Le langage Aristote définissait l’homme comme « le vivant possédant le langage

Le langage Aristote définissait l’homme comme « le vivant possédant le langage » : la capacité linguistique semble n’appartenir en propre qu’à l’homme, et le distinguer de tous les autres vivants. Le langage permet à l’homme de penser et de communiquer ses idées : il fonde donc la vie en communauté. Le langage : définitions Comment définir le langage ? Le langage se définit par un vocabulaire, c’est-à-dire par un pouvoir de nomination, et par une grammaire, c’est-à-dire par des règles régissant la nature et les relations des mots. Saussure a montré que les mots que nous utilisons pour parler (ou signes) sont la totalité d’un signifiant (la suite de sons qui compose le mot) et d’un signifié (ce que le mot désigne). Il a aussi établi qu’il n’y avait aucun rapport logique entre le signifiant et le signifié : c’est la thèse de l’arbitraire du signe. Le langage est donc une convention arbitraire ; c'est pourquoi, d’ailleurs, il existe plusieurs langues. Peut-on parler d’un langage animal ? Certains animaux ont développé des formes évoluées de communication, et particulièrement ceux qui vivent en société comme les abeilles. Mais, comme l’a montré Benveniste, ce « langage » n’a rien à voir avec le langage humain : il dicte un comportement, et non une réponse linguistique. Les animaux n’utilisent pas dans leur communication des signes1 composés, mais des signaux indécomposables. Alors que le langage humain est un langage de signes, la communication animale est un code de signaux, dont chaque signal renvoie à une seule signification possible. Qu’est-ce qui caractérise le langage humain ? Selon Rousseau, « la langue de convention n’appartient qu’à l’homme » : les animaux possèdent leur « langage » dès la naissance. Ils n’ont pas à l’apprendre, parce que c’est leur instinct qui le leur dicte ; ce « langage » est inné, et non acquis. Le « langage » animal n’a pas de grammaire : les signaux qui le composent ont chacun un sens précis et unique, et ne peuvent donc pas être combinés entre eux. Grâce à la grammaire et au nombre infini de combinaisons qu’elle permet, le langage humain, lui, est plus riche de significations et surtout, il est capable d’invention et de progrès. 1 Signe : Élément fondamental du langage, composé d’un signifiant, suite de sons ou de gestes, et d’un signifié ou concept, qui lui donne sens (distinction saussurienne). Le mot arbre désigne aussi bien cet arbre-ci que cet arbre-là. Arbre ne désigne pas un arbre donné, mais le concept même d’« arbre » (ce que doit être une chose pour être un arbre : avoir un tronc, etc.) ; c’est pour cela qu’il peut désigner tous les arbres. Les mots ne renvoient pas à des choses, mais à des concepts abstraits et généraux. Le langage est donc le fruit de notre faculté d’abstraction : le mot arbre peut désigner tous les arbres, parce que nous avons, contrairement aux animaux, la faculté de ne voir dans cet arbre-ci qu’un exemplaire de ce que nomme le mot arbre (le concept d’arbre). Comme l’a montré Bergson, les mots désignent des concepts généraux, et non des choses singulières. Le langage simplifie donc le monde et l’appauvrit : il nous sert d’abord à y imposer un ordre en classant les choses par ressemblances. Le langage ne fait donc pas que décrire un monde qui lui serait préexistant : c’est lui qui délimite le monde humain, ce que nous pouvons percevoir et même ce que nous pouvons penser. N’existe, en fait, que ce que nous pouvons nommer dans notre langue. La conscience ne vise pas autrui comme une chose parmi les choses, parce que, contrairement aux choses, autrui peut répondre quand je lui parle : parce qu’il me répond, autrui est non un simple objet de ma perception, mais un autre sujet qui me vise à son tour dans sa propre conscience. Le langage permet de viser intentionnellement autrui comme sujet : Husserl peut donc affirmer que c’est lui qui fonde la communauté humaine, entendue comme « communauté intersubjective ». Le langage semble n’avoir qu’une seule fonction : décrire des « états de choses » (comme par exemple : « le chat est sur le paillasson »). Wittgenstein remarque cependant qu’à côté de cette fonction descriptive, le langage a plus fondamentalement une fonction éthique : dire que le chat est sur le paillasson, c’est certes décrire la position du chat, mais c’est aussi célébrer la communauté humaine pour laquelle cette proposition a une signification. Le langage fait de l’homme « l’animal cérémoniel » : il n’a de