Perspectives Philosophiques n°017, Deuxième trimestre 2019 iv SOMMAIRE 1. Criti
Perspectives Philosophiques n°017, Deuxième trimestre 2019 iv SOMMAIRE 1. Critique de l’idée d’une "rhétorique philosophique" chez Platon, Djakaridja YÉO……………………………………………………………………….1 2. L’accès aux principes chez Leibniz. Une enquête sur les présupposés logico-métaphysiques de la vérité, Auguste NSONSISSA……………………………………………………………….20 3. Rousseau et la critique du progrès socio-scientifique au xviiième siècle, Aya Anne-Marie KOUAKOU……………………………………………………….48 4. Les États africains et la constitution républicaine au miroir de la pensée politique et juridique de Kant, Firmin Wilfried ORO…………………………………………………………………67 5. Nietzsche et la violence : Questionnement sur une étrange fascination, Jean-Honoré KOFFI……………….............................................................88 6. Critique de la sécurité militaire à la lumière du philosopher nietzschéen, Sizongui Daniel YEO………………..........................................................106 7. L’interculturalité à l’épreuve de l’indétermination de la traduction chez quine : impasse et perspective, KONAN Amani Angèle Épse GROGUHE………………………………………127 8. L’Anthropomorphisme au creuset de la pensée jonassienne : une critique de l’objectivité scientifique, TIENE Baboua……………………………………………………………………….144 9. Des implications éthiques de la déstructuration technique de la nature humaine sur l’avenir de l’humanité, Laurent GANKAMA…………………………………………………………………162 10. Des espaces ruraux face aux métropoles : l’apport de comparaisons nords – suds, Nelly Annick-Narcisse ZÉBRO épouse DAGO…………………………………173 Perspectives Philosophiques n°017, Deuxième trimestre 2019 Baboua TIENE 144 L’ANTHROPOMORPHISME AU CREUSET DE LA PENSÉE JONASSIENNE : UNE CRITIQUE DE L’OBJECTIVITÉ SCIENTIFIQUE Baboua TIENE Université Félix HOUPHUET-BOIGNY d’Abidjan-Cocody (Côte d’Ivoire) babtiene@gmail.com Résumé : La pensée de Hans Jonas s’est construite en assumant de nombreuses ruptures épistémologiques et axiologiques. Sur le plan épistémologique, certains concepts sur lesquels Jonas s’appuie se heurtent à des certitudes ordinaires, surtout à certains critères posés, depuis Descartes, à toute connaissance fiable, véritable. Il en est ainsi de l’anthropomorphisme. Ce concept est perçu, par le scientisme en général, comme un choix épistémologique qui se trouve aux antipodes de l’objectivité, clef de voûte de toute connaissance scientifique. Pourtant, à bien suivre Jonas, on se rend compte que l’Anthropomorphisme constitue, chez lui, un puissant moyen pour comprendre et réagir, de façon appropriée, face à la situation de dégénérescence de la condition de vie sur terre. Désormais, l’homme est appelé à ne plus se penser comme métaphysiquement supérieur aux autres êtres de la nature. Il se doit de regarder autrement le monde en y prenant la pleine mesure de sa responsabilité. Mots clés : Anthropomorphisme, Épistémologie, Finalisme, Nature, Objectivité scientifique, Responsabilité, Subjectivité. Abstract: Hans Jonas' thought was constructed by assuming many epistemological and axiological breaks. On the epistemological level, some concepts on which Jonas relies clash with ordinary certainties, especially with certain criteria laid down, since Descartes, with all reliable, genuine knowledge. This is so with anthropomorphism. This concept is perceived by scientism as an epistemological choice that is at the opposite ends of objectivity, the keystone of all scientific knowledge. However, following Jonas, we realizes that Anthropomorphism constitutes a powerful means to understand and to react, Perspectives Philosophiques n°017, Deuxième trimestre 2019 Baboua TIENE 145 appropriately, vis-a-vis the degenerations’ situation of life conditions on earth. From now on, man is called to no longer think himself as metaphysically superior to other beings in nature. He must look at the world differently, taking full measure of his responsibility. Keywords : Anthropomorphism, Epistemology, Finalism, Nature, scientific Objectivity, Responsibility, Subjectivity. Introduction L’anthropomorphisme est une attitude subjective visant à établir des savoirs, mais qui, par ce qui en constitue l’essence même, trahirait la vérité dont est porteur chaque corps objectif. Son sens étymologique renseigne, d’ailleurs, sur son principe fondamental justifiant cette idée. Néologisme issu du grec "anthropos" traduisant l’idée d’homme et "morphê" qui véhicule celle de forme, l’anthropomorphisme est, selon L-M Morfaux et J. Lefranc (2005, p. 33.), cette « tendance à étendre à tous les êtres, spécialement aux animaux, les manières de sentir, de réagir qui sont propres aux hommes ». Rapporté à la science moderne, l’anthropomorphisme est présenté comme une injure à l’esprit scientifique, voire un déshonneur pour la recherche de la connaissance véritable des choses du monde. Il désigne la naïveté initiale qui caractérise le niveau pré-scientifique de la connaissance. C’est, selon G. Airenti ( 2012, p. 35- 53) « dès la première enfance, (que) les humains attribuent des traits de comportement anthropomorphe – tels des intentions, des perceptions et des sentiments – aux animaux, aux artefacts et même aux phénomènes naturels ». L’anthropomorphisme est la célébration du subjectivisme dans la connaissance en ce sens que le sujet est le repère et le porteur du savoir. La vérité proviendrait donc seulement de celui qui la conçoit. Les propos de