Revue des Sciences Religieuses Max Scheler, La pudeur. Traduction par M. Dupuy,

Revue des Sciences Religieuses Max Scheler, La pudeur. Traduction par M. Dupuy, 1952 Y. Becker Citer ce document / Cite this document : Becker Y. Max Scheler, La pudeur. Traduction par M. Dupuy, 1952. In: Revue des Sciences Religieuses, tome 26, fascicule 4, 1952. pp. 416-418; https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1952_num_26_4_1992_t1_0416_0000_2 Fichier pdf généré le 05/04/2018 416 COMPTES RENDUS A l'instar de l'Ecole pratique des Hautes Etudes (Sorbonne), la nouvelle Ecole publie son annuaire. Le présent fascicule contient, dans une première partie, le résumé des leçons données par les divers professeurs au cours de l'année 1950-1951, qui a été l'année inaugurale de l'institution. Nous en signalons les titres pour montrer la variété et l'intérêt que présente le programme : Le pouvoir social dans l'Eglise catholique (M. An- drieu-Guitrancourt) ; les conciles maronites de 1596 (Mgr Feghali) ; les sources de la législation ecclésiastique orthodoxe (R. P. Grumel) ; les institutions juridiques de l'Eglise anglicane (R. P. Bouyer) ; les positions de l'Eglise d'Ethiopie (Mgr Grébaut) ; le droit public et le droit sacramen- taire de l'Eglise chaldéenne (M. Dauvillier) ; le Mahr dans le droit musulman (Mgr Feghali) ; la législation talmudique (M. Larroche) ; la loi hindoue (R. P. Gathier) ; la personnalité internationale du Saint-Siège (M. Le Roy). Pour bref qu'il soit, le résumé des leçons de M. Le Roy mérite l'attention du canoniste qui s'intéresse à la place que tient, actuellement, l'Eglise catholique dans le droit public international. « II existe en droit international, écrit M. Le Roy (p. 45-46), deux sortes de sujets. Les uns jouissent d'une compétence générale, et sont capables de faire tout ce qui ne leur est pas spécialement interdit par une règle expresse. Ce sont les Etats. . . Les autres, au contraire, ne disposent que d'une compétence limitée par le but en vue duquel ils sont institués et reconnus. . . Ce sont les institutions. L'Eglise universelle n'est pas un Etat, mais une institution internationale. . . Pour le juriste, l'O.N.U. et le Saint-Siège, le pape et M. Trygve Lie appartiennent aux mêmes catégories techniques ». Evidemment, M. Le Roy étudie le problème uniquement du point de vue positif; il essaie simplement de voir quelle place est accordée, en fait, à l'Eglise catholique dans la société internationale contemporaine. Il examine la question, dit-il « en physicien et non en théologien ». La seconde partie de l'annuaire est réservée à une étude du P. Grumel sur le premier rattachement de l'Illyricum oriental au patriarcat de Constantinople. L'auteur iexpose les circonstances religieuses et politiques qui ont été à l'origine du décret du 14 juillet 421, par lequel Théodose II retira l'Illyricum à la juridiction du pape. Cette première soumission au patriarche de Constantinople fut de courte duré3, puisque dès 422, Rome avait réussi à rentrer dans ses droits. René Metz. Max Scheler, La pudeur. Traduction par M. Dupuy. Paris, Aubier, 1952, in-16, 156 p. Génie tumultueux, Max Scheler a souffert plus qu'aucun autre penseur du drame que représente pour tout être humain le passage de l'instinct à l'esprit. La tension entre les pulsions aveugles mais puissantes de la vie inférieure et les exigences de la vie spirituelle, s'exprime d'une manière saisissante dans le portrait physiognomique du philosophe bavarois. C'est sans doute dans l'essai « Ûber Scham und Schamgefiihl », tiré du premier volume des œuvres posthumes de Scheler, que cette tension trouve son expression la plus émouvante et la plus suggestive. Commencé dès 1913 et jamais complètement achevé, comme nombre d'autres essais de ce penseur impatient, l'analyse phénoménologique du COMPTES RENDUS 417 sentiment de pudeur jette une lumière très fraîche sur le fond de cette âme déchirée; elle est caractéristique de sa méthode. Après avoir indiqué dans un premier chapitre la situation et la place de la pudeur dans la nature, Scheleij montre qu'elle n'est pas un sentiment exclusivement sexuel ni même exclusivement social, mais qu'elle appartient à la sphère des sentiments qui permettent à l'individu de protéger ses valeurs contre les menaces de l'universel. Puis il indique les rapports du sentiment de pudeur avec les émotions apparentées: la fierté, l'humilité, le repentir et le sentiment de l'honneur. Dans l'ordre de la pudeur corporelle, il analyse les analogies avec le dégoût et l'aversion; avec l'angoisse, la crainte et le respect. (Ces analyses nous valent au passage des affirmations pour le moins curieuses sur le manque spécifiquement juif de verecundia devant le mystère de Dieu et du monde.) Distinguant deux formes profondément différentes et irréductibles du sentiment