La liberté et le devoir « Être libre, c’est faire ce que je veux » : telle est
La liberté et le devoir « Être libre, c’est faire ce que je veux » : telle est notre définition courante de la liberté. Je ne serais donc pas libre lorsqu’on contraint ma volonté par des règles, des ordres et des lois. Être libre serait alors la condition naturelle de l’homme, et la société la marque de son esclavage. Pourtant, cette opinion ne semble pas tenable. Peut-on dire que l’animal est libre ? Si la liberté est l’absence de toute règle et de toute contrainte, alors l’animal est libre. Mais ce raisonnement n’a qu’une apparence de vérité : le comportement d’un animal est en fait dicté par son instinct, de sorte que l’animal ne peut pas s’empêcher d’agir comme il agit. L’instinct commande, l’animal obéit : loin d’être le modèle de la liberté, l’animal est l’incarnation d’une totale servitude à la nature. On ne peut parler de liberté que pour un être qui s’est affranchi du déterminisme naturel. De quelle manière l’homme conquiert-il la liberté ? Pour être libre, il faut pouvoir choisir de faire ou de ne pas faire. Seul donc un être qui s’est débarrassé de la tyrannie des instincts peut remplir les conditions minimales de l’accès à la liberté. Kant soutient que c’est précisément là le rôle de l’éducation : elle a pour but premier de discipliner les instincts, c’est-à-dire de les réduire au silence pour que l’homme ne se contente pas d’obéir à ce que sa nature commande. C’est aussi, et plus largement, le rôle de la vie en communauté : la société civile nous libère de la nature en substituant les lois sociales aux lois naturelles. C’est donc la culture au sens large, c’est-à-dire la façon que l’homme a de faire taire la nature en lui, qui nous fait accéder à la liberté. À quelles conditions puis-je être libre ? « Je suis libre quand je fais ce que je veux »... Certes, mais à quelles conditions suis-je libre de vouloir ce que je veux ? Le plus souvent, ma volonté est déterminée par ce que je suis : il n’y aurait aucun sens à vouloir être plus grand si je n’étais pas petit. Ma volonté n’est alors pas libre ; bien au contraire, elle est déterminée : je ne choisis pas plus de vouloir être grand que je n’ai choisi d’être petit. Ma volonté n’est donc libre que quand elle s’est libérée de toutes les déterminations qu’elle a reçues, c’est-à-dire quand elle s’est affranchie de tout ce qui en fait ma volonté. Pour être réellement libre, il faudrait que ma volonté veuille ce que toute volonté peut vouloir, donc que ce qu’elle veuille soit universellement valable. Qu’est-ce qu’une volonté universelle ? Kant affirme que ma volonté est universelle quand elle veut ce que tout homme ne peut que vouloir : être respecté en tant que volonté libre. Pour être libre, ma volonté doit respecter la liberté en moi-même comme en autrui : elle doit observer le commandement suprême de la moralité qui ordonne de considérer autrui toujours comme une fin en soi, et jamais comme un moyen de satisfaire mes désirs. La liberté se conquiert donc en luttant contre les désirs qui réduisent l’homme en esclavage et en obéissant à l’impératif de la moralité. Comment être libre tout en obéissant à une loi ? S’il suffisait d’obéir aux lois pour être libre, alors les sujets d’une tyrannie connaîtraient la liberté. Pour Rousseau, la seule solution à ce problème à la fois politique et moral, c’est que je sois aussi l’auteur de la loi à laquelle je me soumets. Sur le plan politique, le « contrat social » garantit la liberté des citoyens non en les délivrant de toute loi, mais en faisant d’eux les auteurs de la loi : par le vote, les hommes se donnent à eux-mêmes leurs propres lois, en ayant en vue non leurs intérêts particuliers mais le bien commun. De même, sur le plan moral, Kant, en se référant à Rousseau, montre que la loi de la moralité à laquelle je dois me soumettre (et qui s’exprime sous la forme d’un impératif catégorique) ne m’est pas imposée de l’extérieur, mais vient de ma propre conscience : je suis libre lorsque j’obéis au commandement moral, parce c’est moi-même qui me le prescris. La liberté est-elle l’essence de l’homme ? Dire que la liberté constitue la seule essence de l’homme, cela revient à dire que l’homme n’a pas de nature, qu’il est ce qu’il a choisi d’être, même si ce choix n’est pas assumé comme tel voire même implicite (Sartre). Pour Heidegger, il faut aller jusqu’à dire que l’essence de l’homme, c’est l’existence : parce qu’il est temporel, l’homme