Chapitre 7 La liberté On ne naît pas libre. Les circonstances de la naissance d

Chapitre 7 La liberté On ne naît pas libre. Les circonstances de la naissance de chacun scellent-elles pour autant un destin ? En tout cas, la liberté est plutôt une conquête et une valeur qu’un donné de fait. En France, les enfants nés en prison peuvent rester auprès de leur mère en détention jusqu’à l’âge de 18 mois. Jane Evelyn Atwood, Trop de peines. Femmes en prison, 2000. 149 Chapitre 7 • La liberté 1. Est-il possible de ne dépendre de rien ni personne ? 2. Serions-nous plus libres sans État ? 3. Que font les hommes dans une situation similaire à celle de cet âne ? 4. La liberté que prétend offrir la publicité ci-contre vous parait-elle discutable ? Pour l’opinion commune, la liberté est souvent définie comme le pouvoir de faire ce qui nous plaît, sans rencontrer de contrainte ou d’obstacle. On appelle liberté d’indifférence la capacité pour un individu de choisir, parmi plusieurs possibilités qui se présentent à lui, n’importe laquelle d’entre elles, en toute indifférence, sans avoir une raison particulière de faire tel choix plutôt que tel autre. Cette capacité démontre que l’homme est doué d’un libre arbitre et qu’il n’est pas déterminé par avance dans ses choix. La liberté comme indépendance La liberté d’indifférence « Anarchie » veut dire « absence de pouvoir ». Les théo- ries anarchistes prônent l’abolition de toutes formes de gouvernement et de domination au nom de la liberté individuelle. Bakounine est l’un de ses représentants. En 1871 il écrit : « Je suis un amant fanatique de la liberté, la considérant comme l’unique milieu au sein duquel puissent se déve- lopper et grandir l’intelligence, la dignité et le bonheur des hommes ; non de cette liberté toute formelle, octroyée, mesurée et réglementée par l’État, mensonge éternel et qui en réalité ne représente jamais rien que le privilège de quelques-uns fondé sur l’esclavage de tout le monde. » Le dilemme de l’âne de Buridan est une légende selon laquelle un âne ayant aussi soif que faim, placé à égale dis- tance de son picotin d’avoine et son seau d’eau, serait mort de soif et de faim, faute de choisir par quoi com- mencer. 150 Découverte 5. Pourrait-on parler de liberté de la volonté et de responsabilité si tous les actes de l’homme étaient déterminés par sa nature ? 6. Le droit de vote est la base de la démocratie, mais suffit-il à garantir la liberté politique ? L’autonomie désigne le pouvoir de choisir sans être déterminé par une influence extérieure à soi, mais en puisant en soi-même, par une délibé- ration de sa volonté, les raisons qui nous poussent à agir de telle manière et non de telle autre. L’étymologie du mot « autonomie » indique que l’on se donne à soi-même (du grec auto) la propre loi (du grec nomos) de son action. Elle se définit, en démocratie, comme l’exercice de la souve- raineté par le peuple, à travers les lois, lorsque celles-ci incarnent la volonté générale. Les croyances religieuses La liberté comme autonomie Entre 1855 et 1861, le criminel Martin Dumollard commit trois assassinats et neuf tentatives de meurtre. Il fut condamné à la peine de mort et exécuté le 8 mars 1862 sur la place publique. Sa tête décapitée fut envoyée à l’École de médecine de Lyon pour y être analysée et expliquée par la théorie de la phéronologie. Cette pseudoscience - qui a été invalidée depuis - prétendait établir des corrélations entre la forme du crâne et le caractère de l’individu. Les criminels auraient ainsi été déterminés biologiquement à commettre des crimes. Après s’être soulevés contre le régime de Mouammar Kadhafi, qui régnait sans partage sur le pays depuis 1969, les Libyens ont participé aux pre- mières élections libres de leur histoire le 7 juillet 2012. 151 Chapitre 7 • La liberté 1 Dégagez l’idée principale du texte et les étapes de son argumentation. 2 Expliquez : a. « sans quoi conseils, exhortations, préceptes, interdictions, récompenses et châtiments seraient vains. » (lignes 1-2). b. « l’homme agit par jugement, car c’est par le pouvoir de connaître qu’il estime devoir fuir ou poursuivre une chose. » (ligne 7). c. « il est nécessaire que l’homme soit doué du libre-arbitre du fait même qu’il est doué de raison. » (lignes 15-16) 3 Pouvons-nous savoir avec certitude que nous sommes libres ? Thomas d’Aquin La raison est une preuve de liberté C’est parce que l’homme est doué de raison qu’il est libre, car c’est par elle qu’il peut juger avant d’agir et choisir entre plusieurs possibilités, ce que ne permet pas l’instinct de