978-2-10-071820-7 Sommaire Avant propos. La peur d’apprendre pour comprendre le

978-2-10-071820-7 Sommaire Avant propos. La peur d’apprendre pour comprendre le décrochage scolaire VII Introduction. En hommage aux frères Grimm... 1 1. Le constat affligeant de l’échec scolaire 5 2. Médiation culturelle et difficulté d’apprentissage 17 3. Guillaume et la peur d’apprendre 35 4. Gérard et la peur de savoir 55 5. L’enfant « non lecteur » et le pouvoir affectif des mots 73 6. Apprendre à diviser avec Castor et Pollux 91 7. Vaincre le danger de penser avec Héraclès 101 8. Georges et sa pensée troublée 117 9. Alberto ou le gel de la pensée 125 10. Les enfants non lecteurs sont-ils dyslexiques ? 139 11. N’ayons plus peur des mauvais élèves 153 Conclusion. Lorsque l’apprentissage peut déstabiliser... 167 Bibliographie 173 Index 175 Avant-propos La peur d’apprendre pour comprendre le décrochage scolaire EN QUOI CONSISTE LA PEUR D’APPRENDRE ? Chaque année, 15 % de jeunes gens, aussi curieux et aussi intelligents que les autres, sortent de notre école sans maîtriser les savoirs de base. Quelles raisons mystérieuses les ont poussés à se tenir en dehors de connaissances et de compétences qui étaient pourtant largement à leur portée ? Pourquoi les professeurs qui les ont accompagnés n’ont-ils pas réussi à rompre cet enchaînement d’oppositions, d’échecs, de décro- chages et de souffrances qui ont émaillé leurs années de scolarité ? La réponse que je tente de donner tout au long de ce livre est simple, elle me paraît même évidente après quarante-cinq années de fréquentation des réfractaires aux savoirs que propose l’école : ces enfants ont peur d’apprendre. Ils ont peur d’apprendre car ils n’ont pas les compétences psychiques requises pour supporter les contraintes de l’apprentissage. N’oublions jamais que pour apprendre, il faut être VIII L’ENFANT ET LA PEUR D’APPRENDRE capable de reconnaître et d’admettre ses manques, il faut savoir attendre, il faut respecter des règles, il faut pouvoir supporter un moment de solitude. Cela fait beaucoup pour ceux qui sont arrivés à l’école sans avoir été initié à la frustration ou à l’autonomie au cours de leurs premières expériences éducatives. Les idées de toute-puissance, d’immédiateté ou de refus des limites, sur lesquelles s’est installé leur équilibre psychique, vacillent brutale- ment. La demande de fonctionnement intellectuel provoque alors une remise en cause excessive et est vécue comme un danger. QUELLE CONSÉQUENCE SUR L’APPRENTISSAGE ? Cette déstabilisation identitaire déclenche l’arrivée de sentiments parasites au premier rang desquels nous allons retrouver des idées d’auto- dévalorisation et de persécution souvent alimentées par le retour de peurs infantiles. C’est donc pour se protéger de ces dérèglements que ces enfants choisissent la défense la plus logique et la plus banale : la mise en place de stratégies anti-apprentissage. Elles sont nombreuses et variées, certaines d’entre elles vont toucher le comportement, la concentration, la motivation... D’autres vont dérégler l’instrument lui-même, nous poussant parfois à la recherche de raisons médicales pour expliquer ces dysfonctionnements que nous ne comprenons plus. Mais la fréquentation régulière de ceux qui résistent ainsi devant les savoirs de base nous montre à l’évidence que toutes ces stratégies ont toujours un point commun : empêcher le déroulement normal des activités de pensée car ce sont elles qui sont à la source des perturbations, éviter la confrontation avec tous ces apprentissages qui réclament le retour à soi, en imposant de réfléchir pour construire et chercher. Pour moi c’est bien cette phobie du temps de suspension qui carac- térise les difficultés durables devant l’accès aux savoirs fondamentaux. C’est ce handicap lourd qui transforme les parcours scolaires en chemin de croix que j’appelle « peur d’apprendre ». LES PROFESSEURS SONT-ILS EN MESURE DE RÉPONDRE À LA PEUR D’APPRENDRE ? Sommes-nous devant un problème trop psychologique qui dépasse la pédagogie et qui risque de détourner les professeurs de leur mission ? AVANT-PROPOS IX Bien sûr que non ! Il n’y a que les partisans de l’immobilisme pour prétendre de telles choses. Tout au long de cet ouvrage je pense apporter la preuve qu’avec la culture et le langage, le professeur est celui qui dispose des meilleurs atouts, pour intégrer les réfractaires à l’apprentissage dans la classe et pour relancer leur capacité à penser. Finissons-en avec ces aides dérisoires qui sont centrées sur le rattrapage et la méthodologie pour remettre à niveau les moins bons, elles ne font que les marginaliser et les encourager à améliorer leurs stratégies anti-apprentissage. Faisons plutôt confiance au nourrissage culturel que nous allons utiliser pour favoriser