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http://izuba.info/info/rwanda-4e-assises-nationales-de-lutte-contre,866.html Il est nécessaire de s’interroger sur « les tentatives falsificatrices des nouveaux assassins de la mémoire », comme nous y appelaient Josias Semujanga et Jean-Luc Galabert, qui auront l’an dernier fait appel à certains des plus éminents experts du négationnisme du dernier génocide du XXe siècle à l’occasion de la sortie d’un ouvrage de référence sur le sujet, Faire face au négationnisme du génocide des Tutsi. Aux côtés de Philippe Basabose, Jean-Damascène Bizimana, Virginie Brinker, Véronique Chelin, Catherine Coquio, Alexandre Dauge-Roth , Eric Gillet, Jean-Paul Gouteux, José Kagabo, Faustin Kagame, Jean-Marie Kayishema, Jean MukirimbiriI, Tom Ndahiro, Jean Ndorimana, Eugène Nshimiyiamana, Évariste Ntakirutimana, Michael Rinn, Catalina Sagarra et Yves Ternon, ils rappelaient l’impérieuse nécessité d’une analyse des « discours qui précèdent, accompagnent et succèdent au génocide » afn de « retracer les rapports entre les idéologies racistes et le génocide », « entre le négationnisme et la démarche politique et historiographique » pour combattre les « entreprises communicationnelles du déni », non seulement falsifcations historiques, « mensonge sur l’histoire du génocide » mais aussi, et surtout, « véritable déclaration de haine et de mépris contre les Africains et les Banyarwanda de façon générale et volonté de détruire les Batutsi en particulier ». Le colloque parisien du 26 janvier s’inscrit sans aucun doute dans cette volonté de lutter contre ces discours de la haine que sont les discours négationnistes. Des historiens de grande qualité, parmi lesquels Hélène Dumas, Stéphane Audoin-Rouzeau, Jean-Pierre Chrétien, Marcel Kabanda ou encore Yves Ternon, prendront part à cette réfexion aux côtés de rescapé(e)s du génocide - Annick Kayitesi et Alain Ngirinshuti –, de représentants des associations oeuvrant pour la justice, tel Alain Gauthier, ou de journalistes s’étant engagés, dès 1994, et même avant pour certains, à informer sur la politique génocidaire mise en œuvre au Rwanda - Maria Malagardis, Laure De Vulpian, Alain Frilet, Jean-François Dupaquier ou encore Patrick De Saint-Exupery – pour ne citer que quelques-uns des intervenants. Les noms ci-dessus évoqués sont indéniablement un gage de la qualité des interventions et des débats qui auront lieu ce 26 janvier à Paris. Cependant, lutter contre le négationnisme, c’est reconnaître « pleinement » un génocide. Et « cette reconnaissance génère une exigence », comme nous le rappelle Jean-Luc Galabert en conclusion de Faire face au négationnisme du génocide des Tutsi : « accepter l’inconfort de l’effort de comprendre ces « événements » et mettre à jour les responsabilités qui y sont afférentes. » Ainsi, puisque dès lors qu’il s’agit d’étudier le négationnisme du génocide, il s’agit aussi de mettre à jour les responsabilités dans les événements y ayant conduit, nous ne pouvons faire l’impasse sur deux éléments majeurs ayant rendu sa réalisation possible : le rôle joué par la France au Rwanda, de 1990 à 1994, et la compromission de certains médias hexagonaux envers la politique menée par la France au pays des mille collines. La prise en compte de ces deux éléments nous interroge sur l’opportunité de la présence de Jean-Marie Colombani comme modérateur de la première table ronde, intitulée « la longue préparation et les signes avant-coureurs » et sur celle de Bernard Kouchner, dont on nous indique qu’il sera le « Grand témoin » de cet événement. Il nous apparaît ainsi nécessaire de rappeler ce qui suit. Bernard Kouchner au Rwanda « Malheureusement, avec Bernard Kouchner, l’action humanitaire est devenue le faux nez de l’armée et de dirigeants français qui ont soutenu les pires massacreurs pour maintenir, voire étendre, la présence de la France en Afrique. » — Jacques Morel, Georges Kapler, « Concordances humanitaires et génocidaires », La Nuit rwandaise n° 1, 2007 L’objet de ce texte n’est pas de revenir sur la carrière du « french doctor », si prompt à se mettre au service de la diplomatie française, ofciellement, sous Mitterrand comme sous Sarkozy, et plus ofcieusement, depuis le Biafra, lorsqu’il s’agissait de « sensibiliser l’opinion » pour le service de Messmer, Foccart et du SDECE [1] lors de la très médiatique opération politico- humanitaire permettant d’appuyer la sécession en livrant des sacs de riz... et des armes, dans une guerre de déstabilisation du Nigeria qui fera au fnal plusieurs millions de morts [2] jusqu’à la Birmanie, pour la frme Total. C’est l’action de Kouchner au Rwanda qui nous intéresse ici. Car il n’est pas un simple « témoin », mais un acteur de la tragédie rwandaise. En plein génocide, il se mettra ainsi au service de l’Elysée, toujours pleinement