Protagoras dans le Théétète (152a) de Platon mettent en évidence cette réalité : « L’homme est la mesure de toutes choses, de l’existence de celles qui existent, et de la non- existence de celles qui n’existent pas. » En ignorant que les objets du monde ont leurs propres normes d’existence et de fonctionnement, l’homme s’éloigne de la vérité qu’il devrait découvrir sur chaque être. Car, il s’éloigne du langage et de l’idéal scientifiques. Selon Perspectives Philosophiques n°017, Deuxième trimestre 2019 Baboua TIENE 146 Bachelard (1983, p. 7.), en effet, « toute pensée scientifique s’interprète à la fois dans le langage réaliste et dans le langage rationaliste ». Ces langages sont ce qui fait de toute science un système dont la visée fondamentale est l’objectivité. C’est ce que dit P. Destrée (1996, p. 209-224.) : « L’idéal de la science moderne, on le sait, c’est à la fois celui de la certitude et de l’objectivité ». L’anthropomorphisme serait, dès cet instant, une mauvaise méthode dès lors qu’il se présente comme une méthode assujettie à des pesanteurs psychologiques dont la science voudrait bien se passer. En interprétant tout en fonction de l’anthropomorphisme, il est à parier que la compréhension du monde naturel, de cette pure extériorité, ne soit pas satisfaisante pour l’esprit scientifique moderne. Cela justifie que le terrain de la recherche du savoir véritable soit le tribunal où un procès est intenté contre l’anthropomorphisme. Il est considéré comme obstacle à la compréhension du monde. Pour H. Jonas, cette conclusion n’est pas conforme à la vérité. À rebours, il soutient que « l’anathème jeté sur toute espèce d’anthropomorphisme, ou même de zoomorphisme, par rapport à la nature (…) s’avère être, dans cette forme extrême, un préjugé » (H. Jonas, 2001, p. 33.). L’anthropomorphisme jonassien n’est pas une méthode de description du vivant, mais une approche favorisant sa compréhension véritable. Comprendre la nature, pour Jonas, c’est coïncider avec elle, établir une relation d’intimité en vue d’en saisir les besoins. L’homme étant un constituant de cette nature, il porte en soi les normes d’existence et de fonctionnement du biosystème dans son ensemble. C’est en descendant en soi, au cœur de sa propre subjectivité, qu’il peut véritablement comprendre la nature et, par suite, établir une norme de relation éthique adéquate avec elle. . Cette contribution, qui s’inscrit dans la perspective de la pensée philosophique de H. Jonas, a pour objectif fondamental de limiter la portée des reproches faits au caractère anthropomorphique de sa pensée en faisant ressortir l’importance pratique d’un tel choix. Il s’agira, pour nous, de répondre aux questions suivantes : Quels sont les griefs formulés par Perspectives Philosophiques n°017, Deuxième trimestre 2019 Baboua TIENE 147 l’objectivisme scientifique contre l’anthropomorphisme ? Comment H. Jonas parvient-il à déconstruire la critique scientiste contre l’anthropomorphisme ? Dans un premier moment, nous montrerons, à travers une approche herméneutique, les motifs pour lesquels l’anthropomorphisme ne saurait contribuer à l’objectivité de la connaissance des choses du monde (I). .Dans un deuxième moment, nous opèrerons la critique de la posture objectiviste contre l’anthropomorphisme non sans dévoiler la signification e et la valeur axiologique que H. Jonas confère à ce concept d’essence épistémologique. (II). 1. De la crise épistémologique de l’anthropomorphisme Pour l’esprit scientifique moderne, qui se développe depuis le doute cartésien sur la capacité des sens à servir de passerelle fiable pour le savoir, - « nos sens nous trompent » disait (R. Descartes, 1990, p.31.) - l’anthropomorphisme est considéré comme un problème épistémologique réel. Toute méthode qui renferme en soi quelque indice de l’anthropomorphisme est donc frappée d’ostracisme. La raison principale de cette remise en cause de l’anthropomorphisme est celle-ci : connaître scientifiquement signifie clairement, dans ce contexte de modernité, connaître objectivement. 1.1. L’exigence d’objectivité en science ou le contrepoids du subjectivisme et de la relativité Du point de vue de la science moderne, pour connaître véritablement, il faut d’abord un objet à connaître. Cet objet doit être présent dans l’espace et le temps ; il doit s’agir d’un corps matériel. Les objets métaphysiques sont alors considérés comme des faux-objets, c’est-à-dire des choses immatérielles qui n’ont pas qualité à être traitées par les sciences. Il n’y a de science que pour un ob-jet (ce qui est jeté devant), une chose appartenant à la sphère extérieure au sujet. Le monde du dehors, pris sous la forme d’une existence autonome, ne peut plus être expliqué par référence aux normes et aux valeurs de notre intériorité, qu’elle soit sentimentale, émotive ou psychologique. La césure ainsi instaurée entre le subjectif (c’est-à-dire l’implication de l’intériorité du sujet connaissant dans le processus d’établissement et d’affirmation du savoir) et l’objectif (se limitant à ne prendre en compte que l’information que donne l’objet sur soi) justifie, selon uploads/Philosophie/l-x27-anthropomorphisme-au-creuset-de-la-pensee-jonassienne-par-tiene-baboua-universite-felix-houphouet-boigny-de-cote-d-x27-ivoire.pdf
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- Publié le Aoû 19, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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