MOOC « Étudiants dyslexiques dans mon amphi : comprendre et aider » Séquence 2

MOOC « Étudiants dyslexiques dans mon amphi : comprendre et aider » Séquence 2 – Module 4 – Vidéo A Janvier 2019 MOOC « Étudiants dyslexiques dans mon amphi : comprendre et aider » Séquence 2 – Module 4 – Vidéo A Dyslexie phonologique : une lecture par assemblage perturbée par des déficits variés Pour réussir l’assemblage complet du mot et construire sa représentation phonologique, nous avons vu qu’il faut plusieurs compétences. Ce sont des capacités phonologiques, méta- phonologiques, attentionnelles et mnésiques. Chacune peut être perturbée et cela peut participer à l’apparition d’une dyslexie. Découvrons en quoi consistent ces perturbations. Tout d’abord la procédure d’assemblage nécessite de bien identifier les sons de la langue et de faire par exemple la différence entre /p/ et /t/ ou encore entre /t/ et /d/. Il faut pour cela de bonnes capacités auditives, au niveau de l’oreille, mais aussi au niveau des régions du cerveau qui se spécialisent pour identifier les sons du langage, et qui stockent les représentations des sons de notre langue. Certains dyslexiques développent mal ces représentations pendant la petite enfance. Cela ne les empêche pas de comprendre ce qu’on leur dit, car le contexte des phrases et la bonne compréhension des situations les aident à lever les ambiguïtés. Ils sont cependant en difficulté pour identifier les sons isolés dans la parole. C’est très perturbant pour apprendre à lire, car lorsque l’enseignant montre que pour écrire le son /d/ on utilise la lettre "d" et pour le son /t/ on utilise la lettre "t", si l’enfant n’entend pas bien la différence entre ces deux MOOC « Étudiants dyslexiques dans mon amphi : comprendre et aider » Séquence 2 – Module 4 – Vidéo A Janvier 2019 consonnes, il ne comprend pas pourquoi on utilise des lettres différentes. Les règles de correspondance entre les graphèmes et les phonèmes sont alors mal apprises, ce qui empêche de lire correctement avec la procédure d’assemblage. On peut illustrer en évoquant des expériences qui ont mis en évidence les difficultés de beaucoup de dyslexiques à identifier précisément les consonnes à l’oral. Le principe consiste à faire écouter une série de syllabes, par exemple /di/ et /ti/ présentées de façon mélangée, et avec des prononciations variables. L’auditeur doit décider à chaque fois s’il a entendu /di/ ou /ti/. Dans de telles expériences, les consonnes sont bien identifiées par les enfants qui lisent bien, mais les enfants dyslexiques sont en échec. Cela montre que leur système phonologique ne contient pas de représentations phonologiques suffisamment efficaces à l’oral pour les consonnes. On comprend qu’il est alors difficile pour l’enfant d’apprendre les règles associant des graphèmes à ces sons, et qu’il est aussi difficile d’écrire des mots dictés. Nous avons récemment montré que cette difficulté persiste chez les adultes dyslexiques étudiant à l’Université. Pour identifier /ti/, les étudiants non-dyslexiques réussissent presque à 100 %, alors que les étudiants dyslexiques n’identifient que 75 % des /ti/. De façon encore plus frappante, la syllabe /ki/ est identifiée presque parfaitement par les étudiants, mais s’ils sont dyslexiques ils n’en identifient même pas 70 %. Ces résultats montrent que les dyslexiques adultes ont encore des hésitations anormales pour identifier des sons de leur langue. MOOC « Étudiants dyslexiques dans mon amphi : comprendre et aider » Séquence 2 – Module 4 – Vidéo A Janvier 2019 Ces difficultés des dyslexiques à l’oral, à un niveau assez fin, sont encore mal connues du public, surtout concernant les adultes dyslexiques. Elles expliquent pourtant certaines difficultés à apprendre correctement des mots nouveaux entendus pour la première fois en cours. Ces mots appris de manière imprécise à l’oral risquent d’être ensuite écrits de façon approximative dans une copie d’examen par l’étudiant dyslexique. Pour limiter les erreurs d’apprentissage, en français ou en anglais, on peut conseiller aux enseignants de montrer clairement l’orthographe des mots spécialisés lorsqu’ils les prononcent, de même pour les mots d’origine étrangère, les sigles et les noms propres. Une prononciation lente de tels mots peut aussi aider les dyslexiques à les décoder plus correctement, car les sons très rapides sont pour eux souvent très difficiles à identifier. Par ailleurs, les difficultés d’identification des sons du langage oral permettent de comprendre aussi pourquoi les étudiants dyslexiques ont tellement de problèmes pour l’apprentissage de certaines langues étrangères. Il faut aussi avoir des compétences méta-phonologiques. Dans le mot « sac », par exemple, il y a 3 sons (trois phonèmes) et il faut s’en rendre compte pour comprendre qu’un mot aussi court s’écrit avec 3 graphèmes, c’est-à-dire ici 3 lettres : une pour /s/, une pour /a/, une pour /k/. Les enfants dyslexiques ont souvent des difficultés pour segmenter ainsi les mots à l’oral et se représenter ces petits sons comme des éléments qu’ils peuvent utiliser dans d’autres mots. MOOC « Étudiants dyslexiques dans mon amphi : comprendre et aider » Séquence 2 – Module 4 – Vidéo A Janvier 2019 En pratique, on évalue les capacités méta-phonologiques avec des tests où il faut manipuler mentalement les phonèmes. Par exemple, on fait entendre un mot et il faut supprimer son premier phonème avant de le répéter (pour Ballon, il faut dire Allon ; pour Plateau, il faut dire Lateau), ce qui n’est pas facile pour les enfants dyslexiques qui isolent souvent mal les sons dans les mots. D’autres tests demandent d’échanger les consonnes entre 2 mots. Les résultats de tests réalisés dans notre projet ETUDYS auprès de 30 étudiants dyslexiques montrent la persistance de déficits méta- phonologiques chez l’adulte dyslexique. Crédits : ENS de Lyon, service DUNES Sur ce graphique, le seuil de pathologie est représenté par la barre, à gauche de laquelle les performances sont à -1,65 écart-type de la norme. La moyenne des étudiants dyslexiques est inférieure à cette norme pour l’échange de consonnes entre 2 mots à l’oral, et pour la suppression de phonème, ce qui est pathologique. MOOC « Étudiants dyslexiques dans mon amphi : comprendre et aider » Séquence 2 – Module 4 – Vidéo A Janvier 2019 L’intensité de ce déficit est frappante pour des adultes. Ce déficit peut aussi participer aux difficultés majeures des étudiants dyslexiques pour apprendre des langues étrangères à l’université. La procédure d’assemblage nécessite aussi de déplacer l’attention petit à petit le long du mot. En lecture, pour vérifier si on a bien identifié une certaine lettre, on réoriente souvent l’attention vers la gauche, et sans qu’on s’en rende compte on inhibe alors l’information qui se trouve plus loin sur la droite. C’est très utile pour ne pas disperser son attention. Or, les enfants dyslexiques réalisent mal cette inhibition de l’information à droite. Il faut donc de bonnes capacités d’orientation de l’attention spatiale. Des travaux chez des dyslexiques italiens, ainsi que des expériences réalisées dans notre équipe en France ont montré que les enfants dyslexiques orientent leur attention dans l’espace d’une manière atypique et non satisfaisante. Nos travaux chez des dyslexiques francophones, tout comme d’autres réalisés chez des dyslexiques anglophones, montrent aussi qu’ils orientent leur attention trop lentement, ce qui ralentit la procédure d’assemblage et les fait lire de façon hachée. A la fin de la procédure d’assemblage, quand on lit bien, le mot est lu à haute voix sans ânonner, après avoir traduit tous les graphèmes en phonèmes. Cela nécessite une bonne mémoire à court terme. Or, la mémoire à court terme et la mémoire de travail sont parfois déficitaires dans la dyslexie, d’après des tests demandant d’écouter puis de répéter MOOC « Étudiants dyslexiques dans mon amphi : comprendre et aider » Séquence 2 – Module 4 – Vidéo A Janvier 2019 une série de chiffres, à l’endroit pour tester la mémoire à court terme ou à l’envers pour tester la mémoire de travail. Les dyslexiques échouent souvent dans ces tests, et cela montre à quel point leur fonctionnement cognitif est particulier, atypique, pas seulement pour les connaissances purement linguistiques. Lorsqu’ils sont repérés, ces déficits cognitifs sous-jacents guident l’orthophoniste ou le neuropsychologue dans la prise en charge de l’enfant. Pour finir avec la procédure d’assemblage, celle-ci est souvent apprise en priorité à l’école. C’est assez simple : son avantage est de permettre de lire des mots nouveaux. Mais l’assemblage a des limites : c’est une procédure lente. De plus, il ne permet pas d’identifier les mots écrits dont l’orthographe ne suit pas les règles habituelles. Or, les mots irréguliers sont particulièrement nombreux en français. Lorsqu’un enfant dyslexique a surtout des perturbations de la procédure d’assemblage, cela se traduit par des difficultés particulièrement fortes pour lire les mots nouveaux, et on diagnostique une « dyslexie de type phonologique ». Le terme est trompeur, car cela peut s’expliquer, comme nous l’avons vu, par des anomalies phonologiques, mais aussi méta-phonologiques, attentionnelles ou mnésiques. Un bilan orthophonique et neuropsychologique précis et complet permet de savoir ce qu’il en est. Pour un adulte dont le type de dyslexie pendant l’enfance était phonologique, les mots courants sont assez bien lus, mais les mots nouveaux posent des difficultés extrêmes. Or, de nouveaux mots spécialisés, des noms propres nouveaux, et des sigles sont souvent MOOC uploads/Philosophie/ moocdyslexie-s2m4va-lectureassemblagedeficit.pdf

  • 28
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager