1 Ouvertures Revue internationale de philosophie, théologie et psychanalyse Aou

1 Ouvertures Revue internationale de philosophie, théologie et psychanalyse Aout 2019 Revue Ouvertures vol 3 Revue Ouvertures vol 3 David Brême — Comprendre le sikhisme avec des sikhs du Grand Montréal Comprendre le sikhisme avec des sikhs du Grand Montréal Partie 1 : Le contexte historique sikh (1469-1849) David Brême – septembre 2020 Citer l’article : David Brême, « Comprendre le sikhisme avec des sikhs du Grand Montréal », Revue Ouverture vol 3, part. 1, p. 160-191 Résumé : Deux objectifs ont été visés dans cette recherche, publiée en deux parties : dans une première partie introduire au public francophone le sikhisme (p. 164 à 180) par ses principes et son contexte historique, principalement de 1469 à 1849 (à titre de socle indiquant les grands points de repères religieux du sikhisme) et dans une seconde partie, investiguer des représentations journalistiques canadiennes contemporaines du sikhisme de 2017 à 2019 sur Radio Canada et CBC News (p. 181 à 201), en s’appuyant pour ce faire sur le regard porté par des sikhs du Grand Montréal sur cette presse les concernant... Mais cette médiatisation notamment politique des sikhs concerne aussi et surtout l’histoire des deux solitudes canadiennes entre anglophones et francophones. Le rôle des sikhs est souvent médiatiquement instrumentalisé entre ces deux pôles linguistiques et culturels, servant tantôt l’imaginaire des uns, tantôt l’imaginaire des autres, sans que leur réalité sikhe ou leur imaginaire propre soit vraiment pris en compte. L’importante contribution de répondants sikhs de LaSalle et du professeur Chahal à cet article permet au contraire de présenter une compréhension du sikhisme en collaboration avec eux, dans une perspective décoloniale de la construction du savoir académique comme de l’information journalistique. Dr. David Brême, docteur en sciences des religions, chercheur indépendant, co- rédacteur en chef de la Revue Ouvertures, responsable académique du Collaboratoire (coopérative de recherche en sciences sociales basée à Montréal) a au coeur de ses réflexions l’interculturalité et le vivre ensemble. Sa thèse exploratoire postcoloniale intègre des approches sociologiques, historiques et littéraires (UQÀM, 2018) et porte sur un terrain de recherche multisitué en Inde et à Montréal, lors duquel il a découvert la pertinence des approches méthodologiques collaboratives et développé des outils ethnographiques conséquents. 162 Revue Ouvertures vol 3 David Brême — Comprendre le sikhisme avec des sikhs du Grand Montréal Mes remerciements à la communauté sikhe du Gurdwara Nânak Dakbar de LaSalle pour son accueil, au professeur Singh Chahal de Laval pour sa contribution à cet article, au chercheur Michel Boccara de Toulouse pour sa relecture éloignée du sikhisme,du Québec comme du Canada, à la professeure et directrice de la Revue Ouvertures Marie-Ève Garand pour son évaluation et la pertinence de ses remarques critiques et enfin à ma collègue du Collaboratoire Émilie Dazé pour sa minutieuse révision de la forme. J’ai découvert le sikhisme à Montréal en visitant le Gurdwara Nânak Dakbar (temple sikh) de LaSalle dans le cadre d’un cours sur les religions du monde donné à l’UQÀM, en assistant mon directeur de thèse1 Mathieu Boisvert en 2011. Le sikhisme, religion mondiale monothéiste, commence avec les disciples de Guru Nânak2, le mot sikh voulant dire étymologiquement3 disciple, étudiant. Suite à une conversation avec le professeur Singh Chahal4, ce dernier m’a aussi signalé que le sikhisme dérive du mot pendjabi « Sikhi », une philosophie fondée par Guru Nânak et qu’il a ensuite été anglicisé et francisé en ajoutant le suffixe « isme ». Néanmoins, selon Chahal, de nos jours le terme « Sikhi » redevient populaire au lieu du terme anglais « Sikhism ». Je garderai par commodité le terme francisé de sikhisme, mais en ces temps où le débat sur l’appropriation culturelle est souvent soulevé, on peut se demander avec Chahal si le vocable sikhisme redéfinit le « sikhi » qu’il désigne. 1 PhD UQÀM en sciences des religions 2018, j’ai d’abord fait une maîtrise de philosophie sur « Kabîr et la philosophie » à Reims, en France. Kabîr est un poète mystique dont les paroles ont été transcrites dans le livre sacré des sikhs, le Guru Grant Sahib. 2 L’accent circonflexe sur le a de Nânak translittère le nom pendjabi en français, ā dans le système de translittération IAST. 3 “śiṣya” (शिष्य) 4 Voir liste des références. Le professeur Singh Chahal est responsable de l’Institut for Understanding Sikhism situé à Laval. 