DIALECTIQUE, ONTOLOGIE ET HISTOIRE DANS LES NOTES PRÉPARATOIRES AUX COURS SUR L
DIALECTIQUE, ONTOLOGIE ET HISTOIRE DANS LES NOTES PRÉPARATOIRES AUX COURS SUR LA PHILOSOPHIE DIALECTIQUE (1956) David Belot De Boeck Supérieur | « Revue internationale de philosophie » 2008/2 n° 244 | pages 189 à 206 ISSN 0048-8143 ISBN 9782960064056 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-internationale-de-philosophie-2008-2-page-189.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © De Boeck Supérieur | Téléchargé le 04/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.65.32.248) © De Boeck Supérieur | Téléchargé le 04/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.65.32.248) 189 La pensée contemporaine « en pleine ontologie dialectique » La réflexion de Merleau-Ponty prend une dimension « ontologique » dans la mesure où elle dépasse l’ambition proprement descriptive de la phénoménologie et s’engage dans une refonte des catégories traditionnelles du sujet et de l’objet, du fait et de l’essence, etc. Ce changement de plan du discours philosophique n’implique nul désaveu de la perspective précédente, mais au contraire entend en tirer les conséquences rigoureuses, prendre la mesure de ce qu’exigeait la tâche d’amener « l’expérience encore muette à l’expression pure de son propre sens », selon la formule empruntée à Husserl. Le philosophe a revendiqué dès 1946 une telle portée ontologique pour ses premiers travaux, mais c’est à partir de 1957 et des cours sur la Nature, que son projet s’est systématiquement annoncé comme une « ontologie » 1. Si Merleau-Ponty a pu reconnaître entre-temps que les nouvelles catégories (champ, Gestalt, « synthèse passive »…) dans lesquelles il avait travaillé, souffraient encore d’être définies « négativement » au regard des notions classiques, il ne tourne pas pour autant le dos au passé philosophique en embrassant une ambition explicitement ontologique. Au contraire, celle-ci s’accomplit dans un usage très original de l’histoire de la philosophie. D’un côté Merleau-Ponty montre que les développements de la science contemporaine mettent en porte-à-faux les catégories classiques dont elle a hérité. Mais en même temps, celles-ci ne renvoient pas selon lui à un moment philosophique passé, qui serait un bloc, absolument identique à lui-même, et qui, comme tel, n’aurait plus rien à nous dire. En effet, la philosophie classique – on pourrait dire : le cartésianisme – a été traversée par une « diplopie fondamentale » selon le mot de Blondel, qui est dualité du point de vue de l’essence et de celui de l’existence – respectivement celui de la Deuxième et celui de la Sixième Méditation. L’ « ontologie de la Nature » recherchée 1. Devant la Société française de philosophie, en 1946, Merleau-Ponty refuse d’accorder à Jean Hyppolite la disjonction que celui-ci croit repérer entre sa description de la perception et une philosophie de l’« être du sens ». Cf. là-dessus, Emmanuel de SAINT AUBERT, Vers une ontologie indirecte, Vrin, 2006. Dialectique, ontologie et histoire dans les notes préparatoires aux cours sur La philosophie dialectique (1956) David BELOT © De Boeck Supérieur | Téléchargé le 04/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.65.32.248) © De Boeck Supérieur | Téléchargé le 04/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.65.32.248) 190 DAVID BELOT 2. Notes préparatoires aux cours donnés le jeudi et le lundi de l’année 1955-1956 au Collège de France, consacrés respectivement à « La Philosophie dialectique » et à des « Textes et commentaires sur la dialectique ». Ils sont réunis sur le même microfilm à la BNF. Nous citons notre propre transcription (Dial). On suit le foliotage de la BNF. Ici Dial. 30 – c’est nous qui soulignons. exige non pas de réduire rationnellement cette diplopie mais de l’assumer – ce que la philosophie classique ne fait pas – en en prenant possession comme le regard s’empare des images monoculaires pour en faire une seule vision. C’est pourquoi Merleau-Ponty unit deux mouvements dans les cours qu’il consacre de 1957 à 1959 au concept de Nature : d’une part, il restitue une histoire de ses variations philosophiques, qui est commandée par le geste cartésien et le résidu qu’il laisse (la question de l’organisme, la productivité naturelle), d’autre part il montre comment la science contemporaine doit nous amener à revenir à ce point de départ, c’est-à-dire à ce qu’il a entraperçu puis recouvert. Sur ce statut à la fois critique et historique de l’ontologie merleau-pontienne, les cours de 1956 consacrés à « la