10 La Marseillaise / du vendredi 20 au jeudi 26 mars 2020 DOSSIER / MUNICIPALES
10 La Marseillaise / du vendredi 20 au jeudi 26 mars 2020 DOSSIER / MUNICIPALES OCCITANIE : ANALYSE DU 1 er TOUR ENTRETIEN Michel Crespy est politologue. La Marseillaise : Comment va se dérouler ce second tour des élections municipales ? Michel Crespy : La date dépendra évi- demment de l’évolution de l’épidémie. Et le 2e tour ne se tiendra que quand l’épidémie sera devenue totalement ré- siduelle. On ne prendra pas le risque d’un rebond. Quand est-ce que cela se produira ? Je n’en sais rien. Je crains bien que les médecins n’en sachent pas beaucoup plus. On parle du 21 juin, ef- fectivement, c’est la date qui circule. Si tout va bien et que l’épidémie dure un mois ou un mois et demi comme c’est à l’heure actuelle programmé. Maintenant, dans la mesure où il s’agit d’une épidémie mondiale, on ne sait pas trop où on va. Est-ce que des facteurs pourront fausser le résultat du scrutin prévu pour le moment fin juin ? M.C : Il y aura forcément des inciden- ces. Le scrutin finira par se tenir un jour ou l’autre, à moins qu’on soit tous morts d’ici là ! Mais les incidents, il y en aura forcément. On peut voir la po- lémique avec la déclaration d’Agnès Buzyn et les discussions sur les réseaux sociaux sur la façon dont le gouverne- ment gère la crise, est-ce qu’il en fait trop, est-ce qu’il en fait assez ? Bref, cha- cun met son grain de sel. Il me semble assez clair donc que si le vote du second tour suit directement la fin de la crise, à quelques semaines près, il sera in- fluencé par le jugement que porteront les Français sur l’action du gouverne- ment pendant la crise. Donc il y aura des discussions à ce sujet là et cela sera probablement le sujet principal, sur comment ils ont géré la crise et com- ment éviter qu’une telle crise ne se re- produise. La campagne électorale tour- nera forcément autour de cela, me sem- ble-t-il, ou au moins dans les premiers temps. Après, il sera possible qu’on se recentre sur des sujets locaux dans les derniers jours de la campagne mais très proche de la crise, c’est comme cela que ça se produira. Si nous avions reporté d’un an par exemple, regrouper avec les Régionales comme certains l’ont de- mandé, je pense que cela aurait été une idée raisonnable. On serait dans un ti- ming bien différent, et lointain où, en ef- fet, on serait retombé dans une élection normale. Là, on n’aura pas vraiment les Municipales normales. On aura une espèce de référendum sur la façon dont le gouvernement aura géré la crise. Face à toutes ces interrogations, le premier tour peut-il être remis en jeu d’après vous ? M.C : Le conseil des ministres s’est ré- uni pour adopter un projet de loi à sou- mettre au Parlement pour garantir que le premier tour est maintenu. Les ré- sultats de celui-ci sont donc conservés, ils sont gelés en quelque sorte. Parce que, naturellement, le code électoral ne prévoit pas cela du tout. Il prévoit que le premier et le second tour ne sont pas détachables l’un de l’autre et qu’ils sont liés à une semaine l’un de l’autre. Ce n’est pas possible, si on reporte le se- cond tour, il faut annuler le premier. L’autre solution, étant celle que le gou- vernent a adopté, consiste à changer le code électoral. C’est une chose qui ne se fait jamais d’habitude quand on est en plein milieu d’une élection. Cela dit, une épidémie comme celle que nous vi- vons avec le confinement, ça ne s’est ja- mais fait non plus. On est dans des cir- constances complètement exception- nelles dans lesquelles le droit habituel ne s’applique plus. Donc cela devient difficile de trouver des réponses nor- males en quelque sorte. ( …). Certains juristes ont dit qu’il y avait une bagarre entre spécialistes de droit public et de droit constitutionnel parce que rien n’est prévu dans les lois pour des cir- constances de ce genre là. Si le premier tour est maintenu, de quelle manière doivent s’opérer les négociations d’entre- deux tours entre les listes dont la limite légale de dépôt était mardi dernier initialement ? M.C : Il y a eu une hésitation car , dans un premier temps, il fallait que le dépôt des listes soit fait en effet avant mardi dernier à 18h. Le gouvernement a hé- sité et Castaner a un peu flotté sur la question . Finalement, il a annoncé que dans le projet de loi, le dépôt