l’animal. L ’homme est libre : sans quoi conseils, exhortations1, préceptes2, interdictions, récompenses et châtiments seraient vains. Pour mettre en évidence cette liberté, on doit remarquer que certains êtres agissent sans jugement, comme la pierre qui tombe, et il en est ainsi de tous les êtres privés du pouvoir de connaître. D’autres, comme les animaux, agissent par un discernement, mais qui n’est pas libre. En voyant le loup, la brebis juge bon de fuir, mais par un discer- nement3 naturel et non libre, car ce discernement est l’expression d’un instinct naturel et non d’une opération synthétique4. Il en va de même pour tout discernement chez les animaux. Mais l’homme agit par jugement, car c’est par le pouvoir de connaître qu’il estime devoir fuir ou poursuivre une chose. Et puisqu’un tel jugement n’est pas l’effet d’un instinct naturel, mais un acte de synthèse qui procède de la raison, l’homme agit par un jugement libre qui le rend capable de diversifier son action. En effet, à l’égard de ce qui est contingent5, la raison peut faire des choix opposés, comme le prouvent les arguments des dialecticiens6 et les raisonnements des rhéteurs7. Or, les actions particulières sont en un sens contingentes, aussi le jugement rationnel peut les apprécier diversement et n’est pas déterminé par un point de vue unique. Par conséquent, il est nécessaire que l’homme soit doué du libre arbitre du fait même qu’il est doué de raison. Thomas d’Aquin, Somme théologique I, 1266-1274, q. 83, a. 1, in L’Être et l’Esprit, trad. Joseph Rassam, PUF, p. 83. 5 10 15 20 1 (1225-1274) Théologien italien considéré comme l’un des principaux penseurs de la scolastique, école de pensée cherchant à concilier la philosophie d’Aristote et la chrétienté, en séparant les vérités de la raison et celles de la foi. Œuvres principales • Somme contre les Gentils (1258-1272) • Somme théologique (1266-1274) 1. Exhortations : encouragements. 2. Préceptes : règles de conduite à suivre. 3. Discernement : jugement. 4. Opération synthétique : décision après une délibération réfléchie. 5. Ce qui est contingent : ce qui pourrait être autrement. 6. Les dialecticiens : penseurs qui mettent leur maîtrise de l’art d’argumenter au service de la recherche de la vérité. 7. Les rhéteurs : penseurs qui mettent leur maîtrise de l’art d’argumenter au service de la beauté des discours. REPÈRES Utilisez le repère contingent / nécessaire / possible pour expliquer la différence établie par le texte entre les actions de l’animal et celles de l’homme. p. 000 152 Textes Être libre, est-ce toujours suivre la raison ? 1 Dégagez l’idée principale du texte et les étapes de son argumentation. 2 Expliquez : a. « le plus bas degré de la liberté est celui où nous nous déterminons aux choses pour lesquelles nous sommes indifférents.» (ligne 3). b. « il nous est toujours possible de nous retenir de poursuivre un bien clairement connu ou d’admettre une vérité évidente » (lignes 12-13). 3 Une action accomplie sans raison est-elle libre ? René Descartes On peut librement vouloir quelque chose de mal Le libre arbitre est le pouvoir de choisir, selon Descartes c’est un pouvoir infini qui fait de l’homme la cause première de ses actes. La puissance de ce libre-arbitre est telle que l’homme peut même décider d’aller à l’encontre de la raison. L ’indifférence me semble signifier proprement l’état dans lequel se trouve la volonté lorsqu’elle n’est pas poussée d’un côté plutôt que de l’autre par la perception du vrai ou du bien ; et c’est en ce sens que je l’ai prise lorsque j’ai écrit que le plus bas degré de la liberté est celui où nous nous déterminons aux choses pour lesquelles nous sommes indifférents. Mais peut-être d’autres entendent-ils par indifférence la faculté positive de se déterminer pour l’un ou l’autre de deux contraires, c’est-à-dire de poursuivre ou de fuir, d’affirmer ou de nier. Cette faculté positive, je n’ai pas nié qu’elle fût dans la volonté. Bien plus, j’estime qu’elle s’y trouve, non seulement dans ces actes où elle n’est poussée par aucune raison évidente d’un côté plutôt que de l’autre, mais aussi dans tous les autres ; à tel point que, lorsqu’une raison très évidente nous porte d’un côté, bien que, moralement parlant, nous ne puissions guère choisir le parti contraire, absolument parlant, néanmoins, nous le pouvons. Car il nous est toujours possible de nous retenir de poursuivre un bien clairement connu ou d’admettre une vérité évidente, pourvu que nous uploads/Philosophie/ hac-philo-la-liberte.pdf

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