Philosophie dialectique » offrent un éclairage précieux, dans la mesure où leur démarche présente à la fois une profonde parenté et une non moins importante différence avec celle des cours sur la Nature. Ce qui est en jeu, en 1956, c’est – déjà ! – la réforme de notre entendement philosophique qu’exige une approche de l’Être, c’est-à-dire, en ce sens-là, proprement merleau-pontien, notre ontologie. Le mot lui-même est d’ailleurs omniprésent dans les notes préparatoires. S’il est vrai qu’avec la dialectique, on a affaire à une « méthode intellectuelle », comme l’affirme le résumé (et non à une question déterminée comme la Nature), ce sont bien les descriptions effectives que sous-tend cette méthode qui importent : « Nous avons eu recours – parce que dialectique est ontologie et pour le montrer, à description de l’être sensible, de l’être du monde, de l’être d’univers qui en principe sont plutôt propres à philosophie intuitive. A dessein. Dialectique mouvement des idées comme appareil extérieur, mais mouvement de notre expérience, mobilisation de l’intuition. Intuitions articulées et non schème logique. » 2 Ainsi, et beaucoup plus encore que le résumé ne le laisse entendre, c’est du point de vue même des recherches contemporaines qu’est mené le cours du jeudi, du moins toute sa première partie, qui définit la pensée dialectique comme « pensée des contradictoires », pensée « subjective », puis pensée « circulaire ». Cette première partie du cours s’instruit aux sources de la psychologie de la Gestalt, quand elle décrit le sens d’être de la chose, comme écart par rapport au niveau du monde, qui n’est donc identifiable que parce qu’elle prescrit un développement infini (de ses fonds interne et externe) : on rejoint ainsi l’idée éminemment dialectique de « médiation par soi ». Mais elle se réfère aussi bien aux résultats de la relativité einsteinienne, ramenés à l’état naissant, dans leur co-originarité avec l’expérience du sens commun : c’est bien une dialectique de la singularité et de l’universalité qu’on met ainsi au jour, dans l’unicité © De Boeck Supérieur | Téléchargé le 04/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.65.32.248) © De Boeck Supérieur | Téléchargé le 04/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.65.32.248) 191 DIALECTIQUE, ONTOLOGIE ET HISTOIRE L’histoire de l’ontologie dialectique : son « dehors » ? Et pourtant, naturellement, les choses ne sont pas si simples. Comme l’indique le résumé, et là encore selon un mouvement de pensée que l’on retrouvera dans « Interrogation et dialectique », la dialectique va s’avérer occuper une « position instable », être une pensée en « équilibre difficile » 6 – non pas de façon accessoire mais essentielle, puisque c’est la pensée de la médiation, i. e. de la catégorie même qui lui était à la fois la plus propre et la plus féconde, qui sera en cause. Cette instabilité n’est pas relevée in abstracto, mais par le fait même, c’est-à-dire à travers l’histoire de la 3. Notamment l’embryologie. 4. Dial. 16. 5. Ce qui n’est peut-être pas la même chose. Dans « Interrogation et dialectique », après avoir parlé d’une « pensée de l’Être-vu, d’un Être qui est (…) manifestation de Soi, dévoilement, en train de se faire », Merleau-Ponty écrit : « La dialectique est bien tout cela, et c’est, en ce sens, elle que nous cherchons. », avant d’expliquer le danger qui la menace « dès qu’elle devient ce qu’on appelle une philosophie » (Le Visible et l’Invisible, Gallimard, TEL, p .126-127). 6. Résumés de cours. Collège de France 1952-1960, Gallimard, 1968 (RC), p. 82. véritable – non dogmatique – d’un temps fondée sur la réciprocité des perspectives temporelles. Avec cette lecture d’Einstein à travers le prisme bergsonien, ce n’est donc pas seulement l’être de la chose, ou celui du monde, i. e. celui de notre expérience effective, mais aussi l’être de l’univers, celui de la science qui se fonde sur eux, que permettent d’articuler les catégories dialectiques. On retrouve donc, dans le cours du jeudi, des développements sur les sciences qui évoquent par anticipation ceux des cours sur la Nature, mais ils interviennent au début, dans un premier moment du cours qui ne comporte encore nulle analyse d’histoire de la philosophie (elles viendront après). Le plan suivi est donc strictement l’inverse de celui du cours sur la Nature qui ira, uploads/Philosophie/ rip-244-0189.pdf
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- Publié le Apv 30, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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