de liste se- rait repoussé aussi jusqu’à une semaine avant le deuxième tour. Donc cela dé- pendra de la date de celui-ci. Par con- séquent, toutes les négociations qui ont été entamées peuvent se prolonger jus- qu’à ce moment là. C’est une solution de bon sens car on ne peut pas en même temps obliger les gens à rester chez eux et leur demander de déposer des listes qui supposent les signatures de tous les colistiers. Cela repousse donc les négo- ciations et tout le monde a le temps de se reprendre et de réfléchir à la ques- tion à tête reposée. Propos reccueillis par Hugo Tortel M. Crespy : « On aura une sorte de référendum sur la façon dont le gouvernement aura géré la crise » ENTRETIEN Emmanuel Négrier est politologue à la faculté de Montpellier et directeur de recherche au CNRS. La Marseillaise : Quels constats tirer du très fort taux d’abstention de ce premier tour , qui s’est déroulé dans des conditions particulières ? Emmanuel Négrier : En cas de crise de ce type, évidemment, la politique passe au second plan. On constate que les dif- férentes tendances politiques ne se sont pas comportées de manière égale. Tout porte à croire que le RN et LFI ont été par- ticulièrement pénalisés, l’électorat ayant le plus voté étant a contrario celui de LREM. Si dans les petites commu- nes, le taux de participation a été parfois similaire à celui de 2014, dans les gran- des villes, on est dans un véritable déni de démocratie. Quand partout la parti- cipation est en dessous des 40%, il y a un problème et là, il s’agit de la crise sa- nitaire. Avec une abstention largement supérieure dans les endroits densément peuplés, cela va au-delà de la décision in- dividuelle, c’est un phénomène social qui pose un problème démocratique. Des catégories entières de population ont été placées à distance du vote au sens sociologique et territorial du terme. À Alès, malgré l’union de la gauche, Max Roustan a gagné dès le premier tour avec plus de 56% des voix. Un résultat surprenant ? E.N. : Alès, c’est le cas typique de ce que j’indiquais. En termes relatifs, ça donne à Max Roustan un avantage considéra- ble. Certes, on a l’habitude de voir Max Roustan élu dès le premier tour. Mais lui-même a reconnu le côté atypique avec une participation telle que l’on ne peut que souligner le problème : il est élu au premier tour avec un pourcen- tage supérieur à 2014, mais avec moitié moins de voix ! Il bénéficie de trois avan- tages : une prime au maire sortant, d’au- tant plus forte en cas de crise sanitaire où on a tendance à voter pour la per- sonne déjà en place ; l’affaiblissement du vote RN, où on sait que domine un sentiment de défiance à l’égard d’au- trui bien plus fort que dans les autres électorats, ce qui n’incite pas à voter dans un tel contexte; et enfin à gauche, la panne de mobilisation pour des rai- sons qui tiennent à la sociologie de ce vote, plus jeune et populaire, donc moins enclin à voter lors des élections muni- cipales. A Alès, la liste d’union de la gauche a fait les frais de cette absten- tion totalement anormale. À Nîmes, Bouget et Lachaud se sont démarqués alors que l’on attendait Richard et Gillet... E.N. : La liste conduite par Daniel Richard est pénalisée par les handicaps sociologiques du vote jeune du côté de LFI ou même des Verts. Et il en est de même pour le RN. Du côté de la liste de Vincent Bouget, elle traduit la meilleure résistance d’une culture politique com- muniste nîmoise, qui reste assez im- portante et engagée dans le vote, en tout cas plus que dans des villes où le commu- nisme a connu une grave récession comme à Béziers ou Montpellier. Dans une configuration où les socialistes sont en crise structurelle et où les forces do- minantes à l’échelle nationale que sont LREM et le RN sont en difficulté, on voit ressortir les électorats liés à cette cul- ture politique. La liste Lachaud est dis- tancée par celle de Jean-Paul Fournier , car même s’il incarnait un électorat plus mobilisé, il pâtit d’une étiquette LREM qui ‘‘plombait’’ plus ses repré- sentants locaux qu’elle ne les aidait. À Montpellier, les résultats sont très serrés, cela uploads/Politique/ partie-2-pdf.pdf
Documents similaires










-
42
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 28, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
- Taille du fichier 3.9139MB