à Chaplin publié dans le Disque vert en février 1924 devait s'intituler Essai sur le rire, sinon même «Le Rire», et est expressément désigné comme essai philosophique, ce qui ne va pas sans certains échos contemporains. ( Sitôt lus, Lettres à Franz Hellens, Paris, Fayard, 1999, p. 15, p. 39 et p. 40 et 48). 89 LITTÉRATURE N° 120 - DÉC. 2000 This content downloaded from 132.162.133.52 on Mon, 10 Feb 2014 21:15:41 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 90 LITTÉRATURE N° 120 - DÉC. 2000 ■ POÉSIE ET PHILOSOPHIE Freud , et en particulier Les idées philosophiques de Qui-je-fus (3)) à la philosophie par le meurtre de La vie dans les plis , jusqu'aux médita- tions du début des années quatre-vingts, on ne peut manquer de relever, d'une part, un attrait indéniable pour les objets de pensée et pour le fonctionnement de la pensée elle-même, et d'autre part une singulière défiance à l'endroit des philosophes et de la philosophie. Les essais liés à l'expérience des drogues ( Les Grandes épreuves de V esprit en particu- lier) n'échappent pas à la règle, qui par exemple désignent des lectures philosophiques hors de leur contexte ou bien les dissimulent pour mieux les détourner, et éviter l'amalgame toujours envisagé. De tous ses contemporains, Michaux est sans doute celui qui a poussé le plus loin, et avec l'ironie la plus suspensive, le jeu complexe de haine et de désir qui articule le concept au mot, la pensée philosophique à l'écriture poé- tique sous toutes ses formes. Objet de philosophie, il ne manque pas de faire, cruellement à l'occasion, de la philosophie un sujet qu'il convient d'aborder, sinon de saborder. Il ne nie pas la philosophie; il y renonce. Ce double registre, subjectif et objectif, identifie cependant Michaux à une série de figures où s'inscrivent évidemment au XXe siècle Ponge et Char, quoique l'un et l'autre aient, de ce point de vue, connu plus tôt leur heure de gloire et peut-être leur désaffection. Il serait en tout cas dans la tradition française de prendre en compte, au moins pour un temps, une philosophie spontanée du poète (pour détourner une formule qui connut naguère son heure de gloire aussi), propre à flatter la poésie spontanée des philosophes. Aussi nous proposerons-nous d'examiner à la fois, sans leur don- ner sans doute ici le développement qui conviendrait, les figures du phi- losophe et de la philosophie dans la première partie de l'œuvre de Michaux (nous verrons pourquoi cette restriction), puis ce qui pourrait n'être pas seulement une boutade, la raison avancée par Michaux pour renoncer à la philosophie, au seuil de son œuvre (raison qui indique, au demeurant, qu'il s'en est fallu d'un - ou de quelques - cheveux), avant de retracer très brièvement quelques aspects de la figure de Michaux dans une pensée philosophique, celle de Deleuze (4), qui auraient trait à ce renoncement sans déni. 3 Première version, dans le n° 3 du Disque vert (2e année, décembre 1923) de ce qui deviendra un volume en 1927 chez Gallimard sous le titre Qui je fus. 4 Dans une communication au Colloque Michaux de Namur en 1995, Raymond Bellour, éditeur et préfacier des œuvres de Michaux dans la Pléiade, a parlé de ce sujet sans proposer de texte écrit à la publication : pour une large part, c'est tout son travail de chercheur et d'écrivain, c'est sa préface magistrale au premier volume des Œuvres Complètes qui constituent cette mise au clair des rapports internes, et non de miroir inflexif, entre deux pensées et deux discours jamais assimilés. Madeleine Valette-Fondo, par ailleurs, a suggéré une piste de lecture qu'elle se propose d'explorer plus avant : entre Lévinas et Michaux - Blanchot serait-il, ici, le troisième homme ? - quelques points de coïncidence remarquables se dessinent également (Madeleine Fondo- Valette, L'énigme du visage : Michaux et Lévinas , dans Henri Michaux , Corps et savoir , Textes réunis par P. Grouix et J.-M. Maulpoix, Paris-Fontenay Saint Cloud, ENS-Éditions, 1998, p. 253-274). On se reportera également, pour ce qui concerne Foucault et Deleuze, à André Pierre Colombai, Le phi- losophe critique et poète : Deleuze, Foucault et l'œuvre de Michaux , French Forum, XVI, 1991. This content downloaded from 132.162.133.52 on Mon, 10 Feb 2014 21:15:41 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions HENRI MICHAUX ■ UN SYSTÈME PHILOSOPHIQUE, SANS FAIRE DE SYSTÈME (5)... De son haïssable passé (6) d'écriture et de pensée, Michaux n'a retenu, a posteriori, que certains aspects, en posant qu'il récusait les autres. Force est de constater que toute la première partie de son œuvre - mettons, la décennie de 1922-1923 à 1932-1933, jalonnée par deux livres reniés à des titres différents, Qui je fus et Un Barbare en Asie - associe au «long cheminement souterrain qui conduit du refus de l'écri- ture à son acceptation» (7) une hantise de la philosophie. L'idée, la pen- sée, la pratique de la philosophie seraient donc à intégrer dans ce qui, de ces premiers écrits, se dérobe ultérieurement. On a étudié, avec beaucoup de méthode, l'usage des savoirs scientifiques ou parascientifiques (s) dans cette période de l'œuvre de Michaux, mais il est difficile de mettre en œuvre une analyse aussi systématique sur ce qui tient au savoir phi- losophique, à la pratique des concepts. Tout d'abord, parce que le terme même de philosophie apparaît sous la plume de Michaux, dans ses lettres de cette période comme dans ses écrits publiés en revue, en plaquettes ou en livre, comme une modalité largement rhétorique - et ironique, nous y reviendrons - qui semble recouvrir un champ assez indéfini. Ainsi les lettres à Herman Closson, dont les premières datent d'avant 1920, ou bien celles adressées à Franz uploads/Philosophie/ henri-michaux-la-philosophie-tiree-par-les-cheveux.pdf
Documents similaires










-
52
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Fev 07, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 1.3375MB