est toujours jeté hors de lui-même vers des possibles parmi lesquels il doit choisir. D’instant en instant, l’homme (qu’il le veuille ou non) est une liberté en acte : j’ai à chaque instant à choisir celui que je serai, même si la plupart du temps je refuse de le faire, par exemple en laissant les autres décider à ma place. Que la liberté soit l’essence de l’homme, cela signifie donc aussi qu’elle est un fardeau écrasant : elle me rend seul responsable de ce que je suis. C’est précisément à cette responsabilité que j’essaye d’échapper en excusant mon comportement et mes choix par un « caractère » ou une « nature » (sur le mode du : «ce n’est pas ma faute : je suis comme cela ! »). MOTS CLÉS DESTIN Du latin destinare, « fixer, assujettir ». Enchaînement d’événements tels qu’ils seraient fixés irrévocablement à l’avance, quoi que nous fassions. DÉTERMINISME Relation nécessaire entre une cause et son effet. On parle de déterminisme naturel pour dé- signer le fait que tous les phénomènes naturels sont soumis à des lois nécessaires d’enchaînement causal. DEVOIR Il faut distinguer le devoir, comme obligation morale valant absolu- ment et sans condition, susceptible d’être exigé de tout être raisonnable, et les devoirs, comme obligations sociales, liées à une charge, une profession ou un sta- tut, qui n’ont qu’une valeur conditionnelle et ne peuvent prétendre à l’universalité. Kant fait de l’impératif catégorique de la moralité l’énoncé de notre devoir en tant qu’êtres raisonnables. IMPÉRATIF CATÉGORIQUE Si les impératifs énoncent un de- voir, tous ne sont pas moraux. Kant distingue ainsi les impératifs hypothétiques, qui sont conditionnels, simples conseils de prudence ou d’habileté (« si tu veux ceci, fais cela »), de l’impératif catégorique. Seul impératif moral, il commande absolument et sans condition à tout être raisonnable, toujours et partout, indépendamment des désirs, des conséquences et de l’utilité. En voici une des formulations : « Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle. » LIBERTÉ Contre le sens commun, qui dé- finit la liberté par la possibilité de l’assouvissement des désirs, Kant montre qu’il n’y a de liberté que dans l’autonomie, c’est-à-dire l’obéissance à la loi morale, qui, issue de la raison, assure notre indépendance à l’égard de tout motif extérieur et pathologique. La liberté est alors non pas tant un fait qu’une exigence dont l’homme a à se montrer digne. Dissertation : Toute prise de conscience est-elle libératrice ? L’analyse du sujet I. Les termes du sujet • Prise de conscience : – aspect subjectif : effort de lucidité, de critique. – aspect objectif : accession à une vérité, à une connaissance. • Libératrice : – sens politique : gain de droits, d’autonomie. – sens psychologique : gain de choix, de possibilités d’action. II. Les points du programme • La liberté. • La conscience. La problématique A-t-on toujours intérêt à prendre conscience de choses ou d’emprises auxquelles on ne pourra rien changer ? Le gain de lucidité donne-t-il dans ce cas un gain de liberté ? Le plan détaillé du développement I. La prise de conscience donne une expérience de liberté. a) D’un point de vue individuel, « prendre conscience » signifie se débarrasser d’une ignorance ou d’un préjugé sur une question. Cela implique une action d’analyse personnelle (exemple du cogito de Descartes). b) D’un point de vue collectif, prendre conscience de son réel statut amène à le changer Transition : Mais la révolution ne donne pas toujours lieu à un statut meilleur ou plus libre. II. La lucidité repère, voire accroît, les limites de nos choix. a) D’un point de vue philosophique, la prise de conscience du déterminisme pesant sur nous ne le fait pas disparaître. b) D’un point de vue psychologique et moral, la conscience plus aiguë de nos limites et de nos défauts ne procure pas une grande confiance en soi (exemple du remords). c) D’un point de vue hypothétique, il serait alors préférable d’ignorer beaucoup de choses et de se sentir libre et heureux de ce fait Transition : Mais un être sans réflexion, sans prise de conscience, est-il libre ? III. La liberté ne peut s’établir sans prise de conscience. a) L’action politique vise à agir sur les inégalités et les exploitations qui peuvent être changées. La prise de conscience en uploads/Philosophie/ la-liberte-et-le-devoir.pdf
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- Publié le Nov 28, 2021
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