de pudeur, la pudeur corporelle et la pudeur psychique, Scheler passe en revue les théories de l'origine et de l'extension de la pudeur corporelle. Il dénonce les confusions qui présentent le sentiment de la pudeur comme un produit de l'éducation. Selon Scheler, l'éducation peut rendre compte de la pruderie et de son négatif, le cynisme et la tendance à l'obscénité; elle peut exercer une influence très grande sur l'interprétation morale, religieuse et métaphysique du sentiment de pudeur; elle explique enfin les innombrables formes die pudeur illusoire au rang desquels il range avant tout, avec Simmel, la coquetterie. Mais jamais les théoriciens de l'éducation n'expliqueront la pudeur proprement dite qui appartient à la constitution mêpne de toute conscience. C'est dans l'analyse des fonctions de la pudeur sexuelle que Scheler apporte les vues les plus intéressantes pour le psychologue et le moraliste. En libérant de l'auto-érotisme et en orientant la libido sur des êtres d'un autre sexe, elle joue un rôle indispensable dans la formation même d'un instinct sexuel normal. C'est sa fonction primaire. Sa fonction secondaire est d'être « la conscience de l'amour ». S'at- taquant à l'utilitarisme étroit d'une certaine conception intéressée de la pudeur, Scheler montre son intentionnalité profonde. Témoin à la fois de la passion et de la personne spirituelle, elle empêche la soumission aux impulsions aveugles de l'instinct, s'il n'existe pas d'abord hic et nunc un élan d'amour authentique. On voit dès lors dans quel sens elle retarde l'union des corps et la fréquence de ces unions. Les pages d'inspiration nietzcheenne sur la pudeur comme auto-protection de la race noble contre la vie vulgaire paraissent plus discutables. Scheler appelle fonction tertiaire celle que la pudeur remplit au sein même d'un commerce, que commande un amour authentique. Il lui revient de gardisr à l'acte sexuel son caractère de mouvement expressif de l'amour qui unit deux êtres. Si la pudeur vise à exclure toute intentionnalité autre que celle de traduire l'amour, notons que Scheler ne nie nullement que les rapports entre homme et femme ne soient liés à la reproduction en vertu d'une finalité objective. D'une manière plus générale, la pudeur lui apparaît comme une dies fonctions les plus importantes de la constitution de la conscience morale; indépendamment de tout règlement positif, ce sentiment forme une des racines de toute éthique. La phénoménologie rejoint ici les intuitions de Soloviev, dans la « Justification du Bien •». 418 COMPTES RENDUS On peut parfois contester les bases physiologiques de cet essai, la documentation historique et sociologique souvent dépassée qui alimentent ses analyses. On peut regretter la» lourdeur de telles insistances! qui sentent le parti pris et la passion. Mais malgré ses lacunes et ses défauts, cet essai est d'un intérêt prodigieux pour tous ceux qu'inquiète la diminution du sens de la pudeur en notre ère de l'écran, des confessions littéraires et des métaphysiques de l'absurde. Y. Becker. Max Scheler, Mort et survie. Paris, Aubier, 1952. In-12, 144 p. La foi en la survie, d'après Scheler, a été souvent plus forte que la perception de la mort. Quand une telle conviction disparaît, ce n'est pas parce que la science progresse, mais parce que les racines de la religion se dessèchent. L'homme moderne, ajoute l'auteur, ne croit plus à la survie parce qu'il refoule la pensée de la mort. La perspective de la mort est pourtant inhérente à la structure de notre vie et à notre contemplation des vivants. L'instinct naturel est de refouler l'idée de la mort, mais l'homme moderne tend à être indifférent vis-à-vis de la mort, à ne plus la craindre, parce qu'il se laisse divertir par le tourbillon du travail et l'appât du gain. La mort devient une « catastrophe » et non plus un fait naturel. Dans une philosophie mécaniste est-elle même autre chose qu'un détail de la continuité inorganique ? Peut-être aura-t-on le sentiment que Max Scheler n'écrirait plus sur ce ton aujourd'hui. La hantise de la mort et du sens de la (mort est revenue en nous, sinon à la suite de la première guerre mondiale, du moins avec la seconde. Le succès d'un certain existentialisme noir est la preuve que les paravents du Second Empire sont bel et bien tombés à terre. A une conception si intériorisée de la mort, M. Scheler ajoute un certain platonisme de la survie : il cherche une indépendance « essentielle » de la personne par rapport à l'organisme (p. 54) . Cette indépendance semble être saisie d'après lui par intuition : on découvre la survie comme on découvre l'existence d'autrui, sans raisonnement. Dans l'un et l'autre cas, la disparition des uploads/Philosophie/ rscir-0035-2217-1952-num-26-4-1992-t1-0416-0000-2 2 .pdf

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