163 Revue Ouvertures vol 3 David Brême — Comprendre le sikhisme avec des sikhs du Grand Montréal Cette découverte du sikhisme s’était enrichie pour moi en Inde en 2013 lors d’un séminaire de recherche, puis j’ai été amené à étudier leur histoire récente, notamment les massacres des sikhs entre le 1er juin et le 8 juin 1984 au Darbar Sahib, le temple d’Or d’Amritsar, ordonnés par Indira Gandhi. Cette dernière fut assassinée le 31 octobre 1984 par ses gardes du corps et il s’ensuivit un génocide5 des sikhs, à New Delhi notamment. J’ai notamment été témoin en 20166 de la parole de rescapés de cette sombre période qui fut la cause majeure de l’augmentation du flux migratoire des sikhs, pour beaucoup accueillis en tant que réfugiés au Canada après 1984. Dans cette première partie, je propose au lecteur une présentation synthétique du sikhisme et de son contexte historique de 1469, naissance de son fondateur à 1849, date d’annexion du Pendjab par les Britanniques. Cette présentation se veut sommaire, mais une présentation de la philosophie Sikhi par le Pr. Chahal en annexe 1 et des références bibliographiques en annexe 2 couvrant la période de 1849 à nos jours permettront au lecteur de compléter ce tour d’horizon et de prendre connaissance de certaines études sikhes. 5 Le terme de génocide pour qualifier la répression meurtrière des sikhs suite au meurtre d’Indira Gandhi fut officiellement adopté et reconnu par le parlement ontarien en avril 2017. Le dénombrement des victimes varie selon les sources, mais il s’agit de plusieurs milliers de sikhs assassinés en 4 jours, du 31 octobre au 3 novembre 1984. 6 C’était lors d’un séminaire sur les génocides organisé en 2016 par des professeurs de l’Université Carleton à Ottawa, dont le professeur Gurcharan Singh. 164 Revue Ouvertures vol 3 David Brême — Comprendre le sikhisme avec des sikhs du Grand Montréal 1. La religion sikhe : un monothéisme originaire du Pendjab fondé par Guru Nânak Carte géographique des cinq fleuves formant le Pendjab et carte politique du royaume du Pendjab avant sa partition britannique (source Université de Laval à gauche et Wikipédia à droite, cf. bibliographie) Le sikhisme a vu le jour dans le Grand Pendjab, peu avant les invasions turco mogholes musulmanes, près de Lahore, actuellement la deuxième ville du Pakistan. Entrée de l’Inde pour toutes ses invasions historiques, le Grand Pendjab fut un creuset religieux et culturel pour tous les peuples qui s’y rencontrèrent et le sikhisme est profondément enraciné dans ce pays fertile dont la situation géopolitique est stratégique et donc, à l’échelle de l’histoire, souvent sous tension. Le Pendjab vient étymologiquement du persan signifiant les cinq grands fleuves se jetant dans l’Indus, soit du nord au sud : le Sutlej, le Beas, le Ravi sur laquelle se 165 Revue Ouvertures vol 3 David Brême — Comprendre le sikhisme avec des sikhs du Grand Montréal dresse la métropole de Lahore, le Chenab et le Jhelum. Du temps de Guru Nânak, le Pendjab incluait effectivement ces cinq fleuves et était dénommé alors Grand Pendjab. La géographie du Pendjab a évolué du Grand Pendjab, vaste pays incluant une grande part du Pakistan actuel, les provinces indiennes de l’Haryana, de l’Himachal Pradesh et de la province indienne actuelle du Pendjab7 à cette dernière province indienne justement et à une province pakistanaise portant le même nom. La carte ci-dessous de la situation de 1955 reflète la complexité de ce territoire. Carte des Pendjab indiens et pakistanais en 1955 (Source : Université de Laval) C’est dans ce contexte qu’est apparue la cinquième religion mondiale, le sikhisme ayant environ 27 millions d’adeptes (Encyclopédie canadienne, art. Sikhisme, 2008). Le sikhisme réfère à un principe d’enseignement par un guru fondateur, Guru 7 L’État indien du Pendjab fait une surface d’environ 50000 km2, le Grand Pendjab au moins 7 fois plus grand. 166 Revue Ouvertures vol 3 David Brême — Comprendre le sikhisme avec des sikhs du Grand Montréal Nânak et neuf gurus lui ayant succédé, jusqu’à l’établissement du livre sacré comme ultime guru, le Gurû Granth Sâhib, collectant tous leurs enseignements, ainsi que ceux d’autres saints et poètes par le cinquième guru, Guru Arjun. En Inde, un guru peut être un professeur, un maître de musique, voire une circonstance instructive et sa connotation honorifique empreinte de respect est souvent assez éloignée des craintes de manipulations sectaires, de « gouroutisation » que le terme français gourou véhicule de nos jours. C’est la raison pour laquelle la translittération en italique de guru sera privilégiée de façon générique et que sera conservé l’usage de nommer Guru Nânak et ses successeurs avec une majuscule. 1.1. Guru Nânak (1469-1539), fondateur du sikhisme Nânak naquit en 1469 dans le Grand Pendjab, à Talvandi (ville à l’ouest de Lahore) dans uploads/Philosophie/david-breme-comprendre-le-sikhisme-avec-des-sikhs-du-grand-montreal-part-1.pdf

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