l’entraînement à débattre et à argumenter au quotidien. À partir d’exemples pris dans la pratique, je souhaite montrer que la confrontation avec les textes fondamentaux, porteurs des grandes questions humaines, est la meilleure façon de mobiliser l’intérêt de tous et de renforcer les compétences psychiques qui sont réclamées par le fonctionnement intellectuel. Utilisons-les comme des outils pour redonner de la force et du sens aux savoirs disciplinaires et pour trouver le plaisir d’apprendre et de transmettre qui manque parfois à notre enseignement. C’est comme cela que nous ferons travailler ensemble, dans la même classe, des élèves de niveaux différents et que nous trouverons cette cohésion groupale indispensable à la bonne pédagogie. Mais c’est aussi comme cela que nous allons enfin donner à ceux qui ont peur d’apprendre, une chance de se réconcilier avec l’école et de ne plus faire partie du groupe des décrocheurs. Introduction En hommage aux frères Grimm... L ORSQUE j’ai commencé à travailler dans l’enseignement spécialisé, j’étais déjà instituteur depuis un certain temps. Je pensais être un bon enseignant, j’étais plutôt bien formé et je me croyais capable d’affronter des situations difficiles. J’ai été nommé, à ma demande, dans une classe d’enfants qui avaient pour point commun de ne pouvoir supporter ni le cadre scolaire, avec ses règles et ses lois, ni ceux qui avaient pour charge de le représenter. La plupart de ces enfants, malgré leur jeune âge, s’étaient déjà fait exclure de plusieurs écoles de quartier pour violences et indiscipline caractérisées. Leur classe se trouvait à l’intérieur du Centre psycho- thérapique de Vitry-sur-Seine, « Le Coteau », et à l’époque, nous les définissions par une étiquette qui est un peu tombée en désuétude, mais avait le mérite d’être explicite : « enfants souffrant de troubles du comportement et de la conduite ». La confiance que j’avais en moi n’a pas été suffisante et après quinze jours de classe, je n’avais plus d’élèves, la plupart d’entre eux étaient dehors, occupés à jouer ou à me provoquer si j’avais l’outrecuidance de vouloir les faire rentrer. Quant aux autres, ceux qui restaient avec moi, il ne pouvait être question d’apprentissage, je devais me contenter de les 2 INTRODUCTION distraire ou de les occuper sinon ils allaient grossir les rangs de ceux qui me narguaient sous les fenêtres. Je serais sûrement tombé malade ou j’aurais changé de métier si je n’avais trouvé dans la classe, un livre de contes laissé sur une étagère par mon prédécesseur. Je dois donc ma survie dans le monde de la pédagogie aux frères Grimm et je leur en suis reconnaissant. En effet, un jour que j’étais au comble du désespoir, j’ai commencé à lire leur livre de contes aux trois ou quatre enfants qui étaient encore avec moi et, comme par enchantement, j’ai vu revenir mes élèves les uns après les autres, pour en écouter les histoires. J’ai vu, contre toute attente, ces grands pré-adolescents dont la violence éclatait à chaque instant se rouler en boule sur leur siège et sucer leur pouce, pour écouter des histoires qui me semblaient relever du niveau de la grande section des classes maternelles. Malgré ce premier miracle, je dois dire que je n’ai pas été rassuré pour autant, car dès que je fermais mon livre de contes pour le remplacer par un livre de mathématiques ou de grammaire, ils s’en allaient à nouveau, ce qui était, pour moi, la pire des vexations. J’ai donc été condamné par mon groupe, pour garder la face vis-à-vis de mes collègues et de la directrice de l’école, à lire, lire et lire encore. Du matin au soir, ou presque, car, de temps en temps, après négociation, mes élèves acceptaient de faire un dessin ou un match de football pour que je me repose. Je dois avouer que je n’étais pas fier de moi. J’avais l’impression de faire perdre leur temps à des enfants déjà en retard dans leur cursus scolaire. Jusque-là, je n’avais utilisé le conte et la lecture d’histoires que comme une récompense qui venait à la fin d’une journée, lorsque les enfants avaient été sages ou avaient bien travaillé. Tous mes repères de pédagogue en étaient bouleversés. J’avais en face de moi des enfants qui me semblaient avoir surtout besoin de concret et de rationnel, je leur racontais des sornettes, je les confrontais à la magie, au bizarre. À toutes leurs inquiétudes, qui étaient déjà très vives et souvent expri- mées publiquement, je rajoutais des histoires de dévoration, d’abandon, de mort. Alors qu’ils avaient déjà dû se construire à partir de liens familiaux si conflictuels, si perturbants, je leur racontais des histoires de belle-mère perverse, de parents uploads/Philosophie/ serge-boimare-l-x27-enfant-et-la-peur-d-x27-apprendre-dunod.pdf

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