engagé à soutenir ses alliés génocidaires. Une note de Bruno Delaye à l’attention du Président de la République, datée du 16 mai 1994, porte ainsi l’objet : « Rwanda - Mission de B. Kouchner au Rwanda »[3]. Bernard Kouchner se rendra notamment au Rwanda à la demande de Mitterrand, du 12 au 18 mai 1994, pour monter une opération politico-médiatique au proft du gouvernement intérimaire rwandais – le gouvernement qui encadrait le génocide : « Il [Kouchner] m’a annoncé que le public français était en état de choc devant l’horreur du génocide au Rwanda et qu’il exigeait des actions concrètes. Je lui ai exposé ma position : pas question d’exporter des enfants [et de] s’en servir comme porte-enseigne pour quelques Français bien- pensants. J’ai détesté l’argument de Kouchner qui estimait que ce genre d’action serait une excellente publicité pour le gouvernement intérimaire. […] Je n’aimais déjà pas l’idée de faire sortir du pays des enfants rwandais, mais se servir de ce geste pour montrer une meilleure image des extrémistes me donnait la nausée. » — Roméo Dallaire, « J’ai serré la main du diable », Libre expression, 2004. C’était en 1994, sous la présidence Mitterrand, et Kouchner était donc en mission pour l’Elysée. Il reprendra du service pour Nicolas Sarkozy, entre 2007 et 2010, comme ministre des Afaires étrangères et européennes. C’est dans ce cadre qu’il sera amené à s’exprimer sur le rôle joué par la France durant le génocide. « Plus ça change, plus c’est la même chose : gouvernement de droite ou de gauche, ministre de gauche dans un gouvernement de droite, les mêmes mensonges persistent, destinés à occulter la complicité politique et militaire de la France mitterrandienne pendant la préparation puis la mise en place du génocide des Tutsi du Rwanda. » — Benjamain Sehene, Rue89, 5 octobre 2007 Alors ministre français des Afaires étrangères, Bernard Kouchner aura reconnu, en 2007, que la France avait commis des « erreurs politiques » au Rwanda, mais il réfutera catégoriquement « toute participation française aux massacres perpétrés lors du génocide de 1994 » afrmant qu’« il ne dirait jamais qu’il y a eu une participation de l’armée française au moindre meurtre. » « Jamais » ? Faut-il comprendre par là qu’il irait jusqu’à nier des preuves évidentes, jusqu’à manipuler l’Histoire, pour continuer à défendre cette thèse ? Curieuse posture pour celui qui a accepté l’invitation d’un historien à être « le Grand témoin » d’un colloque sur le négationnisme... « Pas de participation française au moindre meurtre », donc, selon Kouchner, le « Grand témoin » de ce colloque, quand bien même de nombreux témoins - moins « grands » que lui, peut-être... - afrment le contraire. Bernard Kouchner n’est pas historien et on peut dès lors se demander, avec Benjamin Sehene, sur quels éléments il s’appuie pour ainsi réfuter les témoignages de survivants et survivantes du génocide et la documentation accumulée au fl des années invalidant ses propos. « La France est coupable d’erreurs politiques, elle n’est pas coupable de génocide et sûrement pas l’armée française », aura-t-il à plusieurs reprises insisté. « Bernard Kouchner prend aussi la défense de l’opération militaire française « Turquoise », alors que le Rwanda et plusieurs organisations non- gouvernementales, notamment African Rights (basée à Londres), accusent Turquoise d’avoir soutenu les forces hutu à l’origine des massacres. » — Benjamain Sehene N’en déplaise à Bernard Kouchner, les documents et témoignages accablants sur le rôle joué par la France - son armée, sa diplomatie, ses banques - sont extrêmement nombreux. Et ils nous indiquent qu’on est très loin d’une « simple erreur d’appréciation » ou d’une « faute politique », mais qu’il s’agit d’un engagement total, et en toute connaissance, dans une politique raciste d’extermination d’une population, les Tutsi, sur une base ethnique. Il s’agit aujourd’hui de faits établis et largement documentés y compris par certains des participants à ce colloque, comme par de nombreux rapports, témoignages et travaux universitaires, journalistiques et d’ONG. Si nous n’avons pas pour objet de les détailler ici, nous pouvons néanmoins signaler à ceux qui n’en auraient pas connaissance les travaux de la Commission d’Enquête Citoyenne (auquel aura pris part Yves Ternon, intervenant de la première table ronde de ce colloque), l’indispensable travail de Jacques Morel réuni dans son livre, La France au cœur du génocide des Tutsi, les livres et documents publiés par l’association Survie ou encore les nombreux articles de la revue La Nuit rwandaise. Dans le flm documentaire, « Tuez-les tous ! » de Raphaël Glucksmann qui sera difusé lors de ce colloque, pendant la pause, Bernard Kouchner uploads/Politique/ assises-contre-negationnisme.pdf

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