sens que dans une communauté, et c’est cette communauté de langue que nous célébrons, même sans le savoir, dès que nous parlons. Les langues naturelles et la langue scientifique Une langue est un ensemble institué et stable de signes et de règles grammaticales que partage une communauté humaine donnée. Pour Hegel, « c’est dans le mot que nous pensons », autrement dit nous pensons le monde à travers la langue que nous parlons. Chaque mot ne prend sens que dans le contexte où il s’insère, prenant des valeurs linguistiques différentes selon les phrases et les discours prononcés. Comprendre un mot, dans le contexte du locuteur, c’est comprendre le monde auquel il appartient. Il y a donc une pluralité de visions du monde, comme il y a une pluralité de langue. Est-ce que la langue est une véritable limite à notre conception du monde ? Prendre conscience de cette limite, n’est-ce pas déjà la dépasser ? Nous sommes capables de connaitre le fonctionnement de notre langue et donc son influence sur notre manière de penser. Nous pouvons donc également comprendre comment en dépasser les limites. Par exemple, pour Hume les difficultés de l’identité personnelles sont plus des difficultés grammaticales que philosophiques, le « moi » n’ayant aucune impression constante ce qui fait que nous n’avons donc aucune idée de ce qu’il est réellement, lui conférant alors une impression de fiction. Dépasser ses limites grammaticales permet donc de réfléchir à notre condition humaine. La pensée scientifique montre qu’il est possible de rompre avec les langues naturelles vernaculaires, même si la pensée scientifique est elle-même prisonnière d’une conception du monde, en s’opposant à la connaissance ordinaire, à l’opinion, aux préjugés. La science réalise ses objets, alors que l’opinion ou le préjugé ne fait que reproduire des objets préexistants, qui ne sont pas pensé. Le rêve d’une langue universelle ne pourrait être scientifique, puisque la science a besoin d’une langue qui n’a de cesse de se rectifier, dans le cadre de sa démarche expérimentale. En outre, rompre avec les langues naturelles serait renoncer à habiter notre langue et au lien qui nous relit à notre monde. Notre rapport au monde ne peut se réduire au rapport d’un savoir scientifique sur son objet. De plus, il y a d’autres alternatives à la prison du préjugé. Parler, c’est soumettre sa pensée à l’examen critique d’autrui et à l’interprétation. Tout parler humain porte en lui un infini de sens à développer et interpréter, d’autant plus que dans le langage il y a aussi les non- dits auquel le langage se rapporte. Enfin, la langue scientifique ne peut se passer de la langue naturelle, puisqu’elle se base sur cette dernière afin d’y trouver des erreurs et préjugés à rectifier. Ainsi, la langue, loin d’être une prison pour la pensée, est au contraire ce qui la rend capable d’échapper à la clôture de l’opinion et du préjugé, il y a déjà en elle les germes pour la réflexion sur elle-même et le monde qui nous entoure ; c’est plus qu’un simple système de signes. La langue ouvre la possibilité d’une pratique qui dans sa finitude même rend possible l’infini de la parole et du discours. Introduction à la sémiologie La sémiologie (du grec ancien σημεῖον, « signe », et λόγος, « parole, discours, étude ») est l'étude des signes linguistiques à la fois verbaux ou non verbaux. L’environnement dans lequel l’homme évolue est constamment codé ; il est porteur de sens, un sens que l’homme est capable de donner en fonction de sa propre conception du monde. Comprendre un message, c’est le décoder, puisque le langage est un code.2 Par exemple, pour Morris Zapp, tout décodage est un nouvel encodage. Il n’est donc jamais sûr que deux interlocuteurs se comprennent, car personne ne peut être sûr qu’il emploie les mots exactement dans le même sens que son interlocuteur, même dans la même langue. Il considère donc que « la conversation est une partie de tennis qu’on joue avec une balle en pâte à modeler qui prend une forme nouvelle chaque fois qu’elle franchit le filet) ». Tous les philosophes ne partagent pas cet avis, les nuances variant en fonction du degré de liberté accordée à l’homme dans sa capacité à percevoir, interpréter et créer le monde dans 2 « Déconstruire un discours consiste à montrer comment il mine la philosophie à laquelle il prétend, ou la hiérarchie des oppositions auxquelles il fait appel, en identifiant dans le texte les opérations uploads/Philosophie/ la-langue.pdf

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